La réputation de François Rochon comme investisseur n’est plus à faire. Pourtant, l’idée de faire carrière en finance a pris du temps à germer dans l’esprit du fondateur de Giverny Capital. Il a d’abord fait carrière dans le domaine du génie des télécommunications avant d’effectuer un virage à 180 degrés.

« J’ai longtemps considéré qu’investir à la bourse, c’était l’équivalent de jouer au casino. Je ne trouvais pas que c’était sérieux », explique-t-il en entrevue.

La flamme aurait néanmoins pu s’allumer plus tôt puisque sa première incursion dans l’univers de la bourse a été marquée par un succès. Il était en cinquième secondaire quand il a participé à un concours organisé par la Bourse de Montréal qui visait à initier les jeunes à l’investissement en constituant un portefeuille virtuel de 10 000 $. Il a vite démontré qu’il avait le don de l’investissement puisqu’en moins d’un an, son portefeuille atteignait 15 386 $, soit un rendement de 54 %. Il s’est ainsi classé au 11e rang sur plus de 500 participants.

C’est ce que nous apprend André Gosselin dans le livre qu’il vient de publier, intitulé François Rochon – Le parcours singulier d’un investisseur d’exception. Celui qui a écrit plusieurs ouvrages sur la finance et a été chroniqueur financier pour diverses publications, dont Finance et Investissement, a décidé de mieux faire connaître François Rochon devenu parmi les « meilleurs gestionnaires de portefeuille en Amérique du Nord » pour que les lecteurs puissent tirer profit de son expérience et de ses conseils.

S’inspirer des meilleurs

C’est d’ailleurs en lisant les ouvrages de grands investisseurs comme Benjamin Graham, John Templeton, Philip Fisher, et Peter Lynch, que François Rochon est tombé amoureux de l’investissement. Ces lectures ont littéralement changé sa vision des choses.

Parmi tous les as de la finance qu’il a étudiés, il y en a un qui l’a inspiré plus que les autres : Warren Buffet de Berkshire Hathaway, qu’il considère comme le « plus grand investisseur de tous les temps ».

« Il faut s’intéresser aux meilleurs si l’on veut apprendre », affirme François Rochon qui a passé des heures à lire et relire les lettres annuelles aux actionnaires de l’oracle d’Omaha.

« J’aime le côté éducatif de ses écrits. Tous ses principes d’investissement sont là, ses bons coups comme ses moins bons. C’est ce qui permet de grandir comme investisseur », soutient cet autodidacte de la finance.

Dès qu’il a commencé à investir, d’abord en s’occupant de la gestion d’un portefeuille familial, le Rochon Global, en 1993, puis en fondant Giverny Capital cinq ans plus tard, il a adopté une approche d’investissement synthétisée sur les idées de Warren Buffet et autres grands gestionnaires — qu’il a eu la chance de rencontrer pour la plupart.

Le gestionnaire de portefeuille se base sur l’analyse fondamentale pour sélectionner des entreprises de qualité. Il recherche des sociétés ayant des avantages compétitifs durables, une gestion solide, des bilans solides et des perspectives de croissance à long terme.

Comme le célèbre milliardaire américain, il évite les investissements spéculatifs et se concentre sur des entreprises qu’il comprend bien. Et il fait preuve d’une grande patience, n’ayant pas peur de détenir des positions pendant des années s’il croit à leur potentiel.

Enfin, comme Warren Buffet, il est capable d’humilité. Il partage ses bons coups, mais admet aussi ses erreurs dans la lettre aux partenaires que Giverny Capital publie chaque année — à l’instar de Berkshire Hathaway.

« Je le fais dans un souci de transparence et dans le noble but de devenir un meilleur investisseur, explique François Rochon. Chacun de nos moins bons coups nous en apprend toujours un peu plus sur notre processus de sélection des sociétés. »

La recette a fait ses preuves puisque, depuis 1993, le rendement annuel du portefeuille Rochon Global est de 15,7 % par rapport à 9,9 % pour le groupe indiciel comparatif. Giverny Capital gère aujourd’hui des actifs de plus de deux milliards de dollars.

Un grand rêve qui se concrétise

En plus de l’investissement, François Rochon nourrit une autre passion, soit l’art visuel. Depuis plusieurs années, un grand rêve habite ce collectionneur averti : ouvrir son propre musée d’art contemporain.

Le rêve deviendra bientôt réalité puisque s’achève la construction d’un premier pavillon à Shefford, dans les Cantons-de-l’Est, qui abritera une partie de la collection de Giverny Capital — nommée en l’honneur d’un peintre qu’il affectionne particulièrement, Claude Monnet, habitant de Giverny, en France — composée d’œuvres d’artistes contemporains majoritairement québécois.

C’est l’architecte Pierre Thibault qui a conçu le pavillon qui devrait ouvrir ses portes à la fin de l’été prochain. « Il a dessiné un bâtiment qui est une communion entre l’architecture, les œuvres d’art et la nature », raconte François Rochon.

L’ouverture du musée constitue pour lui un bel aboutissement. « J’en rêve depuis 30 ans. C’est un projet que l’on a monté brique par brique, sans lâcher », dit celui qui choisit ses œuvres comme il choisit les sociétés dans lesquelles il investit : avec méthode. Et avec patience, pourrait-on ajouter.