Une femme assise à un bureau devant un ordinateur. Elle écrit sur un bloc note.
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Certains conseillers sont particulièrement critiques à l’égard du Modèle de relation client-conseiller (MRCC) lorsqu’on leur demande quelle loi ou quel ensemble de règles a le plus marqué l’industrie au cours des 20 dernières années.

C’est du moins l’un des principaux éléments qui se dégagent du sondage en ligne «L’industrie financière en pleine ébullition» que Finance et Investissement a réalisé à l’automne.

En effet, le MRCC, toutes phases confondues, suscite des commentaires empreints d’amertume et de récrimination chez certains conseillers qui ont répondu au sondage. «Augmentation marquée de la paperasse et des règlements, souligne un répondant. Je me sens comme un médecin qui doit remplir plus de paperasse que soigner ses patients.»

Un autre fait une comparaison peu flatteuse : «Le MRCC 2 doit être comparé aux cônes orange qu’on retrouve sur toutes les routes du Québec. Il n’est là que pour faire peur et indiquer aux investisseurs de prendre la route des fonds négociés en Bourse et des régimes volontaires d’épargne retraite (RVER).»

Un autre s’insurge : «Une belle culture de parasites s’est installée et encourage encore plus le sabotage de ceux qui aident vraiment la collectivité à s’enrichir.» Enfin, celui-ci tape sur un clou bien connu : «Les fameux frais ! Les clients parlent plus de frais que de rendements.»

Mais tout n’est pas noir. D’autres conseillers tracent un bilan positif du MRCC. «Augmentation positive de la transparence envers les clients», dit l’un. «Les clients savent maintenant combien ils paient, cela a un impact majeur sur la qualité du service attendu et sur les discussions avec le client», souligne un autre répondant.

Selon notre sondage, la Loi sur l’encadrement du secteur financier, adoptée en 2018, figure au deuxième rang des changements réglementaires les plus marquants des deux dernières décennies.

Certains répondants la saluent volontiers, mais une majorité de commentaires attaquent les injustices qui lui sont inhérentes. «Un conseiller a des obligations de conformité complètement débiles comparativement à d’autres ordres professionnels.» Un autre parle d’une «loi ambiguë». «Elle ne s’applique pas de la même façon pour les banques», fait remarquer un autre conseiller.

Autre son de cloche

Toutefois, les trois spécialistes de la conformité à qui Finance et Investissement a parlé donnent une opinion différente. Leur regard s’avère plus technique et systématique.

Ainsi, tous trois ciblent le Règlement 31-103 comme étant le changement réglementaire le plus marquant. Ce document crucial, qui remonte à 2009, prévoyait une série d’obligations pour les conseillers et les courtiers.

Le Règlement 31-103 a donné le ton à tout ce qui a suivi, souligne Yvan Morin, vice-président, affaires juridiques, et chef de la conformité chez MICA Cabinets de services financiers. Il a précisé les catégories d’inscription et a mis l’accent sur la relation avec le client, dont sont issues les phases 1 et 2 du MRCC ; on en attend maintenant la troisième phase.

Yvan Morin reconnaît aussi l’importance de la Loi sur l’encadrement du secteur financier (projet de loi 141), dont il juge l’impact aussi considérable que celui du Règlement 31-103, plus particulièrement en raison de son volet touchant l’encadrement de la distribution de produits d’assurance en ligne.

«La loi 141 concerne plusieurs autres volets, note Yvan Morin. Son aspect le plus révolutionnaire tient à sa volonté d’adapter la réglementation au phénomène Internet.» Il faut dire que MICA est touchée au premier chef par cette loi, puisqu’elle est la première société à avoir lancé au Canada un site de vente de produits d’assurance en ligne, Emma Services financiers.

Au chapitre de l’assurance, Guy Duhaime, président du Groupe Financier Multi Courtage, fait ressortir un grand vide. Avec la Loi sur l’encadrement du secteur financier et la Loi sur la distribution de produits et services financiers, «on est passé complètement à côté de la réalité des agents généraux», dit-il.

«Pour le gouvernement, seul existe un cabinet. C’est comme si on n’existait pas dans la loi. On a dû se donner nous-mêmes nos propres normes. Ceux qui ont survécu sont ceux qui ont réussi à se structurer, mais sans reconnaissance légale», affirme-t-il.

Poids réglementaire justifié

Nos trois spécialistes reconnaissent les doléances des répondants au sondage à l’endroit du fardeau réglementaire, mais sans nécessairement les approuver.

«J’ai vu les plaintes de clients baisser sensiblement ces dernières années. Je pense que c’est le résultat des efforts des firmes qui ont mis en place toutes sortes d’exigences de conformité», dit Colette Arcidiacono, fondatrice de Conformité 101, et ancienne chef d’évaluation des plaintes à l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

De 70 % à 80 % des plaintes avaient trait à la convenance, ce qui relève de la connaissance du client, fait-elle ressortir. Or, une meilleure connaissance du client est un enjeu central des lois et règlements qui ont émergé au cours des 20 dernières années, selon elle.

Cependant, les inégalités réglementaires entre les différents secteurs de l’industrie, qu’il s’agisse du secteur bancaire, du courtage en épargne collective ou de la distribution d’assurance, sont un sujet de première importance et représentent une carence majeure, jugent Colette Arcidiacono et Yvan Morin.

«Il faudrait qu’on ait les mêmes obligations pour tous, dit la présidente de Conformité 101. Pour cela, il devrait y avoir un seul régulateur pour le plein exercice et l’épargne collective. Il faudrait que l’OCRCVM et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels fusionnent.»

Réponses des conseillers, présentées par ordre décroissant du plus grand nombre de répondants, à la question : «À votre avis, au cours des 20 dernières années, quelle loi ou ensemble de règles a le plus marqué l’industrie ?»

1. Modèle de relation client-conseiller (MRCC)

2. Loi sur l’encadrement du secteur financier

3. Loi sur la distribution de produits et services financiers

4. Règlement 31-103

Source : Sondage «L’industrie financière en pleine ébullition», automne 2019, Finance et Investissement