«Nous ne prévoyons pas une croissance robuste du PIB américain et nous sommes très prudents dans notre sélection de titres, car le marché est nettement plus cher qu’il ne l’était il y a deux ans», reconnaît-il.

Un marché plus cher dans un contexte de ralentissement marqué de la croissance des bénéfices d’exploitation (BE) des sociétés : en décembre 2012, les analystes prévoyaient une hausse de 17,5 % de ces bénéfi-ces au deuxième trimestre de 2013 par rapport au même trimestre de 2012.

Aujourd’hui, cette prévision a été ramenée à 0,64 %, ce qui n’a pas empêché l’indice S&P 500 d’afficher un rendement de 13,8 % en dollars américains au premier semestre.

Ce plafonnement de la rentabilité coïncide avec une modeste croissance du PIB : elle est estimée à 1,7 %, sur une base annualisée, au 2e trimestre. Elle n’était que de 1,1 % au 1er trimestre, et de 0,1 % au 4e trimestre de 2012. Le ralentissement de la croissance mondiale a pesé sur les exportations manufacturières et le gouvernement fédéral a réduit ses dépenses et augmenté les impôts. Il faut espérer que la croissance s’accélérera au 2e semestre, alors que l’impact des hausses d’impôt s’amenuisera.

«Le fait que les investisseurs paient de plus en plus cher pour de moins en moins de croissance nous préoccupe. Il est beaucoup plus difficile d’investir. Vous ne devez pas payer cher pour quelque chose qui ne croît que lentement. Mais vous pouvez acheter IBM et Oracle à 10,5 fois et à 12 fois les bénéfices prévus, respectivement, Cisco Systems demeure bon marché», estime-t-il.

Aubrey Hearn pense que certaines grandes banques comme JP Morgan Chase et Wells Fargo continuent de se négocier à des ratios financiers attrayants de 9 et de 11 fois les bénéfices prévus, respectivement.

«Par contre, les banques régionales se négocient désormais à des multiples beaucoup plus élevés et nous n’en détenons aucune», précise-t-il.

Du côté des sociétés industrielles, la compagnie ferroviaire CSX affiche un ratio cours/bénéfices (C/B) de 12,4, par rapport à 15 et 16, respectivement, pour le CN et le CP. «Le charbon compte pour environ 18 % des expéditions ; la substitution du gaz naturel inquiète les investisseurs. Nous pensons que malgré cela, l’entreprise poursuivra sa croissance».

Par contre, le fonds ne détient presque pas de titres de consommation de base. Aubrey Hearn concède qu’il s’agit de certaines des meilleures entreprises du monde, mais qu’elles sont devenues trop chères en raison de l’obsession des investisseurs pour les dividendes.

«Nous avons récemment vendu notre position dans Procter & Gamble qui, à 19 fois les bénéfices prévus, est trop chère pour la croissance prévue. Par contre, nous conservons celle dans Wal-Mart qui, à 13 fois les bénéfices prévus, demeure attrayante».

Les titres énergétiques coûtent en général trop cher, les sociétés du secteur ne parvenant pas à générer un rendement élevé du capital investi. Occidental Petroleum est toutefois une exception, et elle réussit à augmenter son dividende chaque année.

L’économie s’améliore

«En tant que praticien de la sélection individuelle de titres, je ne me laisse pas distraire par l’analyse des propos de Ben Bernanke. Il ne fait que confirmer que l’économie s’améliore», défend Sandy Sanders, cogestionnaire du Fonds d’actions américaines toutes capitalisations Manuvie.

«L’emploi augmente graduellement et le marché immobilier est à mi-chemin d’un retour à la normale, alors qu’on construit la moitié des maisons requises. De plus, les banques ont été recapitalisées et le système financier est maintenant solide. Le bilan des consommateurs est assaini et le montant d’intérêts qu’ils payent est à son plus bas ni- veau en 30 ans. Tous les facteurs sont réunis pour une poursuite de la croissance économique aux États-Unis», soutient-il.

Il note que le bénéfice par action to-tal des sociétés composant le S&P 500 atteignait 84 $ US au moment où l’indice atteignait son sommet précédent de 1 565, le 9 octo-bre 2007. Le bénéfice devrait atteindre 110 $ US cette an-née, soit une hausse de 30 %, alors que le S&P 500 est de seulement 10 % plus élevé. Les actions sont donc 20 % moins chères aujourd’hui qu’en 2007, calcule-t-il. Les revenus des sociétés devraient progresser de 3,6 % en 2013 et de 4,7 % en 2014, en raison de l’accélération de l’emploi.

«Le rendement annualisé de l’indice S&P 500 a été de 10 % au cours des 100 dernières années et il a été presque nul au cours de la dernière décennie. Nous revenons à la moyenne», pense Sandy Sanders.

Les grandes capitalisations comptent actuellement pour deux tiers du fonds, alors que les petites et moyennes comp- tent pour l’autre tiers. Cela indique que les grandes capitalisations sont actuellement plus attrayantes.

Sandy Sanders achète des titres qui se négocient à un escompte d’au moins 30 % par rapport à la valeur estimée de ses flux de trésorerie projetés sur cinq ans, pour les revendre lorsque l’escompte disparaît.

Les secteurs de la technologie, de la finance et de la consommation discrétionnaire, qui comp-tent respectivement pour 30 %, 24 % et 19,5 % du portefeuille, sont ceux où il trouve les titres les plus attrayants. Par contre, le secteur de la consommation de base, dont la pondération est de seulement 5 %, est surévalué de 25 à 30 %, selon lui. Les titres du secteur pharmaceutique sont pour la plupart pleinement évalués, ajoute-t-il.

Le titre d’Apple est la deuxième plus importante pondération en portefeuille, soit environ 6 %. Acheté au cours du 1er semestre, il se négociait récemment à environ 70 % de sa valeur estimée de 725 $ US, fondée sur une hypothèse de croissance annuelle de 7 % et des marges légèrement plus faibles.

Recul possible

L’économie américaine poursuit sa remontée, notamment dans les secteurs immobilier et de l’automobile, et le marché boursier reflète sa constante amélioration, avance David Sykes, cogestionnaire du Fonds américain de revenu mensuel TD. Cela n’exclut pas que des reculs de 5 à 10 % puissent survenir pour une multitude de raisons.

Il croit qu’en raison de la réduction de la structure de coûts des entreprises, l’accroissement de leurs revenus résultant de la hausse de l’activité économique qu’il prévoit devrait augmenter les bénéfices de manière importante.

Il se sent donc à l’aise d’acheter des titres à 15 fois les bénéfices, non pas dans l’espoir qu’ils se négocieront un jour à 20 fois ces derniers, mais parce que la croissance des bénéfices passera de 3 ou 4 % à 7, 8 ou 9 %.

«Les sociétés américaines n’ont jamais été en aussi bonne santé, leurs marges sont très fortes et leur bilan est très solide. Nous cherchons des sociétés dont le modèle d’affaires peut affronter la concurrence et qui versent un bon dividende en croissance à même leurs bénéfices eux-mêmes en croissance. Or en 2012, les dividendes des sociétés qui composent le S&P 500 ont augmenté de 20 % par rapport à 2011, mais le ratio de distribution des bénéfices en dividendes n’est que de 30 %, par rapport à un ratio normal de 45 à 50 %. Au cours des années à venir, nous sommes convaincus que nous enregistrerons des augmentations substantielles de dividendes de la part de sociétés de première qualité que nous détenons. Le cours des titres peut fluctuer à court terme, mais à long terme, si le revenu de dividende augmente, le cours finira aussi par augmenter», défend-il.

David Sykes trouve des titres attrayants dans le secteur financier et de la technologie. Les titres industriels lui semblent aussi bon marché. Il admet cepen-dant que certains segments du marché sont coûteux, notamment ceux des services publics, des télécommunications et de la consommation de base.

Il tente d’assembler un portefeuille de 30 à 40 titres qui offre un rendement de dividende moyen de 3,5 %, qui peut croître de 10 % par an, de sorte que dans sept ans, le rendement de dividende sur le coût original sera de 7 %, ce qui est trois ou qua- tre fois supérieur à l’inflation.

Parmi les titres qu’il juge actuellement attrayants, il cite celui de Microsoft, qui se négocie à 12 fois les bénéfices : «Depuis quatre ans, Microsoft indique au marché qu’il lui sera difficile de croître ; il est en effet difficile pour une entreprise d’une telle taille de doubler. Elle a donc décidé de commencer à remettre aux actionnaires une partie des énormes flux de trésorerie qu’elle génère. Son rendement de dividende de 2,9 % peut paraître modeste, mais ce dividende s’est accru à un rythme annualisé de 16 % au cours des cinq dernières années.»