Homme d'affaire les mains en coupe. Une petite valise avec une croix médicale à l'intérieur au-dessus de ses mains.
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Malgré les remous causés par l’émission La Facture, les ventes d’assurance maladies graves (AMG) ont continué de constituer une part croissante des activités des conseillers en sécurité financière.

En mai et juin 2019, Finance et Investissement a demandé à un groupe de représentants en assurance de personnes de déterminer le type de contrat, qui connaît la plus forte croissance dans leurs affaires, lors du sondage mené à l’occasion du Baromètre de l’assurance de 2019. En tout, 20,7 % des conseillers interrogés ont désigné l’AMG, par rapport à 22,9 % en 2018. Cela en faisait le troisième type de police d’assurance en croissance après l’assurance vie temporaire (31,9 %) et l’assurance vie permanente (31,09 %).

L’écart de 2,2 points de pourcentage entre les résultats de 2018 et de 2019 semble faible, considérant la notoriété négative de l’AMG qui a été dénoncée dans un reportage de La Facture, diffusé à la mi-janvier de 2019. Cette diffusion, qui illustrait des cas de refus de versement de prestations auprès de clients atteints de maladies graves, avait pourtant provoqué une multitude d’appels auprès des cabinets de conseillers en sécurité financière. La croissance des ventes de ces produits ne semble donc pas avoir été freinée radicalement, d’après le Baromètre de l’assurance.

«L’Autorité des marchés financier a très bien réagi en donnant des outils aux conseillers pour expliquer pourquoi [les prestations ont été refusées], rappelle Caroline Thibeault, directrice générale de Groupe SFGT. La confiance des clients a pu être regagnée parce qu’on a pu répondre à leurs interrogations.»

Des répondants au sondage expliquent pourquoi l’AMG continuait à gagner du terrain dans leurs affaires ; une conscience accrue de la population concernant les maladies graves domine dans ces explications. «Les gens sont de plus en plus conscients des conséquences d’un cancer et des répercussions sur leur vie», dit un répondant. Un autre ajoute : «On en parle plus. Les gens sont plus sensibilisés à la maladie [cancer].» Un autre participant évoque une plus grande visibilité des produits : «C’est un secteur qui n’est pas encore vraiment touché et les gens commencent à mieux le connaître.»

Moteurs de croissance

«Le marché est encore grand ouvert», juge Maryse Goudreau, directrice régionale Québec et est du Québec et conseillère en sécurité financière chez Aurrea Signature. Quelques facteurs clés se combinent pour assurer à l’AMG un avenir florissant au cours des prochaines décennies.

Jusqu’ici, la croissance de l’AMG s’est faite en tant qu’avenant à d’autres produits, affirme Guy Duhaime, président de Groupe financier Multi Courtage. «Ce qui a poussé le marché, c’est qu’on a commencé à en mettre partout : par exemple, 1 000 $ sur une carte de crédit, ou 5 000 $ sur une police d’assurance collective.» Mais les produits «purs» semblent prendre de plus en plus de place, si on en croit d’autres intervenants.

Le moteur de premier plan tient aux produits qui se raffinent et s’améliorent. «Lancés il y a 20 ans, les produits sont maintenant mieux conçus», constate François Blanchet, vice-président développement des affaires provinciales chez Aurrea Signature. «Auparavant, les polices couvraient seulement le cancer et les crises cardiaques. Maintenant, elles couvrent plus de 35 maladies : diabète, sclérose en plaques, maladies infantiles, etc.»

François Blanchet ne croit pas que le moteur de ce marché soit la population elle-même et une conscience accrue des maladies graves. «Si ça influe, c’est minime. La maladie, ça arrive toujours au voisin, pas à soi. Par contre, les assureurs travaillent fort pour développer des concepts attrayants. C’est pour ça que ces produits s’implantent dans notre culture.»

L’autre moteur des produits d’AMG proviendra des conseillers eux-mêmes. Bon nombre ne les ont pas encore intégrés à leur offre. «Beaucoup de représentants n’ont pas de connaissances à jour sur la maladie grave et les solutions qui s’offrent à eux», affirme François Blanchet. «Il faut adopter de nouvelles notions, suivre le secteur, et l’initiative doit venir du conseiller, renchérit Maryse Goudreau. Le marché est encore loin d’être saturé, tant du côté des clients que des conseillers.»

Priorités inversées

Pourtant, tous les intervenants s’entendent pour dire que l’AMG devrait être un produit de premier plan. Caroline Thibeault soumet des chiffres qui en confirment l’importance. «Pour moi qui ai 44 ans [et suis] non-fumeuse, mes chances de mourir avant 65 ans sont de 9 %, de souffrir d’une invalidité, de 34 %, d’écoper d’une maladie grave, de 38 %.»

De tels chiffres militent en faveur de la vente des polices d’AMG avant les autres. Or, c’est le contraire qu’on constate. Les conseillers parlent d’abord d’assurance vie avec leurs clients, ensuite d’invalidité et de retraite. Arrivés là, constate Caroline Thibeault, il ne reste plus assez de budget pour aborder l’AMG. Pourtant, dit-elle, «on va porter des chèques beaucoup plus souvent pour des maladies graves que pour des décès.»

Évidemment, l’assurance vie assure les besoins de ceux qui survivent au détenteur d’une police. Or, une AMG peut couvrir les besoins non seulement de tous ceux qui entourent l’assuré, mais de l’assuré lui-même dans le cas où il est terrassé par une maladie grave. «On ne vise pas à remplacer le salaire, mais à assurer le soutien de tout l’entourage», poursuit Caroline Thibeault.

«Recevoir un capital, ajoute Maryse Goudreau, permet d’alléger un éventuel stress financier, par exemple, de couvrir le paiement de l’hypothèque, des médicaments non assurés, le maintien des activités d’une entreprise.»

Caroline Thibeault va jusqu’à envisager une AMG en priorité pour des enfants. «Si l’enfant est malade, dit-elle, les parents auront les moyens de l’aider ou de trouver des aides d’appoint. Ça pourrait être plus important même que de l’assurance vie.»

L’assurance maladies graves (AMG) peut parfois servir au financement d’une convention entre actionnaires d’une société, pour laquelle la couverture d’assurance invalidité serait insuffisante.

En effet, l’assurance invalidité est souvent le produit à privilégier comme mode de financement pour procéder à l’acquisition des actions d’un coactionnaire devenu invalide. Or, l’assureur limite à 2 M$ par actionnaire la prestation qu’il peut allouer à une société ou aux actionnaires afin de racheter les parts d’un actionnaire devenu inapte à travailler, apprenait-on lors d’une conférence donnée lors du congrès de l’Association de planification fiscale et financière, à l’automne dernier.

«Si le besoin de protection est plus élevé, une assurance maladies graves pourra ajouter une protection additionnelle», lit-on dans le cahier du participant remis dans le cadre du dernier congrès de l’Institut québécois de planification financière.