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Les conseillers jugent que le courtage à escompte ou en ligne ainsi que la souscription d’assurance de personnes sur Internet sans l’intervention d’un représentant sont les technologies qui ont eu l’impact le plus négatif sur leurs revenus depuis 10 ans. C’est du moins ce qu’indiquent ceux qui ont répondu au sondage en ligne «L’industrie financière en pleine ébullition» qu’a mené cet automne Finance et Investissement.

Toutefois, en réalité, cet impact n’est peut-être pas aussi important qu’ils le croient, selon certains acteurs clés du secteur financier que nous avons interrogés. Au passage, ils rappellent aux conseillers l’importance de mettre leur valeur en évidence auprès de leur clientèle.

Selon le sondage, beaucoup de conseillers déplorent que bon nombre de clients s’improvisent spécialistes en placement et gèrent ainsi eux-mêmes leurs investissements. «Le client croit tout savoir», souligne un répondant.

«Certains clients pensent pouvoir gérer eux-mêmes leurs actifs et obtenir de meilleurs rendements en évitant les frais de gestion. Certains y parviennent en y mettant beaucoup de temps. Ils ont aussi accès de cette manière à des FNB, mais ne savent pas toujours bien les utiliser», souligne un autre conseiller.

Les investisseurs ont aujourd’hui accès à davantage d’information financière et ont une plus grande connaissance de l’univers des placements, selon Robert Dumas, président et chef de la direction de la Financière Sun Life au Québec. Il juge toutefois que les technologies n’ont pas eu de conséquences financières importantes sur les revenus.

«Il y a encore une minorité de clients qui ont suffisamment de connaissances financières. Par ailleurs, les investisseurs ont toujours une plus grande confiance en leur capacité de générer de bons rendements quand la Bourse est en hausse depuis si longtemps», précise-t-il.

Un conseiller fait d’ailleurs écho à ces propos : «Il y aura sans doute un retour du balancier lors des prochaines corrections boursières», croit-il.

N’empêche, un nombre croissant d’investisseurs veulent négocier davantage en ligne, comme on le voit dans d’autres secteurs d’activité. De plus, les nouveaux modes de distribution des produits et services financiers bouleversent le marché, constatent les répondants au sondage.

Ce faisant, les clients «relèguent au second plan la valeur de la planification, du conseil et d’une opinion externe, au profit d’une économie de frais de service», commente un conseiller. Les courtiers à escompte «ne vendent pas un produit, mais un prix. Ils n’aident pas les clients à comprendre leurs besoins», renchérit un autre.

Prouver sa valeur ajoutée

Or, il revient justement au conseiller de faire valoir son expertise, rappelle Éric Lauzon, vice-président régional, Développement des affaires et recrutement dans l’Est du Canada de Gestion de patrimoine Assante. «Si des clients décident de s’en remettre plutôt à des courtiers à escompte, c’est qu’ils ne voient pas beaucoup de valeur dans leur relation avec leur conseiller», précise-t-il.

Éric-Olivier Savoie, vice- président, solutions de gestion de patrimoine à la Financière Banque Nationale, s’étonne d’ailleurs que la question des courtiers à escompte revienne encore dans les discussions. «C’était d’actualité il y a 15-20 ans. Le rôle du conseiller a évolué et l’accent a été mis sur la valeur de l’approche-conseil, par opposition à la simple exécution de transactions», dit-il.

En fait, si l’avènement des courtiers à escompte a suscité des inquiétudes, «ça ne s’est pas matérialisé en impact négatif sur les revenus des conseillers», affirme-t-il.

Un gestionnaire de portefeuille devrait justement faire davantage que simplement négocier des titres ou des fonds communs, souligne Éric Lauzon. «Sa valeur ajoutée se trouve dans le conseil, dans la planification fiscale et successorale avec ses clients. Ce que ne peuvent pas faire les courtiers à escompte», dit-il.

«Les clients ne sont pas satisfaits et viennent nous voir par la suite. Donc, c’est en quelque sorte bien pour nous, mais désastreux pour eux», affirme d’ailleurs un conseiller à propos des conseillers à escompte ou en ligne.

Il en va de même dans le secteur de l’assurance. «Les gens qui ont des besoins plus complexes ou qui accordent plus d’importance à la prise en charge lors de situations désagréables vont faire affaire avec des conseillers», constate Éric Lauzon.

Au cours des dernières années, la Sun Life a mis en place une plateforme d’achat d’assurance en ligne. Or, «on y fait très peu de ventes et ce sont généralement pour des produits d’assurance vie temporaire», note Robert Dumas.

Les robots-conseillers, qui ont l’avantage, comme le courtage direct, d’être une solution pratique et à bas coût, n’offrent pas eux non plus des services de planification financière. Par conséquent, «ils ne devraient pas nuire aux affaires d’un conseiller qui offre de la valeur ajoutée à ses clients», estime Éric Lauzon.

Complément aux services

En fait, s’il y a des leçons à tirer de l’avènement de ces technologies, c’est «l’importance pour les conseillers de développer une clientèle qui a besoin de leurs services», suggère Éric Lauzon. Selon lui, les conseillers doivent aussi être meilleurs qu’avant en matière de marketing.

De plus, un conseiller doit apprendre à utiliser certaines technologies à son bénéfice. «Les robots-conseillers sont aussi au service des conseillers, pas seulement à celui des clients. Ils peuvent être un complément aux services offerts par les conseillers pour améliorer la santé financière de leurs clients», indique Éric-Olivier Savoie.

Cela dit, un conseiller a souligné que «les nouvelles technologies amènent aussi une hausse des fraudes potentielles, rendant les gens plus méfiants lors d’une offre».

Réponses des conseillers, présentées par ordre décroissant du plus grand nombre de répondants, à la question : «Au cours des 10 dernières années, quelle technologie a eu l’effet le plus négatif sur votre chiffre d’affaires ?»

1. Les courtiers à escompte et/ou en ligne

2. La souscription d’assurance de personnes en ligne sans l’intervention d’un représentant

3. Les robots-conseillers

4. Les médias sociaux

Source : Sondage «L’industrie financière en pleine ébullition», automne 2019, Finance et Investissement

Voici des exemples d’autres menaces technologiques qui ont nui aux affaires des conseillers depuis 10 ans, selon des répondants au sondage.

«Le manque de publicité de la part de nos régulateurs pour informer les consommateurs sur l’importance d’avoir une bonne couverture d’assurance.»

«Au cours des 10 dernières années, les assureurs ont investi beaucoup dans la technologie dans l’espoir de vendre directement aux consommateurs, en négligeant d’investir dans la formation des conseillers.»

«Le Web et surtout tous ceux qui osent affirmer que les [fonds négociés en Bourse] sont plus avantageux… Ce faisant, l’investisseur ne profite d’aucuns conseils, ni financiers ni fiscaux ! La combinaison FNB et robot-conseiller constitue à mes yeux la meilleure façon de s’appauvrir !»