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Le secteur de l’énergie, lié essentiellement au pétrole, a été laissé pour compte depuis quelques années. En témoignent les cours des actions, «qui traînent à des niveaux que nous n’avons pas vus depuis un bon moment», dit Joe Gemino, analyste du secteur chez Morningstar. Pourtant, ce secteur recèle de nombreuses occasions et se présente comme un havre d’accueil, surtout pour les investisseurs en quête de revenu.

Son attrait ne réside pas tant dans la croissance – les rendements des cinq dernières années sont négatifs – que dans les dividendes campés sur des flux de trésorerie imposants.

Encore de beaux jours

Évidemment, la vigueur du secteur est étroitement liée au prix du baril de pétrole. Après avoir atteint un sommet d’environ 107 $ US en 2014, puis avoir plongé à un creux de 28 $ US en 2016, le prix du baril de WTI (West Texas Intermediate) oscille entre 50 et 60 $ US depuis le début de l’année.

Tous les gestionnaires interviewés par Finance et Investissement prévoient que le prix du pétrole se maintiendra dans la fourchette actuelle au cours des deux ou trois prochaines années.

Aux yeux de l’investisseur moyen, le secteur de l’énergie semble affronter des défis majeurs, et paraît donc peu attrayant. Au Canada, cela tient aux déboires des trois pipelines de premier plan. Ailleurs, la contestation liée aux changements climatiques qu’entraînent les processus d’extraction, notamment du pétrole de schiste aux États-Unis et des sables bitumineux, semble obscurcir l’avenir. C’est sans compter l’essor des véhicules électriques (VE) et la part croissante des énergies alternatives, qui annoncent un important déclin du pétrole.

Ces facteurs inquiètent peu les gestionnaires interrogés, notamment parce que les anticipations et les craintes qu’ils traduisent manquent de réalisme, juge Jennifer Stevenson, gestionnaire du Fonds de revenu énergétique, chez Fonds Dynamique.

«Je trouve très troublant le manque de perspective des politiciens qui pensent que les énergies alternatives vont tout rafler demain, dit-elle. Il faudra de 10 à 20 ans avant que ces sources alternatives atteignent la maturité. Nous n’avons tout simplement pas les ressources nécessaires pour que les voitures deviennent toutes électriques dans 10 ans», souligne-t-elle.

«Ce qui va se passer, c’est que le nombre de véhicules électriques va augmenter, la demande énergétique va augmenter, les niveaux de vie vont augmenter, et nous aurons besoin de toutes les ressources énergétiques, y compris le pétrole, affirme Jennifer Stevenson. Quant à la pollution, je crois que la noblesse de la cause va être tempérée et rationalisée quand on constatera ce qu’il en coûtera de la contrôler.»

Il faudra du temps avant que les VE constituent une réelle menace pour l’industrie du pétrole, et leur essor «n’a pas encore d’impact sur les prix des titres d’énergie», souligne Joe Overdevest, gestionnaire de portefeuille, notamment du fonds Ressources naturelles mondiales, chez Fidelity Investments.

Tandis que certains analystes annoncent une domination des VE entre 2025 et 2030, James Thai, gestionnaire du portefeuille Catégorie mondiale énergie chez BMO Gestion mondiale d’actifs, juge cet échéancier peu probable. «Il y a environ 1,2 milliard d’autos classiques sur les routes du monde aujourd’hui et il s’en vend encore environ 80 millions chaque année, fait-il ressortir. Il faudra au moins 30 ans pour remplacer tout ça.»

C’est dire que le pétrole a encore de beaux jours devant lui. À cela s’ajoutent les perspectives du gaz naturel liquéfié, présentement en pleine expansion. Royal Dutch Shell prévoit une croissance annuelle de 4 % jusqu’en 2035, rapporte James Thai.

Secteur très diversifié

Malgré le petit nombre de prix de référence (essentiellement le WTI et le Brent), l’industrie du pétrole est bien diversifiée sur le plan géographique. En effet, elle repose sur de nombreuses régions productrices qui répondent à des dynamiques différentes.

Par exemple, avec les contraintes majeures qui s’exercent sur ses pipelines, l’industrie pétrolière canadienne est soumise à une dynamique différente de celle des États-Unis où la production abonde. D’ailleurs, nos voisins du Sud sont devenus cette année «un exportateur net de pétrole pour la première fois depuis 75 ans», souligne James Thai.

Cela crée un territoire mondial très diversifié dans lequel un gestionnaire qui pilote un portefeuille international peut trouver bon nombre d’occasions inattendues.

Un des aspects les plus positifs du secteur de l’énergie tient aux flux abondants de trésorerie que les acteurs les plus solides et les plus disciplinés réussissent à dégager actuellement. «Il y a un décrochage entre le prix des titres et les flux de trésorerie que les entreprises génèrent à partir du prix actuel du baril de pétrole», explique Jennifer Stevenson. C’est ainsi que son fonds réussit présentement à produire un impressionnant rendement en dividendes de 8,2 %.

La gestionnaire trouve un solide rendement en dividendes chez deux producteurs de premier plan : l’américaine ConocoPhillips et la canadienne Suncor. Il y a quelques semaines, ConocoPhillips a annoncé une hausse de son dividende trimestriel de 38 %, et son intention d’acheter pour 3 G$ US de ses actions en 2020. «Les gestionnaires ont décidé que cette hausse du dividende pouvait être soutenue et que leur base d’actifs le permettait. Je suis d’accord avec eux», précise Jennifer Stevenson. Elle voit d’un oeil très favorable la croissance soutenue du dividende chez Suncor.

Les gestionnaires interviewés sont peu présents dans le secteur des énergies alternatives, mais y sont quand même un peu actifs. James Thai trouve de belles occasions de ce côté, notamment chez un géant comme Royal Dutch Shell, dont le portefeuille dans les énergies alternatives est en croissance.

Selon lui, il ne faut plus considérer ces colosses comme des sociétés de pétrole. «Elles-mêmes se voient désormais comme des entreprises d’énergie, et diversifient leur portefeuille d’actifs en conséquence», souligne James Thai.

L’entreprise française Gaztransport & Technigaz, une firme d’ingénierie d’envergure mondiale spécialisée dans la conception de projets de gaz naturel liquéfié, est l’un des choix privilégiés du gestionnaire de BMO. «C’est une occasion de développement à faible risque et avec une croissance des revenus de 36 % annuellement, soutient James Thai. L’entreprise compte des clients importants, notamment au Japon, et n’absorbe pas le risque de construire ou d’exploiter les projets ; elle s’occupe seulement de les concevoir.»

Pour sa part, Joe Overdevest trouve un autre exemple d’entreprise à faible risque dans l’américaine Texas Pacific Land Trust (symbole boursier à New York : TPL). Cette petite entreprise, dont les revenus s’élèvent à environ 414 M$ US et la capitalisation boursière à 5,3 G$ US, tire ses revenus uniquement de redevances sur les champs pétroliers qu’elle détient et que d’autres exploitent. «C’est un titre très attrayant, parce que la quasi-totalité des revenus s’inscrivent à la ligne des profits», dit Joe Overdevest.