Depuis un an, Christine Marchildon a pour mandat de fournir des résultats similaires à ceux de la banque de détail. Dans le secteur des hypothèques résidentielles, par exemple, la TD a doublé sa présence, occupant aujourd’hui 10 % des parts de marché, alors qu’elle ne compte que pour 4 % de présence physique, soit le pourcentage de succursales détenues par TD par comparaison à ses concurrentes.

De 2004 à sa no-mination à la tête du groupe au Québec, au début de 2012, alors que Bernard Dorval lui passait le flambeau, Christine Marchildon a ouvert 33 succursales dans la province.

«Nous allons ouvrir 24 succursales et une trentaine de guichets automatiques d’ici la fin de 2015» afin de remplir les objectifs de la Banque, soit de prendre la troisième place dans son marché dans tous les secteurs qu’elle occupe : gestion de patrimoine, services commerciaux et de détail, courtage, conseil financier, planification, etc.

Offensive

Outre le fait qu’il faut étendre la présence de la marque dans tous les segments, l’offensive lancée sur plusieurs fronts sert aussi à pallier un autre problème, celui d’une baisse de la croissance anticipée des services bancaires de détail.

TD prévoit que le segment du crédit hypothécaire notamment sera «à plat» au cours des prochains trimestres, et «nous avons décidé de mettre l’accent sur les conseils en investissement et la gestion de patrimoine», poursuit Christine Marchildon.

La psychologue industrielle de formation insiste sur l’importance de la brique et du mortier pour conquérir des parts de marché dans ces segments.

«Parce qu’on sait très bien que pour la banque commerciale et la gestion de patrimoine, c’est l’attrait d’une succursale qui amène les gens» vers ces créneaux, soutient Christine Marchildon. Une nouvelle succursale, dans un marché mature où la concurrence est solidement implantée, «c’est la seule façon d’augmenter la clientèle», selon elle.

À cet égard, la localisation d’un emplacement judicieusement choisi pour établir une succur-sale est cruciale. «Il faut miser sur nos forces», qui se trouvent selon elle notamment dans le service à la clientèle.

Plus vite, plus haut

L’autre avantage concurrentiel que fait valoir Christine Marchildon serait dans la rapidité d’exécution de la TD quand il s’agit de choisir où placer ses pions. Une rapidité acquise notamment grâce aux coudées franches consenties à Christine Marchildon pour augmenter la présence de la TD au Québec.

«On profite ainsi du développement des power centres», où la TD ouvre plusieurs de ses nouvelles succursales la première en battant ses concurrentes de vitesse, selon la banquière.

La courbe d’apprentissage est cependant abrupte pour les nouveaux venus dans la gestion de patrimoine.

On le sait, la consolidation de leur actif éparpillé dans un chapelet d’institutions financières par les préretraités, et les conseils en placement inhérents à cette mouvance sont une source de croissance anticipée importante dans les services financiers. Sans parler des importantes liquidités à investir quand les entrepreneurs prendront leur retraite après avoir vendu leurs participations dans l’oeuvre de leur vie.

Or, les investisseurs qui cher-chent à consolider leur actif en un seul endroit reçoivent une firme par la porte avant, tandis qu’une autre sort par la porte arrière. Il faut donc se positionner en amont des besoins, et les accompagner avant qu’ils aient besoin de services de gestion plus avancés.

Ainsi, le choix du moment tout comme la brique et le mortier sont deux des principaux axes de la croissance de ce marché.

Un marché à conquérir

Christine Marchildon concède que pour TD, «la gestion de patrimoine reste à bâtir. On sait très bien que pour se dévelop- per et pour croître, le nombre de conseillers» change tout. Elle a donc recruté des conseillers en placement du côté des valeurs mobilières, et ajouté des planificateurs financiers.

TD mise également sur la centralisation des activités, regroupant dans un même endroit et dans une même structure les différentes orientations. TD migrera du Vieux-Montréal vers le boulevard René-Lévesque Ouest en 2014. «On grossit et on a décidé de rassembler toutes les unités d’affaires sous un même toit. Cela créera beaucoup de synergies», nécessaires pour gérer la croissance d’une équipe qui a doublé en quelques années, et qui compte 5 000 employés aujourd’hui.

«Il y a de nouveaux acteurs à la tête des services d’affaires, qui ont refait l’offre de service et les modèles d’affaires» de la banque au Québec afin d’atteindre les objectifs de croissance.

Ainsi, «nous avons réuni les services bancaires de détail, les services commerciaux et la gestion de patrimoine. Quand nous ouvrons une succursale, tout le monde est ensemble», dit Christine Marchildon.

S’il lui est impossible d’estimer quelle part de la croissance à venir proviendra de la nouvelle clientèle, elle se dit confiante que l’augmentation de la part du portefeuille que TD peut détenir auprès de chacun de ses clients sera intéressante. «Je ne peux pas vous dire quelle proportion de notre croissance vient de la nouvelle clientèle. Il ne faut pas oublier qu’une nouvelle succursale a besoin de trois à quatre ans avant de devenir rentable.»

Des niches prometteuses

Cependant, certains segments du marché sont très porteurs pour la TD, qu’elle occupe en force. «Quand on fait une analyse fine du marché, on trouve des secteurs où on peut faire des gains.» Auprès des femmes, des homosexuels et des communautés immigrantes.

Banque TD serait d’ailleurs la seule banque du Canada à s’être dotée d’une division «Diversité», dirigée par un «vice-président à la diversité». TD commandite la parade de la Fierté gaie et soutient ceux de ses employés «qui se mobilisent pour faire avancer la cause». On veut montrer au public par exemple une publicité avec deux hommes.

Au chapitre de la diversité, TD est en terrain connu : son prochain dirigeant, Bharat Masrani, sera le premier Canadien d’origine indienne à diriger une institution financière au pays, lorsque Ed Clark prendra sa retraite l’an prochain.

En outre, Christine Marchildon est réputée pour son engagement auprès des femmes en finance et a pris en charge les questions de l’équité en emploi au sein de différentes institutions financières, dans lesquelles elle oeuvre depuis 35 ans.

Dans l’immédiat, «il faut continuer à promouvoir notre marque. Je suis vraiment très fière de ce qu’on a accompli ici depuis 2004. Quand je suis arrivée, TD avait l’image d’une banque anglophone de Toronto. Pour une bonne partie de la population, l’image de la TD a changé. C’est certainement le plus grand défi que j’ai eu».

Le prochain défi sera de continuer à miser sur le changement pour maintenir la croissance du groupe au Québec. Christine Marchildon mise sur ses apprentissages pour y parvenir.

«Dans ce métier, pour avoir des résultats, je dois être en mesure d’influencer des décideurs qui auront un impact sur les secteurs d’activité. Quand j’étais plus jeune, je mettais beaucoup d’énergie à convaincre les gens. Mais je ne le faisais pas tou- jours en m’assurant que les gens pouvaient avoir aussi fait face à des enjeux.»

En clair, elle ne se préoccupait pas suffisamment d’aplanir les résistances, de rassurer les gens quant à leurs propres enjeux qui pouvaient les empê-cher de se rallier à la vision qu’elle proposait.

À cet égard, le Mouvement Desjardins, où elle a dirigé notamment les ressources humaines et le marketing, a été une bonne école. «Les dirigeants des caisses ont beaucoup de pouvoir» et il faut beaucoup de doigté pour faire avancer les choses, dit-elle.

Un doigté qui expliquerait l’importante poussée de croissance que la banque verte connaît au Québec.