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Depuis son lancement en 2017, la plateforme d’APEXA suscite des inquiétudes et beaucoup de questions. Et son acquisition au printemps dernier par la société américaine MIB Group n’a rien fait pour arranger les choses. Finance et Investissement tente d’y voir un peu plus clair.

Selon le site web de Policygenius (section « What is the MIB? »), MIB Group est un organisme sans but lucratif, propriété d’environ 800 firmes d’assurance en Amérique du Nord, soit presque toutes les compagnies des États-Unis et du Canada. Son conseil d’administration est presque entièrement composé de représentants d’assureurs.

La société, qui fonctionnait d’abord sous le nom de Medical Information Bureau au moment de sa création en 1902, a pour but de vérifier les erreurs, omissions et fausses représentations dans les demandes de police d’assurance. Policygenius compare son rôle à celui d’une agence de notation de crédit pour le processus de l’assurance vie dans le but d’aider les assureurs à établir un juste niveau de prime d’assurance, à prévenir la fraude et à réduire leurs risques.

Les activités se sont depuis diversifiées, selon Andrea Caruso, vice-présidente directrice et chef de l’exploitation à MIB, et touchent maintenant l’analyse de données et la publication d’études destinées aux assureurs sur des développements et tendances de l’industrie. « À partir de chaque soumission, l’information est analysée par MIB, ce qui nous permet d’être plus efficaces au Canada », dit-elle.

Avec l’acquisition d’APEXA, MIB inaugure un nouveau volet de gestion de la mise sous contrat et de suivi de conformité des représentants.

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APEXA vise à accélérer et à rendre plus efficace le processus de mise sous contrat des représentants, en y intégrant le suivi de conformité. Sur ces plans, le logiciel semble tenir ses promesses. Auparavant, quand la mise sous contrat était effectuée en mode papier, chaque assureur faisait son enquête pour lui-même sur les antécédents de conformité, de crédit et judiciaires de chaque représentant qui demandait de vendre ses polices.

« C’était un peu ridicule que chaque assureur fasse sa propre enquête, souligne Caroline Thibeault, présidente du Groupe SFGT. À présent, c’est centralisé », et chaque conseiller dispose d’un seul dossier qu’il présente aux assureurs avec lesquels il veut faire affaire. Au dossier de base vient se greffer un certain nombre d’informations spécifiques à chaque assureur.

« À présent, poursuit Caroline Thibeault, quand on reçoit une demande de mise sous contrat, on reçoit un document complet, et non à la pièce, sans va-et-vient. Ça accélère le traitement, le conseiller sait au fur et à mesure où en est son dossier. Tout ça nous permet de mettre les contrats en œuvre plus rapidement. C’est un avantage pour toutes les parties. »

APEXA a très tôt été critiqué pour son manque de convivialité, et cette critique circule encore. « Le logiciel n’est absolument pas facile d’utilisation, commente Caroline Thibeault, au point que j’ai dû doubler le nombre d’employés affectés au traitement des contrats et au soutien des conseillers. APEXA me revient aussi cher que mes autres solutions informatiques, mais seulement pour une partie de mes besoins. » Cette critique est largement répercutée du côté des conseillers (lire « Malaise chez certains conseillers en page couverture »).

Phil Marsillo, président et chef de la direction d’IDC Worldsource et membre du comité de gouvernance d’APEXA, voit les choses d’un autre œil. « Les changements sont toujours ardus. Les premières fois, je ne savais pas tout ce dont j’avais besoin pour remplir les formulaires d’APEXA, et j’ai pris beaucoup de temps. Mais maintenant, pour le renouvellement de ma licence au Québec, ça m’a pris 30 secondes. »

Il est en désaccord avec Caroline Thibeault. « Je ne connais personne qui a dû doubler son personnel [de mise sous contrat], observe-t-il. J’ai dû augmenter mon personnel, mais je ne l’ai pas doublé. »

La mise en service d’APEXA a été « un gros choc au départ », reconnaît Michel Kirouac, vice-président et directeur général du Groupe Cloutier, « mais nos employés s’habituent avec le temps. Le logiciel n’est pas fantastique, mais correct ».

Caroline Thibeault en a aussi contre la tarification d’APEXA. « Du jour au lendemain, ils ont doublé mon prix et je n’ai rien à dire. Ils peuvent changer leurs conditions de façon unilatérale. Je suis inquiète : vont-ils encore hausser leurs tarifs ? »

Ses inquiétudes ne semblent pas fondées. « APEXA ne peut changer les tarifs de façon unilatérale en raison du comité de gouvernance, où un tel sujet serait discuté, soutient Manon Gauthier, vice-présidente principale, administration et opérations, assurance et épargne individuelles à iA Groupe financier. Tous les points de vue sont exprimés et il faut qu’une majorité soit d’accord. » Selon les informations qu’a recueillies Finance et Investissement, plusieurs propositions de ce conseil de gouvernance sont consultatives et non décisionnelles. Cependant, il semble qu’au chapitre de la tarification et selon la charte très élaborée de l’entreprise, les positions du conseil soient décisionnelles. « Pour un changement de tarif, APEXA ne peut le faire de façon unilatérale, car ces choses sont discutées au comité de gouvernance », dit Manon Gauthier. L’avis du comité concernant un changement tarifaire serait-il consultatif ou décisif ? « Ce que j’en comprends, c’est décisif », répond-elle.

La vente d’APEXA à MIB rend mal à l’aise autant Caroline Thibeault que Michel Kirouac. Cette transaction, pour laquelle ils n’ont pas été consultés, ne fait qu’accentuer leur impression d’être à la merci de processus qui les concernent au premier chef, mais qui se passent au-dessus de leur tête. Caroline Thibeault parle d’une relation d’amour et haine où APEXA « nous a été imposée ».

En effet, la grande majorité des assureurs impose désormais APEXA à ses agents généraux (AG). C’est le cas d’iA Groupe financier, qui l’exige. « On veut maintenant tous nos AG dans la plateforme », affirme Manon Gauthier. C’est pour répondre à cette exigence que le Groupe Cloutier a commencé il y a seulement trois mois son passage à APEXA.

Qu’adviendrait-il si MIB, à son tour, était vendue à un assureur américain ? demande Michel Kirouac. « D’un seul coup, cet assureur aurait accès aux données de 65 000 conseillers canadiens », s’inquiète ce dernier. Il juge qu’APEXA aurait dû dès le départ être constituée en OSBL, comme c’est le cas pour Fundserv – un souhait que partage Caroline Thibeault.

Rappelons que l’actuelle structure de MIB est celle d’un OSBL.