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Les réformes axées sur le client (RAC) entrées en vigueur en 2022 suscitent un éventail de réactions opposées chez les conseillers, d’après les représentants en épargne collective et conseillers en placement (CP) interrogés pour le Pointage des courtiers multidisciplinaires 2022.

Peu d’entre eux remettent en question les principes des nouvelles règles. Pourtant, un segment des répondants juge leur application chronophage ou synonyme de paperasse et de « lourdeur administrative », tandis que d’autres semblent n’avoir aucune difficulté à les intégrer à leur routine. Un autre segment croit qu’elles nuisent aux détenteurs de petits comptes, car ceux-ci deviennent souvent peu rentables pour les conseillers en raison de la charge réglementaire.

Ainsi, dans le sondage, nous avons demandé aux représentants de qualifier sur une échelle de 0 à 10, où 0 veut dire « pas du tout difficile » et 10, « très difficile », dans quelle mesure ils trouvent compliqué de se conformer aux RAC.

La note médiane obtenue est de 5 sur 10. Cela signifie que plus de la moitié des 393 répondants à cette question ont un degré de difficulté moyen à se conformer aux différentes réformes qui touchent les conflits d’intérêts, la convenance et la connaissance du produit ainsi que la connaissance du client.

La dispersion de ce degré de difficulté reste importante, car l’écart-type s’élève à 2,9 (la moyenne est de 4,74). De plus, il est commun que, au sein d’une même firme, on compte autant des conseillers qui trouvent très difficile (9 ou 10) de se conformer aux RAC que d’autres qui y parviennent facilement (0 ou 1).

Parmi les firmes où les conseillers trouvent plus facile de se conformer aux réformes figure Gestion de patrimoine Assante CI, qui affiche en moyenne un degré de difficulté de 3,9 sur 10, suivie du Groupe Cloutier (4,1) et d’Investia (4,2). Les conseillers de Placements Financière Sun Life (5,6) sont ceux qui, en moyenne, ont le plus de mal à se conformer.

En analysant les raisons qui sous-tendent ces réponses, on constate que 21 % des sondés estiment que les RAC représentent beaucoup de travail ou créent une lourdeur administrative. Elles ont entraîné leur lot de nouvelles procédures et de difficultés d’adaptation.

« Il y a toujours plus de documentation. Le processus administratif est lourd », dit un répondant. « Ce sont des mesures que j’appliquais déjà. Ce qui est lourd, c’est le processus administratif pour bâtir des preuves que ce processus est appliqué. Cela demande beaucoup de temps et de ressources qui ne peuvent être consacrés à bien servir ses clients », explique un autre.

La proportion de répondants qui estiment que les RAC représentent beaucoup de travail (21 %) diverge de celle des répondants du secteur du courtage de plein exercice, pour lesquels la moitié avaient une perception analogue. Il faut dire que les courtiers en placement semblent beaucoup plus enclins à forcer les conseillers à mettre à jour leurs dossiers clients tous les 12 mois, tandis que les courtiers en épargne collective semblent plus susceptibles d’établir pareille norme à 36 mois ou lors d’un changement important dans la vie d’un client.

Quoi qu’il en soit, quelques tendances émergent des commentaires recueillis. D’abord, le degré de préparation des services de conformité ainsi que la formation donnée aux CP sur la façon de se conformer aux RAC ont exercé une influence.

« Il faut faire des efforts pour s’adapter. Quadrus a mis en place un outil qui simplifie la façon de se conformer », dit un répondant de cette firme. « IG a été aidante en nous fournissant de l’information », note un répondant d’IG.

« Investia a créé de beaux outils pour nous aider à mieux intégrer cela dans notre pratique », affirme un autre représentant. « J’ai toujours pris le temps de connaître le client avant de faire une recommandation. Nous avons eu un excellent soutien d’Investia pour nous assurer que nous remplissons les exigences », explique un quatrième.

Pour se conformer aux RAC, les courtiers ont mis à la disposition de leurs représentants divers outils. Certains ont revu leurs formulaires. D’autres firmes ont conçu un outil technologique permettant aux conseillers de comparer les produits qu’elles offrent avec ceux proposés sur le marché, mais pas toutes. On a aussi mis l’accent sur l’importance de la prise de notes.

« Ce n’est pas si difficile, mais il faut prendre le temps de bien faire les choses et de documenter nos recherches. Cependant, savoir ce qui doit être fait et comment le faire n’est pas toujours clair, autant du côté du régulateur que de notre service de conformité », dit un répondant. « La difficulté réside dans les délais nécessaires à formaliser les notes. La connaissance du produit et la connaissance du client étaient consignées avec moins de rigueur et de façon moins complète », souligne un autre.

Segmentation en vue

Les régulateurs vont trop loin dans leurs exigences et finissent par nuire aux détenteurs de petits comptes, qui risquent d’être délaissés par les conseillers, d’après un segment de répondants.

« Les RAC exigent beaucoup de prise de notes pour des transactions simples et répétitives. On veut servir le petit épargnant, mais les obligations relatives aux dossiers nous poussent à les laisser aller. Les mesures rendent encore moins attrayants les petits portefeuilles », résume un sondé.

« La conformité est de plus en plus exigeante. Nous refusons actuellement des clients s’ils ne sont pas à valeur nette élevée, sinon c’est trop lourd à supporter », témoigne un autre. Il reste à voir si cette tendance à la segmentation s’accentuera dans l’industrie.

Parmi les conseillers qui jugent facile de se conformer aux RAC, bon nombre affirment qu’ils en intégraient déjà les principes depuis des années.

« Elles sont en ligne avec mes valeurs personnelles. J’avais déjà intégré plusieurs obligations réglementaires », relève un sondé. « Plusieurs réformes sont logiques, alors ce n’est pas difficile de les accepter », note un autre. « Bien que de la paperasse inutile soit souvent exigée par la conformité, les exigences de connaissance de la situation du client et du produit proposé ne sont que des exigences de base… Elles sont totalement justifiées et j’allais déjà au-delà de ces exigences depuis mon entrée en carrière », ajoute un troisième.

Une partie d’entre eux jugent qu’eux ou leur équipe ont une bonne capacité d’adaptation, ce qui fait que l’intégration des RAC se fait bien. Et même parmi ces derniers, certains jugent que les RAC surviennent alors qu’ils peinent à s’adapter au rythme effréné des changements réglementaires.

Par ailleurs, un segment significatif de répondants remet en question le bénéfice réel pour le client, autant chez ceux qui trouvent facile de se conformer aux RAC que chez ceux qui trouvent cela difficile.

« Il y a énormément d’information transmise aux clients, qui se sentent alors submergés », constate un répondant. « La réglementation change et, souvent, sans se soucier du client qui, lui, se voit imposer des éléments de conformité. Ça perturbe parfois sa compréhension. Ça exige de notre part plus de travail qui ne donne rien de plus au client », dit un autre.

« Nous passons un temps fou en formation et en paperasse réglementaire, qui n’a aucune valeur ajoutée aux yeux de mes clients. Il nous reste beaucoup moins de temps pour nous occuper de faire un plan financier personnalisé », commente un sondé.

« Les RAC en elles-mêmes ne sont pas un problème. C’est le fait que nous devions approfondir les détails avec les clients lorsqu’ils ne veulent pas en savoir plus que nécessaire. Expliquer le ratio de Sortino à une personne qui ne sait pas ce qu’est une action en est l’exemple parfait », dit un autre répondant.

Nettoyage prévu

Par ailleurs, les RAC devraient stimuler une rationalisation du nombre de produits offerts. Certains conseillers envisagent d’écarter les fonds provenant de certains émetteurs ou de limiter considérablement le nombre de produits qu’ils proposent.

Un conseiller raconte devoir justifier l’utilisation de plus de 300 produits, car il a fait l’acquisition d’un bloc d’affaires qui en contenait autant, alors qu’il offre habituellement seulement 60 titres différents. Le représentant, qui juge que le délai est trop court afin d’établir une justification pour autant de fonds, risque, lui aussi, de considérer la rationalisation de sa gamme de produits.