Caroline Rheaume posant devant un stand à la convention de la WBC à Cancun.
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La planification financière pour les boxeurs professionnels est particulièrement compliquée. Ces athlètes sont soumis à une réalité très spécifique et certains se trouvent confrontés à des problèmes financiers. Caroline Rhéaume, une avocate fiscaliste québécoise, a décidé d’agir. Elle s’est tournée vers le WBC qui l’a encouragée à créer un comité de planification financière.

Une fiscaliste passionnée par la boxe

Originaire de Drummondville, Caroline Rhéaume a réussi son Barreau et est également diplômée d’une maîtrise en fiscalité. Spécialisée dans le domaine de la planification fiscale et successorale au Canada et aux États-Unis, elle dirige sa propre entreprise et est l’auteur de quatre livres sur la fiscalité et la planification utilisant des fiducies. Sa clientèle se compose principalement de gens d’affaires et de familles au revenu assez élevé.

Ce profil impressionnant ne présage en rien l’intérêt de cette professionnelle pour les athlètes. Pourtant, Caroline Rhéaume est très attirée par le milieu sportif. L’avocate n’hésite pas à troquer ses talons hauts pour des baskets et a déjà participé à nombre de demi-marathons. Elle est également en contact depuis des années avec des athlètes professionnels, notamment dans le milieu du hockey. Si des expressions comme « AAA », « junior majeur » et « ligue nationale » sont loin de lui être étrangères, l’avocate fiscaliste s’est finalement tournée vers la boxe.

« Avec le temps, j’ai connu des gens qui étaient lié à ce milieu, principalement des maîtres de cérémonie dans des galas. C’est pour ça que je m’y suis intéressée », explique-t-elle.

En 2014, elle s’est impliquée dans un projet à Québec qui mêlait aide aux devoirs et boxe pour les jeunes issus de milieux moins favorisés. Ces jeunes bénéficiaient d’aide pour leurs études et avaient accès à un gym de boxe gratuitement. Le projet a pris fin lorsque son partenaire a quitté pour Montréal, mais cela n’a pas terni l’enthousiasme de Caroline Rhéaume, qui a alors choisi de commanditer des boxeurs.

« Grâce à cela, j’ai connu beaucoup de gens dans le milieu et je me suis rendue à la convention annuelle du WBC qui se tenait alors à Cancún. C’est là que tout a déboulé. Comme quoi, on ne sait jamais où la vie peut nous mener », commente-t-elle.

Touchée par la cause

Les athlètes professionnels ne sont pas des clients évidents. Ainsi, « la période de travail est courte, mais la retraite est longue », note Caroline Rhéaume. Boxer en dessus de 40 ans est très rare et souvent dangereux. Ainsi, la carrière moyenne d’un boxeur est régulièrement d’une durée de cinq à six ans et se termine lorsque l’athlète atteint la mi-trentaine, lui laissant environ 50 ans de retraite!

La faillite n’est pas non plus à exclure. Lorsqu’ils touchent un salaire mirobolant, beaucoup d’athlètes professionnels adoptent un train de vie impossible à soutenir à la retraite. Évidemment, ces considérations concernent tous les sportifs, mais bien souvent, les boxeurs doivent jongler avec un petit salaire, la plupart du temps versé de manière irrégulière, ce qui en amène plusieurs à devoir effectuer un travail complémentaire, à côté.

« Ce qui est difficile pour un boxeur, c’est qu’on ignore souvent combien il y aura de combats dans l’année. La plupart d’entre eux se battent trois à quatre fois par année, mais ce n’est pas toujours le cas, constate Caroline Rhéaume. Ils attendent l’appel, mais en attendant, il faut tout de même qu’ils s’entraînent et demeurent en forme. Mais c’est plus difficile de performer quand on travaille à côté… »

De plus, en boxe, les salaires, versés sous forme de bourses, varient énormément. Un round est généralement payé au minimum 100 $, mais tout le monde ne gagne pas la même chose. Caroline Rhéaume a déjà consulté les fiches de paies de certains boxeurs et, dans un même gala, tandis que l’un peut recevoir une bourse s’élevant à près de 1 million de dollars, un autre peut toucher seulement 600 $.

Évidemment, les boxeurs peuvent compter sur les commanditaires, mais pas toujours. Et, s’ils perdent un combat, ils risquent non seulement de perdre des commanditaires, mais ils sont également souvent obligés de boxer dans les duels préliminaires, qui sont moins médiatisés et souvent moins payés.

Même pour les boxeurs qui reçoivent une grosse somme d’argent, tout n’est pas rose. Déjà, il faut être capable de mettre de côté une certaine portion de cet argent. « Beaucoup oublient la fiscalité et le fait que leurs bourses sont imposables. Ils se retrouvent alors parfois avec des problèmes d’impôts. » Sans compter ceux qui investissent dans des projets douteux ou qui se font frauder.

Finalement, on pourrait penser qu’avoir un autre métier complémentaire serait une bonne nouvelle pour financer leur longue retraite, mais souvent, il s’agit de métiers où les salaires ne sont pas toujours élevés, note Caroline Rhéaume.

« Mais quand même, il faut être positif. On peut juste améliorer la situation », affirme-t-elle.

Un comité pour aider les boxeurs

Afin de prévenir et mieux sensibiliser les boxeurs, Caroline Rhéaume a approché Mauricio Sulaiman, le président du WBC.

« Je pensais me joindre à un comité déjà en place, mais quand j’ai commencé à lui parler de mes préoccupations par rapport aux boxeurs, il m’a dit que je devrais plutôt créer un nouveau comité qui aiderait les boxeurs avec la gestion de leur argent », raconte la fiscaliste, surprise de la vitesse à laquelle les choses se sont enchaînées et du vif intérêt des membres du WBC pour un tel projet.

Dès qu’elle a fait sa proposition, le WBC a tout de suite embarqué, comme elle en a témoigné à son retour de la convention.  « Je n’ai jamais vu des gens aussi efficaces », commente-t-elle.

Le comité s’est donné pour mission d’aider les boxeurs à gérer leur argent et leur fournir de l’information sur les placements et l’impôt. « Le but, c’est de les éduquer afin qu’ils posent les bonnes questions lorsqu’ils rencontrent un banquier ou un conseiller en placement », explique-t-elle.

Pour cela, les boxeurs seront dirigés vers des professionnels qui pourront les aider selon leurs besoins propres. Caroline Rhéaume compte également donner des conférences et faire de petites vidéos explicatives sur des concepts simples pour leur expliquer la planification financière, l’épargne ou la fiscalité.

Le comité va également tenter d’aider les boxeurs dans leur plan de retraite. Trouver des solutions pour continuer à maintenir un lien avec les commanditaires même lorsqu’ils ne boxent plus, par exemple. « J’essaie de leur faire comprendre que chacun d’entre eux est une entreprise et qu’ils doivent vendre leur produit, c’est-à-dire eux-mêmes, mais ce n’est pas facile », témoigne l’avocate.

Caroline Rhéaume veut également les sensibiliser davantage à l’importance de certaines protections juridiques comme le mandat de protection pour cause d’inaptitude et le testament. « Nous avons déjà vu des boxeurs se retrouver dans le coma au terme d’un combat. Si aucune disposition préventive n’a été prise, une telle situation pourrait amener les membres de la famille à se disputer pour savoir qui doit prendre les décisions », explique-t-elle.

Avec le temps, la fiscaliste espère que des boxeurs pourront également venir témoigner de l’aide que leur a apportée ce comité et de l’importance de celui-ci pour qu’il puisse aider encore davantage d’athlètes.