«Je n’avais pas une mission de reconstruction. Je devais plutôt donner une nouvelle direction, puisque la restructuration avait changé le mandat de l’entité de placement, explique-t-il. Ce que je voyais aussi, c’était que les équipes en place avaient une bonne profondeur.»

À la fin du premier trimestre de 2015, le 31 mars, DGIA gérait près de 75 G$ pour le compte de clients provenant du Mouvement Desjardins, comme Desjardins Sécurité financière (DSF) et Desjardins Assurances générales, mais également pour des clients externes et pour la caisse de retraite de Desjardins (cette dernière est aussi connue sous le nom de Régime de rentes du Mouvement Desjardins).

«De la gestion directe se fait ici, principalement pour les relations internes avec des clients comme DSF, pour qui nous gérons près de 22 G$», indique celui qui porte d’ailleurs le titre de chef des placements de DSF.

«DSF a besoin d’un service de placement ; nos équipes sont complètement intégrées. Par exemple, les équipes d’actuariat et d’appariement de DSF sont sur le même étage que nous», précise Gregory Chrispin.

De plus, DGIA gère aussi plus de 16,5 % de l’actif de la caisse de retraite de Desjardins, soit 1,6 G$ sur un actif total de 9,7 G$ (au 31 décembre 2014).

Solide réseau

Du côté du détail, DGIA gère des mandats pour des clients externes, principalement des sociétés distribuant des fonds communs de placement. De plus, son équipe de sélection de gestionnaires recommande aux entités qu’elle sert des firmes de gestion ayant une expertise spécialisée.

«Nous ne faisons pas tout, nous allons chercher différents gestionnaires dans des créneaux particuliers, comme les marchés émergents et les obligations à haut rendement. Ces firmes font des choses qu’on ne fait pas déjà à l’interne et ont des expertises qui seraient difficiles à développer à l’interne», souligne Gregory Chrispin.

Pour y arriver, DGIA a développé un réseau de gestionnaires établis un peu partout dans le monde, parmi lesquels on retrouve des grands noms tels que BlackRock, PIMCO et Aberdeen.

«Ils ont une vue qu’on ne pourrait pas avoir en termes de marché du crédit et de marchés des valeurs mobilières dans des régions comme l’Europe et l’Asie. Ils nous donnent aussi accès à un réseau qu’il serait difficile de développer à Montréal», note Gregory Chrispin.

Actif en forte croissance

De 2008 à 2015, l’actif sous gestion de DGIA a augmenté de 98 %, soit près de 37 G$, passant de 38 G$ en 2008 à 75 G$ au 31 mars 2015. Plus précisément, entre le dernier trimestre de 2014 et la fin du premier trimestre de 2015, l’actif en revenu fixe de DGIA est passé de 30,2 G$ à 40,1 G$, alors que celui en actions est passé de 7,3 G$ à 8,2 G$.

Au 31 mars 2015, l’actif en revenu fixe de DGIA représentait 53,7 % de l’actif total de l’entreprise, comparativement à 48,8 % au 31 décembre 2014.

Cette évolution est imputable à plusieurs facteurs, dont une réorganisation des processus de travail, ainsi qu’à la croissance globale enregistrée par le Mouvement Desjardins.

«En 2010, nous avons amorcé un travail de consolidation. Beaucoup de choses se faisaient, mais pas nécessairement de façon optimale. Nous avons mis en place des systèmes très robustes de salle de marchés, de suivi de marché et de service post-marché [front, middle et back office] afin de nous assurer que nos processus étaient les plus fluides possibles», soutient Gregory Chrispin.

Ce travail d’optimisation a permis à DGIA de réaliser des économies d’échelle et d’augmenter son actif sous gestion sans devoir augmenter son personnel.

«Avant, tous les trois ou quatre mandats, on aurait dû augmenter la taille de nos équipes. Maintenant, le règlement, la prise de décision, le calcul de la performance, tout est dans un système clos. Ça nous permet d’augmenter nos actifs.»

D’autres mesures ont aussi été mises en place, comme la consolidation de l’équipe de crédit de DGIA.

«L’analyse du crédit a été centralisée au cours des dernières années. Nous avons une équipe de quatre personnes qui ne fait que ça et qui est entièrement intégrée à notre processus de gestion. À un tel point que s’ils font une recommandation défavorable pour une émission, personne ne peut en mettre dans le portefeuille.»

En quête de nouveaux mandats

Parallèlement, DGIA est également partie à la recherche de nouveaux mandats, à l’externe, mais aussi à l’intérieur du Mouvement Desjardins, notamment grâce à l’acquisition des activités canadiennes de State Farm, terminée en début d’année.

«En 2010, nous ne gérions rien pour la caisse de retraite de Desjardins, et aujourd’hui, ces actifs représentent plus de 1,6 G$. Nous avons gagné ces mandats avec le temps, les efforts et le travail.»

Toutefois, DGIA ne mène pas une course aux mandats à tout prix : «Nous ne courons pas aux portes pour avoir tous les mandats. Lorsqu’un mandat est rattaché à des occasions ou à des relations importantes, ça le bonifie et il devient plus intéressant pour le Mouvement».

D’ailleurs, Gregory Chrispin se fait un devoir de rappeler que, bien que DGIA soit un gestionnaire interne à Desjardins, aucun cadeau ne lui est fait.

«Ce n’est pas parce que nous avons « Desjardins » dans notre nom qu’on va nous donner des mandats. Le plus grand défi, à mon arrivée chez DGIA, c’était de gagner la confiance des gens. Il fallait avouer qu’à une certaine époque, il y a eu des situations qui ont ébranlé beaucoup de gens. Il fallait rétablir les ponts et être capables, dans certains cas, de mettre de côté les histoires du passé, sans se montrer insensibles au passé, mais en disant « Voici où l’on s’en va maintenant et voici ce qu’on vous propose ».»

Préparer l’avenir

Bien qu’il aborde l’avenir avec optimisme, Gregory Chrispin est bien conscient que la hausse éventuelle des taux d’intérêt créera des pressions énormes sur la valeur marchande des portefeuilles gérés par DGIA. Il est donc nécessaire, selon lui, de trouver d’autres voies pour générer du rendement, sans toutefois tomber dans «les structures ésotériques et opaques».

Les infrastructures sont une des catégories d’actif développées par DGIA au cours des dernières années.

«Notre analyse de portefeuille nous permettait de croire qu’on pouvait prendre plus de risque et, après analyse, on a voulu se lancer. Traditionnellement, on aurait le réflexe de bâtir une équipe, mais nous nous sommes plutôt alliés avec la caisse de retraite de Desjardins qui a une expertise et qui a déjà un réseau à l’interne.»

Cinq ans après son entrée en poste, Gregory Chrispin est très satisfait des résultats obtenus : «Si je m’étais, à l’époque, projeté cinq ans en avant et que j’avais vu ce qu’on allait faire avec nos équipes… Il n’y a pas beaucoup de gens qui nous voyaient gagnants au début, mais nous avons gagné cette partie en équipe et j’en suis très fier».

Retirer le meilleur des autres

Anciennement président et chef de la direction des Conseillers en gestion globale State Street au Canada, une entreprise où il a travaillé de 2000 à 2010, Gregory Chrispin a choisi de bifurquer vers la finance après avoir fait des études en actuariat à l’Université de Montréal.

«J’aimais les mathématiques et j’aimais les affaires. L’actuariat m’a donné une excellente discipline et, aujourd’hui, lorsque j’interagis avec des actuaires, je comprends lorsqu’ils me parlent de modèles et de réserves. Je ne comprends pas tout au même niveau qu’eux, mais je peux faire le pont en saisissant les enjeux d’actif et de passif qui sont centraux pour les assureurs.»

Ayant travaillé tour à tour à Ottawa, Montréal et New York, Gregory Chrispin est devenu patron relativement jeune. Il avait 23 ans lorsqu’il a pris la tête de sa première équipe à La Métropolitaine.

Aujourd’hui, à 51 ans, il croit toujours en une approche plus collégiale en matière de leadership.

«J’étais jeune, mais je me sentais prêt et j’avais l’appui des équipes. Au-delà de la technique et de ce qu’on doit savoir comme gestionnaire de portefeuille, les relations personnelles et les relations d’affaires sont vraiment centrales.

«Les personnes avec lesquelles je travaille sont très intelligentes et pleines de talent. On ne peut pas les commander. Comme patron, il faut être capable d’aller chercher le meilleur de chaque personne.»

Cette approche prend, notamment, ses racines dans la jeunesse de Gregory Chrispin qui a appris les bases du leadership en dirigeant un orchestre. Il admet d’ailleurs avoir appris davantage en matière de gestion et de leadership grâce à cette expérience que dans n’importe quel autre séminaire ou livre.

«Aujourd’hui, j’essaie de donner le ton de cette façon. Les gens qui sont autour de ma table de direction vont dans le même sens, ajoute-t-il. Nous sommes solidaires des décisions que nous prenons. Nous allons les débattre rigoureusement et chacun sent le devoir de donner et de faire valoir son point de vue.

«Une fois que le groupe est d’accord avec l’orientation, tout le monde travaille dans la même direction», conclut-il.