Selon la Banque des règlements internationaux (BRI), pour chaque année ajoutée à l’espérance de vie d’une population, il faut augmenter de 3 à 4 % la valeur actualisée des obligations d’un RPD typique.

L’ensemble des obligations de ce genre, y compris les rentes, est évalué entre 15 000 et 25 000 G$ US dans le monde. Ainsi, pour chaque année de longévité sous-estimée, le coût annuel en rentes supplémentaires s’élèverait de 450 G$ à 1 billion $, d’après un rapport de la BRI.

En effectuant le même calcul pour le Canada, dont la valeur des engagements est évaluée à 1 400 G$ selon Yves Allard, une année de longévité coûte de 42 à 56 G$.

La Financière Sun Life situe pour sa part à 3,5 % l’augmentation de la valeur des engagements d’un RPD pour chaque année d’espérance de vie gagnée, notamment en raison du perfectionnement des sciences de la santé et des meilleures habitudes de vie.

Autrement dit, l’impact sur un régime d’une augmentation de deux ans de la longévité des participants équivaut à une baisse de 14 % des marchés boursiers combinée à une diminution de 1 % des taux d’intérêt, explique Yves Allard.

Au Québec, les statistiques de 2012 n’étaient pas encore compilées quand la Régie des rentes du Québec a déposé son dernier rapport au gouvernement. Cependant, en ce qui concerne les 748 RPD sous sa surveillance au 31 décembre 2011, en combinant aux 104 G$ d’actif détenu les 37 G$ de déficit estimé, on peut estimer à 141 G$ la valeur des engagements des RPD privés québécois à cette date.

Au Québec, le coût annuel supplémentaire se situerait donc à près de 5 G$ pour chaque année d’augmentation de l’espérance de vie des retraités.

Nouveau produit ?

Pour gérer ce risque, les RPD peuvent depuis des décennies se libérer de leur risque de longévité et de leur risque d’investissement en achetant pour des groupes de retraités des rentes qui seront versées directement aux individus par l’assureur (buy out) ou transmises au régime qui les distribuera à ses participants inactifs (buy in), selon Yves Allard.

Ce qui est nouveau, c’est l’assurance longévité, dit Yves Allard, précisant que le concept (en anglais longevity swap) qui a vu le jour au Royaume-Uni a été introduit au Canada en 2011.

À sa connaissance, aucun contrat de ce genre n’a encore été vendu en Amérique du Nord, mais des négociations seraient en cours chez plusieurs groupes.

Il s’agit ici d’une transaction dans laquelle un RPD paie une prime à un assureur, qui s’engage à couvrir pour une année donnée la différence entre les rentes initialement projetées en fonction des prévisions de mortalité du régime et les rentes réellement versées.

«Je ne serais pas surpris de voir une percée dans ce domaine au cours des prochaines années», affirme François Paquin, actuaire et adjoint au vice-président aux solutions collectives chez Standard Life. Un tel produit est à l’étude chez son employeur.

Le prolongement de l’espérance de vie est aujourd’hui au coeur du risque de longévité, auquel le marché de produits financiers est en train de «s’ajuster» au Canada, selon l’expression du professeur Louis Adam de l’École d’actuariat de l’Université Laval (ÉAUL).

Moment propice

Quel que soit le produit privilégié par un RPD, l’amélioration récente de la solvabilité de nombreux d’entre eux pourrait pousser plusieurs promoteurs à transférer à des assureurs ou à d’autres entités une partie de leurs risques, selon Louis Adam.

Yves Allard abonde dans ce sens, compte tenu de l’embellie boursière de 2013 et de la remontée des taux d’intérêt de long terme. «Le moment est propice», dit-il, même dans le cas de RPD dont le ratio de solvabilité en cas de terminaison d’un régime n’atteindrait que 80 %.

De plus, à son avis, les administrateurs ont tendance à moins négliger le risque de longévité, puisqu’ils sont moins stressés qu’au moment du krach boursier de 2008 ou lors de la baisse des taux d’intérêt.

Le directeur de l’École d’actuariat, Denis Latulippe, s’attend aussi à ce que certains promoteurs passent à l’action, «dans un contexte de réduction des déficits et de volonté de réduire le niveau des risques».

«Le marché reste néanmoins limité», ajoute l’ex-actuaire en chef de la Régie des rentes du Québec.

Pour François Paquin, la «saveur du mois» demeure l’achat de rentes de type buy in, ou «sans rachat des engagements», où le promoteur est directement tenu pour responsable envers les pensionnés.

À définir

En fait, les assureurs canadiens les plus importants et certaines grandes banques s’intéressent aux diverses options, précise Denis Latulippe. Dans le cas de l’achat de rentes, dit-il, le coût de la garantie est encore un enjeu important, si on le compare à celui du portefeuille diversifié (et par conséquent risqué) d’une caisse de retraite.

Il rappelle cependant que les exigences de solvabilité et la situation financière des principales compagnies d’assurance et des banques canadiennes sont supérieures à celles de promoteurs de régimes de retraite.

De plus, ajoute Yves Allard, les rentes vendues par un assureur sont protégées par Assuris, la société qui protège les assurés canadiens en cas de faillite d’un assureur, et à laquelle toutes les compagnies d’assurance sont tenues de participer.

Le marché des transferts de risque de longévité a pris suffisamment d’importance pour que la BRI recommande aux autorités des pays concernés de passer en revue leur réglementation et leurs normes.

Ses experts situent ce marché dans «un territoire plus ou moins inexploré pour les analystes et les universitaires».

Nouvelles tables

Le professeur Louis Adam, dont les recherches récentes sur les tables de mortalité sont abondamment discutées dans l’industrie, rappelle que l’Institut canadien des actuaires (ICA) a préparé de nouvelles normes fondées sur une expérience plus récente.

«Cela coûtera plus cher», affirme-t-il en parlant de provisions actuarielles significativement modifiées.

L’ICA a d’ailleurs confirmé le 13 février que selon la nouvelle table, l’espérance de vie d’une femme de 65 ans en 2014 est de 24,4 ans, au lieu de 22,1 ans auparavant. Celle d’un homme du même âge passe de 19,8 à 22,1 ans. Ce prolongement de l’espérance de vie projetée est qualifié de significatif par l’ICA.