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Les conseillers ont une raison de plus cette année de pratiquer la stratégie de la vente à perte à des fins fiscales avant la fin de l’année 2018 pour leurs clients en affaires. Certains d’entre eux pourraient être touchés par un impôt fédéral supplémentaire en 2019 s’ils négligent de tenir compte de cette stratégie cette année. Voici pourquoi.

D’abord, le gouvernement fédéral a annoncé dans son dernier budget qu’il allait limiter l’accès à la déduction pour petites entreprises (DPE) de plusieurs sociétés privées. Pour les sociétés se qualifiant, la DPE fait en sorte que le bénéfice d’entreprise passe du taux général, ou gros taux, au taux réduit, ou petit taux, pour les premiers 500 000 $, appelés «plafond des affaires».

C’est à ce dernier montant que la nouvelle mesure s’en prend, indiquait Dany Provost, directeur planification financière et optimisation fiscale, SFL Expertise, dans un récent article de Finance et Investissement : « En effet, lorsque des revenus de placement seront trop élevés dans cette société ou dans toute autre société associée à celle-ci, le plafond des affaires sera réduit graduellement, possiblement jusqu’à zéro. En fait, pour chaque dollar excédant 50 000 $ de revenu de placement, le plafond sera réduit de 5 $. Cela signifie qu’à compter de 150 000 $ de revenu de placement, le plafond des affaires sera nul. Autrement dit, le petit taux sera perdu au complet. »

Autrement dit, si une société ou une société associée a trop de revenus de placement, elle perdra la DPE et sera donc imposée davantage.

Une subtilité importante découle toutefois des règles entourant la définition du revenu de placement. Ainsi, le gouvernement désigne comme du revenu de placement les intérêts, les loyers, les redevances, les dividendes de portefeuille, les dividendes de sociétés étrangères qui ne sont pas des sociétés rattachées et les gains en capital imposables.

« La définition proposée du revenu de placement total ajusté comprend également le revenu tiré de l’épargne dans une police d’assurance-vie qui n’est pas une police exonérée », lit-on dans une récente étude de BDO Canada.

Attardons-nous plus particulièrement aux gains en capital. Sont considérés comme du revenu de placement les gains en capital imposables supérieurs aux pertes en capital déductibles de l’année d’imposition en cours, tirés de la disposition des placements passifs, d’après BDO.

En clair, on ne peut pas utiliser les pertes en capital nettes enregistrées durant une année d’imposition précédente dans le but de venir réduire le revenu passif de l’année d’imposition en cours en vertu des règles sur le revenu de placement total ajusté.

« Lorsque vous déterminez si une réduction du plafond des affaires des petites entreprises surviendra en vertu des propositions, c’est le revenu de placement total ajusté gagné pour l’année d’imposition terminée au cours de l’année civile précédente qui a une incidence sur le calcul de la réduction pour l’année d’imposition en question », écrit BDO.

Par exemple, pour une société par actions dont la clôture d’exercice concorde avec la fin de l’année civile, toute réduction qui surviendra pour l’année d’imposition terminée le 31 décembre 2019 sera basée sur le revenu de placement total ajusté gagné au cours de l’année d’imposition terminée le 31 décembre 2018, d’après BDO.

C’est pourquoi il est important d’envisager la stratégie de la vente à perte à des fins fiscales avant la fin de l’année 2018. Pour un contribuable, cette stratégie consiste à vendre des titres financiers ayant enregistré une perte en capital durant une année civile donnée dans le but de venir effacer des gains en capital enregistrés par ailleurs. Afin que cette perte soit reconnue durant l’année 2018, la dernière journée pour pouvoir effectuer cette vente est le 27 décembre, de manière à ce que la transaction soit conclue avant la fin de l’année, selon une étude de la Financière Banque Nationale.

Toutefois, un client ou une personne affiliée à lui devra attendre au moins 30 jours après la vente avant de racheter le titre correspondant. Autrement sa perte sera refusée en vertu des règles fiscales sur les pertes apparentes.

Selon Dany Provost, les pertes en capital ne peuvent que réduire les gains en capital imposables et non les revenus d’intérêt ou les revenus de dividendes. C’est pourquoi il est pertinent d’envisager de « récolter » les pertes en capital lorsque la société a des gains en capital important par ailleurs lors d’une année financière donnée.

Évidemment, il faut tenir compte de l’ensemble de la situation fiscale d’un client avant d’agir. Certains clients pourraient ne pas avoir à se soucier tant que ça des nouvelles règles entourant la DPE.

Par exemple, un médecin incorporé, qui fait partie d’un pool de quelques centaines de médecins, partage son plafond des affaires avec ce grand groupe d’autres médecins incorporés. À moins d’avoir très peu de revenus passifs, ce médecin inc. a déjà pratiquement « perdu » l’accès à sa DPE et sera donc très peu sensible aux mesures.

De plus, une entreprise ayant peu de revenus peut gagner davantage de revenus passifs avant d’être frappée par la perte de la DPE. Une société « ayant un revenu d’entreprise de 75 000 $ devra gagner plus de 135 000 $ en revenu passif avant que son plafond des affaires soit réduit à un montant inférieur à son revenu d’entreprise », d’après le budget fédéral de 2018.