Une main séparant deux groupes de personnes.
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Dans le sondage mené en juin et juillet derniers, on a demandé l’avis des conseillers sur le projet réglementaire d’interdire les commissions versées au moment de la souscription de contrats de fonds distincts, ce qui inclurait celles avec rétrofacturation. Résultat:41,6 % s’opposent à cette interdiction, alors que 31,8% y sont favorables. Le quart (26,6 %) des répondants, qui devaient être des représentants en assurance de personnes, ne sont ni en faveur ni en défaveur.

Rappelons que le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) et des Organismes canadiens de réglementation en assurance (OCRA) ont consulté en septembre l’industrie et les parties prenantes sur la rémunération relative aux fonds distincts.

Les régulateurs envisagent d’encadrer ou d’abandonner les séries avec rétrofacturation, pour lesquelles c’est l’intermédiaire, et non le client, qui rembourse à l’assureur la totalité ou une partie de la commission perçue à la souscription d’un perçue à la souscription d’un fonds distinct si son client retire des fonds pendant la période de rétrofacturation, laquelle varie de deux à cinq ans selon l’assureur. Malgré leur avantage de procurer un accès au conseil financier, ces produits engendrent des conflits d’intérêts pouvant présenter des préjudices au consommateur, selon le groupe de régulateurs. Parmi ceux-ci, les régulateurs notent de pousser un client à ne pas racheter ses parts afin de ne pas devoir rembourser la commission, même si c’est dans l’intérêt supérieur du client de les racheter.

Une éventuelle abolition des séries à rétrofacturation du conseiller nuirait aux conseillers en début de carrière, ainsi qu’à l’accès au conseil financier, d’après bon nombre de répondants.

En effet, des conseillers cesseraient alors de servir les clients ayant peu d’actifs, qui seraient alors peu rentables, selon eux. Quant aux conseillers indépendants de la relève, ils peineraient à obtenir une paie, ce qui nuirait à l’attrait de la profession tout en favorisant les modèles d’affaires des institutions où les conseillers sont à salaire.

« Les petits investisseurs ne seront plus servis par les conseillers. Aussi, les jeunes conseillers ne seront plus capables de générer un revenu viable », dit un sondé.

« Les nouveaux conseillers auront beaucoup de difficulté et, moi, je vais juste prendre les portefeuilles de clients ayant 100 000 $et plus, car je ne pourrais pas aider les plus petits clients », qui deviendraient alors non rentables, ajoute un autre sondé.

Certains montrent du doigt les régulateurs qui, selon eux, feraient peser sur leurs épaules des risques d’affaires importants s’ils abolissaient la rétrofacturation. « Avec tous les risques que ça comporte, faire du bénévolat n’est d’aucun intérêt. Ça va me pousser à la retraite », estime un répondant. « L’industrie nous pousse à faire mal notre travail ! », ajoute un autre.

« Une telle interdiction favoriserait les conseillers bien établis et pénaliserait ceux qui développent leur bloc d’affaires et les clients modestes. Il semble s’agir d’une décision politique prise par ceux qui n’ont pas d’expérience en la matière. Il en résultera une diminution du nombre de conseillers en général, une augmentation des départs à la retraite et une multiplication des agences de recrutement profitant des nouveaux arrivants », redoute ce conseiller.

Selon un répondant, les régulateurs doivent voir l’avantage des rétrofacturations, soit celui de « responsabiliser le conseiller [afin de] bien servir son client pour qu’il ne transfère pas ses actifs ailleurs ».

Parmi les conseillers défavorables à l’interdiction, certains sont nuancés. Un répondant juge ainsi que les séries à rétrofacturation devraient être permises pour les jeunes conseillers, mais interdites aux conseillers bien établis.

Par ailleurs, des conseillers tant favorables que défavorables au projet des régulateurs avancent les mêmes arguments. En effet, un segment des répondants déteste les frais d’acquisition reportés (FAR), car ils menottent injustement les clients. « Je suis contre les FAR, mais laissez-moi mes chargeback et avoir mes commissions sur la transaction initiale », dit un de ceux-ci.

Dans ce segment, on aimerait que les séries à rétrofacturation survivent, mais que les FAR continuent d’être abolis afin d’être cohérents et équitables avec le secteur de la distribution des fonds communs de placement.

« Évitons l’arbitrage réglementaire et uniformisons les commissions. Nous nous battrons tous à force égale et les clients auront plus de flexibilité. Quant à la rétrofacturation, je ne vois aucun conflit d’intérêts et celle-ci pourrait aider les jeunes conseillers à bonifier leur salaire », juge un répondant.

Parmi les sondés qui voient d’un bon oeil la fin potentielle des séries à rétrofacturation, un groupe préfère la rémunération à honoraires. « Je trouve préférable de fonctionner à honoraires. C’est plus flexible pour le client et le conseiller », affirme l’un d’eux.

« La profession de conseiller en sécurité financière doit perdre son titre de “vendeur d’assurance” », ajoute un autre.

Un conseiller témoigne d’un cas qui a de quoi encourager les régulateurs dans leur projet. Selon lui, les FAR et les séries à rétrofacturation sont mauvais pour les clients et les conseillers, car ils entraînent des conflits d’intérêts. « J’ai récemment parlé à une collègue qui attendait que la période de rétrofacturation soit terminée pour renvoyer un client dont elle ne veut pas dans son cabinet. Pouvez-vous imaginer à quel point il est difficile pour ce conseiller de fournir les meilleurs conseils et services à ce client pendant la période d’attente ? Le client reçoit-il des conseils appropriés ? À vrai dire, non. Elle a évité ses appels à plusieurs reprises. »

Selon ce même conseiller, les agents généraux et les conseillers expérimentés devraient offrir un salaire de base aux conseillers afin que ceux-ci bâtissent leur carrière de la bonne façon pour le client: » La plupart des gens n’ont pas la chance que j’ai eue, car mon conjoint a pu donner à mon entreprise la possibilité de se développer. C’est pourquoi l’âge moyen des conseillers en sécurité financière est de près de 60 ans. Cela doit changer et les “gros bonnets” doivent développer [des recrues] à leurs frais. »