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En effet, entre autres pour des raisons fiscales, un conseiller devrait considérer les subtilités liées aux dates de négociations importantes après qu’un FNB aura annoncé son intention de distribuer un dividende ou un paiement d’intérêt, dans le cas des FNB d’obligations.

D’abord, voyons les différentes étapes. «Premièrement, il y a l’annonce du dividende. Puis, la date avec dividende (cum dividend) qui est la dernière journée durant laquelle on peut acheter et recevoir le dividende déclaré, mais impayé. C’est la journée précédant la date ex-dividende (dividende détaché)», explique Laurent Boukobza, vice-président, ETFs, chez Placements Mackenzie.

L’investisseur qui vend à la date avec dividende ne recevra pas le dividende puisque c’est l’acheteur qui le recevra.

«La date ex-dividende est la date à partir de laquelle on peut acheter le FNB sans recevoir le dividende, ou vendre le FNB, mais tout de même recevoir le dividende. Le prix du FNB a tendance à baisser du montant équivalant à la distribution cette journée-là», poursuit Laurent Boukobza.

La prochaine date importante est la date de clôture des registres, appelée en anglais record date, qui survient deux jours après la date ex-dividende. «C’est ce jour-là que l’entreprise regarde qui détient effectivement ses titres pour savoir à qui payer les dividendes», note Laurent Boukobza. Finalement, la date de paiement est celle du versement du dividende à l’actionnaire.

Laurent Boukobza souligne que «seules les dates cum-dividend, ex-dividende et record date ont un laps de temps précis et prédéterminé». La date avec dividende étant forcément la journée précédant la journée ex-dividende, et la date de clôture des registres étant celle qui suit de deux jours la date ex-dividende. Il se pourrait donc, par exemple, que la date de paiement du dividende survienne rapidement après la record date ou, au contraire, plusieurs jours plus tard. Cependant, il est à remarquer que les manufacturiers de FNB ont tendance à se conformer à des règles établies par la tradition. Par exemple, le dividende est généralement versé cinq jours après la date ex-dividende (dividende détaché).

La distribution influence le prix du FNB…

Pour quelle raison, à la date ex-dividende, le cours d’un FNB baissera-t-il d’un montant à peu près égal à celui du dividende attendu ? Tout simplement parce qu’une action d’un FNB est plus précieuse si elle est accompagnée de la promesse de toucher un dividende et que, par conséquent, elle vaudra moins si elle n’est pas accompagnée de cette promesse.

En résumé, soit on paie moins pour les FNB et on perd le dividende, soit on paie davantage et on reçoit cette distribution. En théorie, il n’y a aucun avantage ou inconvénient dans les deux cas, car la baisse du prix de l’action sans dividende achetée à la date ex-dividende sera grosso modo équivalente au montant du dividende perdu.

Supposons qu’un client détienne 1 000 actions d’un FNB d’actions canadiennes qui annonce un dividende de 0,10 $ par action avec une record date le vendredi 27 mars 2020. La date ex-dividende est le mercredi 25 : le client devrait donc s’attendre à ce que le prix du FNB baisse d’environ 0,10 $ à cette date.

Supposons maintenant que le prix des unités du FNB se soit apprécié depuis son acquisition et soit ainsi porteur d’un gain en capital latent de 400 $, le mardi 24 mars. Si le client liquide sa position ce jour-là (juste avant la date ex-dividende), il réalisera un gain en capital de 400 $. Toutefois, s’il vend ses unités le lendemain, à la date ex-dividende, leur cours devrait baisser de 0,10 $, de sorte que son gain en capital réalisé ne sera que de 300 $. En négociant à la date ex-dividende, il recevra un dividende de 100 $ et réalisera un gain en capital de 300 $. En négociant la veille, il ne réalisera qu’un gain en capital de 400 $.

Un client devrait être indifférent à ce choix si ses titres sont détenus dans un compte enregistré. En effet, dans un REER ou un compte d’épargne libre d’impôt (CELI), les revenus ne sont pas imposés tant que des retraits ne sont pas effectués. Même lors des retraits éventuels, cela ne pose pas de problème, car le revenu est imposé de la même manière, qu’il soit composé de dividendes ou de gains en capital.

…et sa fiscalité

Ce n’est pas le cas, toutefois, pour un compte non enregistré. Dans ce cas, les dividendes et les gains en capital sont imposés à des taux différents. Les dividendes sont généralement plus avantageux pour les investisseurs à revenu moindre, tandis que les investisseurs ayant des revenus élevés favoriseront les gains en capital. Cela peut être particulièrement pertinent lors des transactions réalisées à la fin de décembre. Un conseiller pourrait recommander à un client qui a gagné peu, parce qu’il a pris une année sabbatique ou a été en congé de maladie, de vendre à la date ex-dividende plutôt que quelques jours avant.

Le conseiller doit aussi comprendre l’effet inverse, soit lorsque son client envisage plutôt d’acheter un FNB. Si un client achète des parts d’un FNB dans un compte non enregistré à la date cum dividend, il payera plus cher, car il recevra un dividende en espèces imposable presque immédiatement (généralement six jours plus tard). S’il patiente un jour, le prix devrait être plus bas d’où un gain en capital supérieur à la revente et il ne touchera pas le dividende.

Le conseiller qui reçoit un ordre de vendre ou d’acheter des actions d’un FNB peu avant ou après la date prévue d’une annonce de dividendes devrait être au courant de ces subtilités.

L’aspect financier prime

Laurent Boukobza tempère cependant ces inquiétudes : «La fiscalité peut jouer un rôle, mais l’impact est généralement assez minime, et cela arrive dans le cas précis où un investisseur veut se départir d’une position au même moment qu’une distribution du FNB.»

Cet avis est partagé par Guy Lalonde, conseiller en placement à Financière Banque Nationale : «Ce n’est pas une préoccupation majeure. Notre principale préoccupation est plutôt la gestion de portefeuille. La fiscalité est importante, mais c’est la décision de placement qui l’emporte.»

Guy Lalonde reconnaît toutefois que, parfois, certains clients peuvent s’attarder à cette préoccupation : «Il s’agit cependant de cas de stand alone où un investisseur portera une attention particulière à savoir si la distribution sera un gain en capital ou un dividende.»

Laurent Boukobza apporte pour sa part un point additionnel : «Les marchés évoluent rapidement dans le monde réel, et en attendant un jour ou deux pour effectuer un achat, les fluctuations normales du marché peuvent facilement jouer contre vous. Par exemple, vous pourriez vous attendre à ce que le prix d’un FNB baisse de 0,50 $ à sa date de détachement du dividende, car il s’agit du montant de la distribution. Toutefois, les marchés peuvent entraîner une augmentation ou une baisse des actions beaucoup plus importante que cela.»

Par exemple, un FNB qui investit dans les actions de sociétés chinoises pourrait facilement varier en une ou deux journées de façon importante à la suite d’une aggravation ou, au contraire, de la résolution de la guerre commerciale qui sévit entre ce pays et les États-Unis ou de la situation du coronavirus : ce qui viendrait annihiler l’avantage fiscal recherché.

Selon Laurent Boukobza, d’autres facteurs doivent être pris en compte avant de se lancer dans une telle stratégie : «Pensons aux coûts de transaction engendrés ainsi qu’à la complexité fiscale du suivi des positions dans le cas d’un investisseur qui penserait à négocier de manière systématique en fonction des versements de distributions. Ces coûts auront sûrement un effet non négligeable».

Cette préoccupation quant à la date ex-dividende risque donc d’être secondaire dans la plupart des cas. Or, il est quand même préférable d’anticiper le taux et la nature des distributions qu’un FNB est susceptible de générer en fonction de ses actifs sous-jacents et d’intégrer ce facteur à la prise de décision initiale quand on choisit un FNB, note Laurent Boukobza. Il rappelle que Placements Mackenzie, dans la construction de ses FNB, tente d’optimiser les distributions courantes d’un FNB de manière à minimiser les distributions spéciales et leur impact sur les clients.

Un conseiller averti devrait donc connaître les effets des distributions de FNB sur les clients afin de répondre aux questions de ces derniers et de bien réagir dans certains cas d’exception.