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Nombre d’observateurs considèrent que les Bourses nord-américaines sont surévaluées, surtout celles des États-Unis. Ils jugent toutefois que ce n’est pas le cas ailleurs, de telle sorte que partir en exploration partout sur le globe peut s’avérer fort rentable.

Plusieurs raisons peuvent pousser à investir dans les actions mondiales, en premier lieu, l’attrait du haut de gamme. «Notre large perspective nous permet d’aller chercher la crème de la crème partout où elle se trouve», fait ressortir Paul Moroz, chef des investissements chez Mawer Investment Management, à Calgary, qui supervise le Fonds d’actions mondiales Mawer.

«Le marché canadien est étroit et trop exposé aux secteurs de l’énergie et des matières premières, ajoute Tim Hylton, vice-président principal et stratège en actions chez Fiera Capital, à Montréal, et gestionnaire du Fonds Fiera Capital actions mondiales. Un mandat mondial nous donne accès à un groupe plus vaste de sociétés de la plus haute qualité.»

«Mettez ensemble la meilleure main-d’oeuvre, les meilleurs modèles d’affaires, les meilleurs produits et services, et vous vous retrouvez vite avec un portefeuille où la totalité est supérieure à la somme des parties», ajoute Jeremy Richardson, gestionnaire senior du Fonds d’actions mondiales Phillips, Hager & North chez Gestion mondiale RBC, à Londres.

Déjouer les risques locaux

Cette diversification est valable tout particulièrement pour la gestion des risques. En effet, un portefeuille confiné à un pays est sujet aux chocs politiques, économiques ou sociaux vécus par celui-ci. Grâce à sa présence globale, un fonds d’actions mondiales échappe aux contraintes régionales. Bien sûr, il peut être heurté par des chocs globaux, mais son ancrage dans multiples régions, secteurs et modèles d’entreprise peut le doter d’une plus grande robustesse.

Les chocs de devises peuvent influer sur un portefeuille local. Paul Moroz donne l’exemple d’une entreprise qui ne dispose que de quelques unités de fabrication, toutes à l’intérieur d’un même territoire, et dont tant les importations de composantes que les exportations de produits sont concentrées dans un seul marché. Dans un tel scénario, une entreprise peut se retrouver rapidement avec des coûts accrus et des revenus amenuisés. Un fonds d’actions mondiales donne la flexibilité, résume-t-il, «de ne pas être en Indonésie quand le secteur des banques tourne mal, mais de se retrouver plutôt en Scandinavie dans le secteur de l’assurance».

Jeremy Richardson précise que la robustesse recherchée n’implique pas de tenter de prédire les chocs susceptibles de survenir où que ce soit, qu’il s’agisse d’une chute des cours dans les pays émergents ou de tensions commerciales accrues, deux situations qui prévalent actuellement. Il s’agit plutôt «de trouver la diversification, la robustesse et la résistance aux chocs par la sélection même des entreprises que nous effectuons», dit-il.

C’est un impératif auquel souscrivent les trois gestionnaires. Il ne s’agit pas d’éviter un marché ou un autre, un secteur ou un autre, explique Tim Hylton, mais de «choisir des sociétés de la plus haute qualité avec un bilan solide, beaucoup de trésorerie, des avantages concurrentiels durables, des barrières à l’entrée, une croissance interne forte, de la discipline dans l’allocation du capital et dans la gouvernance.»

Jouer serré

Les trois gestionnaires partagent également d’autres particularités. La sélection des titres en portefeuille est très concentrée (moins de 40 chez Fiera et Phillips, Hager & North), ce qui contraste avec le vaste bassin de titres accessibles. Les trois se disent acheteurs de sociétés, et non de titres. Et tous trois adoptent un horizon à long terme, et même à très long terme dans le cas de Tim Hylton.

«La tenue moyenne des titres en portefeuille est de dix ans», affirme celui-ci. Par ailleurs, la sélection des titres doit se conformer à un horizon éloigné. Par exemple, bien qu’il reconnaisse qu’Apple est une bonne société, elle est trop vulnérable. «Nokia, Blackberry et Motorola étaient les trois géants dominants dans les années 1990 et 2000, et elles sont tombées l’une après l’autre. Si Apple manque son coup avec une seule innovation, elle peut tomber rapidement. Il est difficile pour nous de faire une projection de dix ans pour Apple.»

Le gestionnaire va plutôt miser sur un Mastercard, qu’il considère comme une société technologique, et non financière. «Mastercard gère en fait un réseau électronique à haute vitesse de transactions mondiales. Combinée avec Visa, il s’agit d’un duopole qui contrôle 90 % de son secteur.»

Il n’y a pas lieu non plus de s’inquiéter de chocs technologiques venant d’Apple Pay, par exemple, ou de la blockchain. «Il est plus probable qu’Apple Pay va se servir du réseau de Mastercard et que la blockchain va être intégrée pour sécuriser le réseau.»

L’unicité d’un modèle d’affaires robuste n’est pas un apanage exclusif des sociétés de technologie. Jeremy Richardson la trouve chez un détaillant comme TJX, l’entreprise de Boston qui possède diverses enseignes, notamment Winners. L’originalité de TJX tient à son processus d’affaires. D’une part, elle s’approvisionne auprès de détaillants et de manufacturiers en détresse ; d’autre part, elle vend par catégories (femmes chic, femmes sport, enfants, etc.), non selon des marques ou des griffes.

C’est un succès retentissant «de briques et de mortier» dans un marché de détail où les grandes chaînes tombent comme des mouches sous les assauts du commerce en ligne, fait remarquer Jeremy Richardson.

Paul Moroz aime les investissements «ennuyants, mais qui rapportent». Ainsi, ce n’est pas un titre glamour comme celui d’Amazon qui retient sa faveur, mais plutôt celui de Softcat, un fournisseur britannique d’équipements informatiques. «Tout le monde connaît Amazon, mais le titre de Softcat passe sous le radar de bien des gens, de telle sorte qu’on peut tirer profit d’un processus de prix inefficace.» Par ailleurs, l’entreprise, relativement modeste encore avec des ventes d’environ 1,4 G$, connaît une croissance explosive, malgré un contexte difficile entraîné par le Brexit.

Alors oui, la robustesse est un critère de sélection prioritaire, «mais, parfois, on ne répugne pas à privilégier la croissance, ou le rendement de l’investissement», dit Paul Moroz avec une inflexion teintée d’ironie.