Un homme d'affaire mettant un bout de bois pour retenir une tour en plots.
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Avant la pandémie, la dette sur marge des clients était sur une trajectoire descendante régulière, se contractant à 23,3 milliards de dollars (G$) à la fin du premier trimestre 2020, contre 26,2 G$ au début de cette année. Depuis lors, cependant, les emprunts des investisseurs ont grimpé en flèche, atteignant un pic de près de 40 G$ au troisième trimestre 2021.

Cette année, l’endettement sur marge des clients a reculé en raison de la faiblesse des marchés et de l’incertitude économique croissante. Jack Rando, directeur général de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), a déclaré que les données à venir montreront que l’encours de la dette sur marge a baissé à 37,2 G$ à la fin du deuxième trimestre, contre 38,4 G$ au trimestre précédent.

Cependant, l’endettement des clients reste bien supérieur aux niveaux pré-pandémiques, à un moment où les taux d’intérêt augmentent rapidement. La Financière Banque Nationale a estimé que la hausse des taux ajoutera 30,4 G$ aux coûts d’emprunt des ménages au cours des deux prochaines années, dont environ 14 G$ proviendront de lignes de crédit plus coûteuses et le reste, de dépenses hypothécaires plus élevées.

L’augmentation des coûts d’emprunt n’est qu’une partie du risque. La volatilité des prix des actifs, associée à l’effet de levier, augmente également le risque de graves turbulences sur les marchés. La chute de la valeur des actifs qui déclenche des appels de marge peut créer une « spirale de la marge » – une boucle de rétroaction négative dans laquelle les investisseurs sont contraints de vendre dans un marché en déclin, ce qui entraîne une nouvelle baisse des valeurs.

Dans un scénario extrême, le système financier au sens large est déstabilisé, ce qui met les bilans des banques et des courtiers en valeurs mobilières sous pression, ces entreprises cherchant à absorber l’activité de vente. Les marchés ont été confrontés à ce type de turbulences lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé pour la première fois, provoquant des ventes massives. Cela a incité les décideurs à prendre des mesures sans précédent pour soutenir la liquidité du marché en réduisant les taux d’intérêt, en achetant des actifs et en assouplissant les exigences en matière de fonds propres.

Depuis lors, l’effondrement du fonds spéculatif new-yorkais Archegos Capital Management LP a mis en évidence un autre risque : la menace d’une accumulation non détectée de l’effet de levier. En mars 2021, Archegos s’est effondré après que la société a été incapable de répondre aux appels de marge sur ses positions de négociation à fort effet de levier et très concentrées. Les banques ont subi des milliards de dollars de pertes lorsque la société a fait faillite.

« L’effondrement d’Archegos a montré comment les risques liés à l’effet de levier, à la concentration et à l’interconnexion peuvent se cristalliser, note un post-mortem sur la chute de la firme par l’Autorité européenne des marchés financiers publié à la mi-mai. Au-delà des pertes globales subies par certaines banques, cet événement indique que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour surveiller adéquatement les risques liés aux produits dérivés et à l’effet de levier. »

Dans la dernière Revue du système financier de la Banque du Canada, on peut lire que « si elles ne sont pas contrôlées, les positions constituées grâce à un « effet de levier caché » peuvent devenir suffisamment importantes pour nuire à la stabilité financière, surtout si elles sont jumelées à l’exposition concentrée des prêteurs au crédit d’entreprises à fort effet de levier. »

Compte tenu de cette préoccupation, la banque centrale participe aux efforts du Conseil de stabilité financière (CSF) pour mieux comprendre les sources de l’effet de levier caché au niveau mondial. Le CSF devrait présenter ses conclusions au G20 en octobre.

Entre-temps, la croissance récente de la dette sur marge des clients dans le secteur canadien de l’investissement n’est pas un secret. La forte hausse de la dette sur marge, qui est passée de son niveau du premier trimestre de 2020 à son sommet de la fin de 2021 (soit un bond de 69,4 %), s’est produite dans un contexte de conditions d’emprunt favorables pour les investisseurs et d’un boom de l’investissement de détail.

L’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a indiqué que l’ouverture de comptes a plus que doublé en 2020, avec environ 2,3 millions de comptes de courtage ouverts au cours de l’année, contre moins de 900 000 l’année précédente.

La forte augmentation de l’activité des investisseurs particuliers a conduit les régulateurs à s’inquiéter des risques pris par les investisseurs novices, dont beaucoup tirent leurs informations sur les placements des médias sociaux et d’autres sources douteuses.

Dans le sillage de l’essor des transactions de détail, l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement (OSBI) a signalé une forte augmentation des plaintes impliquant des sociétés d’investissement artisanales en 2021. En particulier, l’OBSI a constaté que les investisseurs se plaignaient de problèmes liés aux marges, ainsi que de dysfonctionnements du service et de problèmes d’exécution des ordres.

L’OSBI a également signalé que les problèmes de service – comme l’impossibilité pour un investisseur d’accéder à son compte dans un contexte de volume de transactions important et de volatilité accrue du marché – peuvent être exacerbés lorsque cet investisseur est également confronté à des appels de marge qui menacent de décimer son portefeuille. Pourtant, les investisseurs qui acceptent ces risques lorsqu’ils souscrivent à un compte de courtage indépendant peuvent avoir peu de recours lorsque leurs titres sont liquidés pour répondre aux appels de marge.