Homme d’affaires travaillant sur l’ordinateur portatif. Celui-ci se tient la tête entre les mains.
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Certains conseillers en placement (CP) peinent à suivre le rythme technologique imposé par leur courtier. Celui-ci a beau offrir des formations éclair et du coaching, des CP doivent malgré tout composer avec un soutien informatique interne lent. Résultat : le fossé se creuse entre les attentes, particulièrement élevées chez la relève, et la réalité du terrain façonnée par les ressources limitées des courtiers, révèle le Pointage des courtiers québécois 2025.

Le score moyen accordé cette année par les CP à leur courtier pour la formation en technologie et le soutien informatique interne atteint 8,0 sur 10, un léger recul par rapport à 2024 (8,1). Ce qui frappe davantage, c’est l’écart croissant entre l’importance moyenne de ce critère (8,7) et la performance des courtiers, désormais de 0,7 point, ce qui traduit une insatisfaction croissante d’un segment de répondants.

Au total, 13 % des conseillers interrogés se disent insatisfaits de leur courtier sur ce plan (notes de 0 à 6 sur 10), alors que seuls 49 % des répondants sont satisfaits (notes de 9 ou 10).

Tous les courtiers ne sont pas logés à la même enseigne. Certains ont vu la perception de leurs CP s’améliorer par rapport à 2024 et d’autres, se détériorer. La meilleure note obtenue pour ce critère est de 9,0, tandis que la plus basse est de 6,0, ce qui démontre que la perception des conseillers quant aux efforts déployés par leur courtier pour répondre à leurs attentes varie considérablement.

Parmi les courtiers qui parviennent à tirer leur épingle du jeu, ScotiaMcLeod enregistre une hausse de 0,9 point et obtient une note de 8,3. Une progression qui s’explique, selon plusieurs CP, par une meilleure accessibilité des formations et une volonté manifeste d’adapter le soutien aux besoins sur le terrain.

Financière Banque Nationale (FBN) obtient la meilleure appréciation (9,2), en hausse de 0,8 point par rapport à 2024. Valeurs mobilières Desjardins (VMD) progresse aussi, de 7,5 à 8,1. Les notes des six autres firmes du pointage sont à la baisse. Chez Gestion de patrimoine TD (GPTD), la note pour ce critère passe de 7,1 à 6,0. Raymond James, qui avait obtenu la meilleure note l’an dernier (9,4), la voit reculer à 9,0.

Formations trop rares

Sur le plan de la formation technologique, les avis des CP sondés portent souvent sur les mêmes constats : fréquence insuffisante, intégration inégale et contenus inadéquats… Plusieurs relèvent que la formation est trop rare, voire inexistante dans certains cas, ou qu’elle est dispensée trop rapidement. « Les formations sont très bien, mais elles devraient être mieux intégrées pour la relève », commente un répondant. Les séances brèves et ciblées semblent toutefois appréciées pour leur efficacité.

Or, plusieurs répondants jugent que les formations internes sont utiles, surtout lorsqu’elles sont faites sous forme de coaching personnalisé. « Certaines de nos formations sont excellentes », dit un répondant d’une firme, alors que son collègue déplore que les formations ne soient souvent qu’en anglais.

Selon les dirigeants interrogés, certains CP sont parfois frustrés en partie en raison de la forte demande en formation, alimentée par les changements technologiques et le rythme soutenu des embauches.

Chez RBC Dominion valeurs mobilières (RBC DVM), l’adaptation à la plateforme Salesforce a notamment mobilisé une part importante des ressources internes en formation, confirme Jérôme Brassard, vice-président et directeur général régional pour le Québec, RBC DVM. Et ce, malgré la perception généralement bonne envers RBC DVM. Pour répondre à la demande, ce courtier a élargi son éventail de contenus — formats papier, vidéos, ateliers pratiques — mais les conseillers réclament davantage de formations en personne. « Nos ressources sont déjà étirées au maximum », admet Jérôme Brassard. Pour atténuer cette pression, la firme accroît ses investissements dans les services de formation. Il insiste cependant sur un point : le développement du talent est aussi essentiel que l’adoption des nouvelles technologies. « La technologie représente une évolution majeure dans les services financiers, mais c’est sur notre capital humain que repose notre force. »

Chez iA Gestion privée de patrimoine (iAGPP), un conseiller indique que la formation est parfois insuffisante pour les recrues, qui doivent composer simultanément avec de nombreux défis et l’apprentissage d’un nouveau système informatique. Adam Elliott, président et chef de la direction d’iAGPP, précise que l’intégration de 28 conseillers en provenance de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, au troisième trimestre 2024, a mis à l’épreuve les capacités de formation. « Ils arrivaient d’une culture bancaire très différente. On a eu beaucoup de travail à les former. Si nous n’effectuons pas d’acquisition cette année, la pression sera moindre », note-t-il.

Soutien interne sollicité

Le soutien informatique interne reste une source persistante de frustration pour un groupe de conseillers. Certains dénoncent un manque de disponibilité des techniciens, d’autres des délais d’attente jugés excessifs. « Des problèmes urgents prennent parfois de longues heures avant d’être réglés », illustre un répondant. En revanche, un segment de répondants est satisfait de la fiabilité des équipes. « La plupart de mes problèmes TI sont résolus en un jour. Ils sont aidants », dit l’un d’eux.

À RBC DVM, alors que le soutien téléphonique suscitait des avis partagés l’an dernier, les avis recueillis cette année sont positifs. Le courtier l’a optimisé en réorganisant ses équipes, ce qui a permis de réduire certains irritants. « On n’a rien réinventé, on a juste affiné notre plan de match », souligne Jérôme Brassard.

Malgré une légère amélioration de la note de satisfaction chez VMD, certains CP sondés signalent des incidents récurrents et des « délais plus longs que souhaité » pour parler à un technicien. David Lemieux, vice-président et directeur général de VMD, se dit surpris par ces critiques. Selon lui, les systèmes sont désormais plus stables, même en période de forte volatilité boursière. Il affirme que la firme a mis en place des initiatives pour renforcer l’autonomie technologique des conseillers et améliorer la qualité du service, notamment grâce à des spécialistes TI spécialisés dans le secteur du courtage, intégrés aux équipes de Desjardins.

Il juge que les critiques portant sur le soutien informatique interne sont peu représentatives de la réalité actuelle. Toutefois, des délais peuvent persister lors de demandes très spécifiques, en dehors des heures normales, admet le dirigeant. David Lemieux précise que les délais de réponse se sont améliorés au fil de la dernière année.

À la FBN, la note est en hausse par rapport à l’an dernier. Malgré cette amélioration, certains répondants constatent des temps d’attente longs et un manque de compétences techniques dans le personnel. Simon Lemay, premier vice-président, directeur national Québec et Atlantique de FBN, reconnaît que la rotation du personnel et l’ampleur des changements technologiques ont contribué à complexifier certains processus. Pour améliorer le suivi, un nouveau système de gestion des requêtes informatiques a été instauré. Il permet de tracer les demandes, d’analyser les délais et d’évaluer la résolution des problèmes. La mise en œuvre de ces outils peut temporairement alourdir le quotidien des équipes, souligne le dirigeant.

« On a quand même une très belle plateforme technologique. On a remplacé plusieurs ordinateurs dans le passé, on a redéployé une nouvelle gamme de laptops, nos machines fonctionnent très bien, sont très performantes », dit Simon Lemay.

iAGPP n’est pas épargnée par les critiques de certains sondés. Des délais sont signalés dans le soutien informatique, notamment lors des transferts de comptes. Adam Elliott confirme que des problèmes ponctuels se produisent à ce niveau, souvent liés à des retards imputables à d’autres institutions financières. Il souligne que, malgré la forte croissance de l’entreprise (47 équipes de conseillers et une quarantaine d’employés embauchés en 2024, principalement à l’exploitation et à la conformité), les indicateurs de performance liés au soutien informatique sont demeurés satisfaisants.

Avec la collaboration d’Alizée Calza et Guillaume Poulin-Goyer

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