Des mains de plusieurs couleurs formant un cercle autour d'un coeur
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Les technologies financières nées de l’intelligence artificielle (IA) et de l’apprentissage automatique facilitent l’analyse des critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG), notamment sur le sujet de la diversité. Cependant, leur intégration pose des défis…

Les données ESG n’ont jamais été aussi abondantes. Réseaux sociaux, téléphones cellulaires, satellites : elles proviennent en flux continu de multiples sources. Ces données fournissent des occasions à saisir pour mieux quantifier les risques et les coûts de l’investissement responsable (IR) afin d’attirer l’attention du marché sur certains enjeux actuels, en particulier celui de la diversité, a souligné Jackie Daitchman, directrice exécutive, équipe relation client ESG chez MSCI ESG Research, lors d’une table ronde sur les technologies financières et l’analyse ESG présentée par CFA Montréal.

« On voit de plus en plus d’intérêt de la part des investisseurs pour la diversité. C’est un des sujets les plus importants actuellement en matière de risques sociaux », constate l’experte, qui note « une convergence des enjeux ESG sur la diversité et des rendements ». Elle cite les résultats d’une étude de MSCI auprès de 4000 organisations démontrant que les entreprises qui ont au moins trois femmes sur leur conseil d’administration ont produit 10,1 % de rendement de capital depuis 2010, contre 7,4 % pour les entreprises avec une gouvernance exclusivement masculine.

Comment la diversité s’inscrit-elle dans l’analyse des critères ESG ? « Elle amène une diversité de pensée qui stimule l’innovation et favorise de meilleures pratiques de gestion de la main-d’œuvre dans les organisations », répond l’experte. Ces deux enjeux sont considérés comme essentiels à la performance des entreprises.

Cependant, l’étude de la diversité au sein des organisations se limite encore souvent à comptabiliser la proportion d’hommes et de femmes chez les gestionnaires ou encore l’origine culturelle des employés en termes de pourcentages, ce qui est insuffisant, commente la spécialiste.

« La diversité que l’on doit rechercher dans les organisations doit être plus cognitive que structurelle. C’est une diversité qui amène l’organisation à prendre des décisions plus adéquates », renchérit François Bourdon, associé directeur chez Sustainable Market Strategies, invité à partager son expérience lors de la table ronde.

De l’avis des experts, cette diversité demeure un critère difficile à analyser, car son évaluation nécessite une bonne compréhension des données étudiées et, surtout, leur mise en contexte afin d’éviter les biais de perception. « Il faut améliorer la compréhension des données pour mieux les contextualiser. S’ils ne sont pas convenablement analysés, les indices ESG sont plutôt inutiles, car ils s’apparentent alors à des indices moraux », considère François Bourdon.

Utilisées conjointement, ces technologies s’avèrent utiles également pour analyser les données sur la diversité. MSCI a ainsi réalisé une étude aux États-Unis à partir de données collectées grâce à divers outils (localisation, adresse des employés, statistiques du recensement, etc.) pour voir si les entreprises américaines utilisaient toute la palette de talents disponibles à proximité de leurs bureaux. La firme a constaté ainsi que, souvent, les entreprises employaient des taux de personnes issues des minorités inférieurs à ceux dont elles disposaient dans leur bassin d’emploi naturel.

Les outils technologiques peuvent aider à relever le défi de l’analyse des données ESG, reconnaît Bruno Taillardat, gestionnaire de portefeuille, actions à bêta actif intelligent chez Amundi, encore faut-il savoir « distinguer les données qui ont du sens et de la valeur pour pouvoir les interpréter dans le cadre d’un processus d’investissement ». À ce sujet, les technologies n’apportent pas toutes les réponses, croit-il. « L’IA ne remplacera jamais l’analyse humaine et sa capacité intuitive pour prendre des décisions de gestion. »

Un autre défi est le manque de données alternatives à analyser pour évaluer l’information divulguée par les entreprises, déplorent les experts. « Pourquoi se baser uniquement sur des pourcentages pour évaluer la diversité ? Cela peut dépendre de nombreux autres facteurs. Il faut pouvoir quantifier d’autres aspects », estime Jackie Daitchman.

Dans un contexte marqué par l’incertitude, alors que l’inflation grimpe, que le prix de l’énergie flambe et que les relations internationales sont ébranlées, il est urgent d’agir, estiment les panélistes. « On n’a pas le temps d’attendre que le marché corrige les problèmes, insiste l’experte. Nous devons être plus intentionnels avec les placements pour les diriger vers les solutions à ces enjeux. »

L’inclusion récente des critères ESG dans un avis d’orientation des Autorités canadiennes en valeurs mobilières portant sur la publication de l’information des fonds d’investissement est selon la spécialiste un pas dans la bonne direction pour faire davantage converger les intérêts sociaux et les aspects financiers.

Trois technologies pour analyser les critères ESG

Voici quelques pistes pour utiliser les technologies financières suggérées par les panélistes.

  • L’analyse systématique des rapports annuels des entreprises par l’IA permet de percevoir comment les entreprises décrivent leur ESG et quels sont les risques émergents qu’elles identifient.
  • L’apprentissage automatique peut aider à suivre les nouvelles qui concernent les organisations, afin de comprendre comment elles gèrent leur risque réputationnel dans certaines situations, notamment en cas de controverse.
  • Les outils d’analyse des données géospatiales contribuent à faire parler les données pour mettre en valeur certains types d’information, notamment sur les changements climatiques, en mesurant par exemple la fréquence des inondations dans certaines régions.