Le coefficient de Gini est l’une des mesures de l’inégalité des revenus dans une population. Le résultat se situe entre 0 et 1, où 0 signifie l’égalité parfaite, et 1 montre une inégalité totale.

Au Canada, ce coefficient s’établissait à 0,40 en 1985, comparativement à 0,44 en 2009, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Durant cette période, il est passé de 0,44 à 0,49 aux États-Unis.

Sur un échantillon de 15 pays en Europe, en Asie et en Amérique du Nord, l’OCDE n’a trouvé qu’un pays où les inégalités ont diminué : les Pays-Bas, où le coefficient de Gini a glissé de 0,47 à 0,43.

L’accroissement des inégalités s’explique, entre autres, par le progrès technologique et l’invention des ordinateurs personnels qui ont favorisé les travailleurs plus qualifiés et diplômés, selon une récente analyse d’AlphaFixe Capital, une société montréalaise de gestion de placements en revenu fixe.

Miser sur les extrêmes

Un autre facteur fondamental pèse aussi dans la balance, selon l’économiste français Thomas Piketty, l’auteur du best-seller Le Capital au XXIe siècle. Le rendement du capital est systématiquement plus élevé que le rythme de la croissance, ce qui favorise les détenteurs de capital.

Selon Thomas Piketty, sans mesure fiscale plus progressive pour limiter l’impact de cette croissance des inégalités, la concentration de patrimoine dans les mains d’une minorité mine les valeurs de justice sociale des démocraties.

Pire, lorsqu’on observe une hausse des inégalités, la croissance économique diminue, notamment parce que les plus pauvres sont moins en mesure d’investir dans leur formation et leur éducation, d’après une étude de l’OCDE (http://bit.ly/1wqOqMk).

Il va sans dire que l’accroissement des inégalités et de la polarisation des revenus a une incidence sur les placements. Si l’industrie du commerce de détail ciblant la classe moyenne pâtit, les marques s’adressant aux riches et aux pauvres, elles, se portent bien, selon l’auteur de l’étude d’AlphaFixe.

«Les détaillants comme Jacob, JC Penney et Sears traversent des moments difficiles, alors que les investisseurs de Dollarama ont quintuplé leur mise en cinq ans et que les ventes de véhicules de Mercedes-Benz au Canada ont bondi de 43 % entre 2009 et 2013», écrit François Galarneau, d’AlphaFixe.

Luxe peu accessible

Quels sont les secteurs les plus intéressants pour les clients ?

Dans le marché mondial des produits de luxe, plusieurs entreprises sont intéressantes. Toutefois, en Amérique du Nord, le choix est plutôt mince, explique Stéphane Rochon, stratège chez BMO Nesbitt Burns.

«Le problème, c’est qu’il y a peu de sociétés publiques qui se concentrent sur les produits de luxe en Amérique du Nord», dit-il. L’une des rares exceptions est l’américaine Tiffany & Co, un bijoutier et une maison de design. «C’est une marque bien connue», insiste le stratège.

Pour leur part, Michael Kors (vêtements et accessoires griffés) et Kate Spade (vêtements, bijoux, accessoires), également deux sociétés américaines, peuvent être considérées comme des marques de «luxe abordable», selon lui.

Dans le véritable marché de luxe, les entreprises phares de l’industrie se trouvent essentiellement en Europe, avec les sociétés françaises Hermes et LVMH (Moët Hennessy Louis Vuitton), sans parler de la britannique Burberry, de l’italienne Gucci (une entreprise à capital fermé) et des allemandes Daimler et BMW.

Les titres de ces entreprises ne sont toutefois pas disponibles en Amérique du Nord. L’investisseur intéressé doit donc acheter les actions de ces entreprises directement sur les Bourses européennes. Il n’existe pas non plus de fonds négociés en Bourse (FNB) pour investir dans ces entreprises, selon BMO.

Cependant, il y a une exception, précise Stéphane Rochon. Fiat Chrysler Automobiles (FCA), propriétaire de la marque sportive Ferrari, a annoncé en octobre la scission de sa marque de luxe. FCA vendra bientôt 10 % du capital de Ferrari aux États-Unis (à la Bourse de New York), et peut-être sur un marché européen.

Plus de bas de gamme

De son côté, le segment du marché des consommateurs à faible revenu en Amérique du Nord compte, lui, bon nombre d’entreprises qui veulent servir cette clientèle. Aux États-Unis, 9 des 10 postes les plus importants en matière d’emplois offrent des salaires annuels inférieurs à 35 000 $, souligne l’étude AlphaFixe.

Parmi les sociétés publiques ciblant cette clientèle en Amérique du Nord, on compte la canadienne Dollarama, les américaines Dollar Tree, Family Dollar, Dollar General, Walmart et Amazon, de même que la chinoise Alibaba, qui est inscrite à la Bourse de New York.

Toutes proportions gardées, ce type d’entreprise est plus présent aux États-Unis, où les inégalités sont plus criantes qu’au Canada.

«Les grandes chaînes alimentaires canadiennes ont aussi leurs marques pour servir cette clientèle au Canada», précise Jean-René Ouellet, conseiller en placement chez Valeurs mobilières Desjardins. Par exemple, Metro et Loblaw exploitent les bannières à rabais Super C et Maxi.

Toutefois, selon le gestionnaire, la conjoncture est davantage favorable aux entreprises ciblant les consommateurs à faible revenu au sud de la frontière. La reprise économique est solide, les entreprises recommencent à embaucher, les salaires augmentent légèrement, sans parler de la baisse du prix de l’essence.

«Pour un ménage américain, cette diminution peut représenter par année une économie oscillant entre 500 et 700 $. C’est grosso modo l’équivalent d’une hausse annuelle de salaire de 1 %», remarque Jean-René Ouellet.

Il va sans dire que ces revenus supplémentaires vont probablement se traduire en nouvelles dépenses discrétionnaires de la part des consommateurs américains dans les Walmart de ce monde. Ce qui est positif pour les entreprises de ce secteur.

Une incertitude plane toutefois sur l’industrie, fait remarquer le gestionnaire de VMD : la dépréciation du dollar canadien et l’appréciation de la devise américaine.

Au Canada, par exemple, la chute de la monnaie canadienne fera augmenter les coûts des marchandises achetées par Dollarama à l’étranger. L’entreprise pourra-t-elle repasser la facture à la clientèle ?

Aux États-Unis, la force du billet vert fait en sorte que les profits réalisés par les filiales de Walmart à l’étranger dans une autre devise fondront quand ils seront rapatriés au pays. La société pourra-t-elle augmenter ses prix pour compenser ces pertes ?