Ils gèrent en fait des fonds indiciels ou «passifs» déguisés en fonds «actifs». L’auteur les surnomme les closet indexers. Environ le tiers de l’actif accumulé dans des fonds d’actions aux États-Unis serait géré par des closet indexers, selon l’étude.
Il y a aussi des gestionnaires qui pratiquent une gestion plus active, ceux qu’Antti Petajisto nomme «sélecteurs de titres» (stock pickers). Pour les reconnaître, l’auteur mesure l’écart entre la pondération d’un titre dans un indice et dans leur fonds. Plus de déviation signifie une plus grande portion active dans un portefeuille.
Ils ne sont pas ceux qui négocient le plus : «Il ne faut pas confondre cette mesure avec un taux de rotation élevé du portefeuille, qui mesure le degré d’activité du portefeuille en matière de volume de transactions par rapport à l’actif sous gestion. Aucune étude ne montre que les gestionnaires qui négocient le plus obtiennent les meilleurs résultats. On peut négocier plusieurs fois des titres sans ajouter de valeur», prévient James Gauthier, analyste de fonds chez Gestion de patrimoine Dundee, à Toronto.
Antti Petajisto cerne aussi 180 fonds qui ont la portion active la plus élevée, dont l’actif total sous gestion oscille autour de 480 M$ US. Il les compare à 180 fonds indiciels déguisés en fonds «actifs», dont l’actif total sous gestion est de plus de 2 billions $ US.
Il calcule que l’alpha net des sélecteurs de titres a été de 1,89 %, par rapport à – 1,07 % pour les closet indexers entre 1990 et 2009. Et ce, bien que le ratio de dépenses des sélecteurs de titres soit en moyenne de 1,41 %, par rapport à 1,05 % pour les closet indexers.
«Les sélecteurs de titres les plus actifs ont battu leurs indices par 1,26 % annuellement après les frais et dépenses, et par 2,61 % en les excluant, ce qui démontre un degré d’habileté non négligeable. Durant la crise de 2008-2009, les sélecteurs de titres ont continué de battre leur indice par 1 %, tandis que les fonds indiciels déguisés ont continué de sous-performer», écrit Antti Petajisto.
La portion active élevée prédit le mieux les rendements futurs des fonds de petites capitalisations, mais elle est aussi valide pour prédire ceux des fonds de grandes capitalisations, ajoute Antti Petajisto : «Lorsqu’ils sélectionnent des fonds, les investisseurs devraient donc choisir ceux qui ont la mesure de portion active la plus élevée, ou encore les combiner avec des fonds indiciels à coût bas.»
Scepticisme
«Nos propres travaux ne nous permettent pas d’arriver à une telle conclusion, et en cela, ils rejoignent les conclusions d’une étude de Vanguard publiée en mai 2012, qui n’a trouvé aucune valeur prédictive de surperformance dans la mesure de la portion active», répond Russel Kinnel, directeur de la recherche en FCP chez Morningstar à Chicago.
«Si vous créez 50 portefeuilles de 10 titres à partir du S&P 500, chacun d’entre eux aura automatiquement une portion active élevée. Donc, si la portion active avait une valeur prédictive de surperformance, chaque portefeuille devrait performer mieux que l’indice lui-même. Or, nous savons que ce n’est pas possible puisque nous n’avons rien fait d’autre que trancher l’indice. Bien sûr, certains portefeuilles performeront mieux que l’indice, mais ce n’est pas la portion active qui permettra de le prédire», explique-t-il.
L’étude de Vanguard couvrait la période entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2011. Outre l’absence de valeur prédictive de la mesure, elle concluait aussi que plus la portion active était élevée, plus la dispersion des rendements excédentaires était grande et plus les coûts étaient élevés.
De plus, contrairement aux idées reçues, la performance des fonds concentrés de titres «à forte conviction» avec une portion active élevée ne dépassait pas de manière significative celle des fonds dont la «portion active» est faible. Enfin, les fonds qui avaient la portion active la plus élevée tendaient à se concentrer dans les actions de petite et moyenne capitalisation.
«Chaque fois qu’on affirme que des fonds qui ont une portion active élevée et qui coûtent plus cher performent mieux que des fonds qui ont une portion active faible, vous devriez être très sceptique. Nous avons cependant trouvé la mesure de la « portion active utile » pour vérifier à quel point le contenu d’un fonds ressemble à un indice et pour suivre l’évolution de cette ressemblance.»
Les bases de données de Morningstar, aux États-Unis, offrent une mesure de chevauchement entre un fonds et un indice, ce qui est essentiellement l’inverse de la portion active. Dans son «Global Fund Report», Morningstar inclut spécifiquement la mesure de la portion active, selon Russel Kinnel.
«Vous ne trouverez pas dans une base de données canadienne de FCP la mesure de portion active d’un fonds», précise James Gauthier, qui aimerait pouvoir ajouter ce paramètre à sa grille d’analyse.
«Cela dit, au Canada, où les ratios de frais de gestion oscillent autour de 2,5 %, si quelqu’un colle à l’indice, il est condamné à une sous-performance chronique. J’ai toujours axé mon choix de gestionnaires vers ceux qui se montrent sceptiques quant aux indices, et qui se concentrent plutôt sur une bonne sélection de titres. La mesure de la portion active soutient cette approche», défend James Gauthier.
1. Antti Petajisto, «Active Share and Mutual Fund Performance», Financial Analysts Journal, juillet-août 2013, Vol. 69, no 4, pp. 73-93.