Un homme d'affaire dessiné il a l'air inquiet. Une bulle de BD au dessus de sa tête où il y a un gribouillage.
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Ces craintes sont-elles justifiées ? L’industrie devrait-elle revoir la mise en marché de ces produits ?

Après la diffusion de La facture sur les ondes de Radio-Canada le 15 janvier dernier, les lignes téléphoniques de certains conseillers n’ont pas dérougi.

« Beaucoup de clients ont appelé leurs courtiers afin qu’on leur explique leurs contrats », signale Lyne Lapointe, vice-présidente exécutive d’AFL Groupe Financier. « Nos conseillers ont reçu de nombreux appels. Ils ont dû expliquer et réexpliquer les contrats », indique Louis Thibault, vice-président assurances chez MICA Cabinets de services financiers.

L’émission La facture présentait deux cas d’individus qui avaient souscrit une assurance maladies graves (AMG).

À la suite d’un diagnostic de cancer, une cliente avait subi l’ablation d’un rein. Elle n’avait pas touché la prestation d’AMG à laquelle elle s’attendait. La demande de réclamation d’un autre consommateur (un courtier d’assurance de personnes !) avait également été refusée en dépit d’une crise cardiaque et d’une opération à coeur ouvert. Les assureurs avaient déterminé que la vie de ces clients n’avait pas été mise en danger, d’après le reportage.

Ces cas soulèvent les problèmes du versement conditionnel de prestations en AMG et de la lisibilité des contrats.

D’après le consultant Robert Landry, les questionnements relatifs au versement de prestations en AMG ont le don d’éveiller l’intérêt des conseillers. « C’est très émotif ! Aucun conseiller ne veut vendre un produit qui ne dédommagera pas ses clients ayant un cancer ou une autre maladie grave », dit l’ancien vice-président exécutif d’AXA Canada.

De 14 % à 22 % des demandes refusées 

D’après Karina Filkorn, directrice au développement des affaires en prestations du vivant chez Groupe Financier Horizons, le pourcentage de demandes de règlements payées varierait entre 78 % et 86 % selon les assureurs.

Pourquoi ces variations ? Il est impossible d’y répondre étant donné que les assureurs ne divulguent pas les statistiques portant sur les motifs de leurs refus.

Les seules données disponibles portent sur le pourcentage de demandes de règlements payées. À cet égard, Manuvie revendique un taux de 86 %. D’autres assureurs n’indiquent que les sommes d’argent globalement versées au titre de réclamations payées.

Selon les experts interviewés par Finance et Investissement, une raison éclairerait en partie ces 14 % à 22 % de demandes de réclamations refusées : l’AMG serait parfois très mal comprise. Plusieurs clients pensent qu’ils recevront une prestation dès qu’ils auront un diagnostic de cancer ou un problème cardiaque. Or, cela est faux si leur vie n’est pas en danger.

« L’assurance maladies graves n’est pas une assurance maladie ou une assurance santé », rappelle Louis Thibault.

Les experts de l’industrie affirment que les assureurs paient sans hésiter ce qui est prévu aux contrats. Par exemple, Lyne Lapointe dit « témoigner que dans les cas qui se justifient, les assureurs versent toujours des prestations d’assurance maladies graves ».

David Benamron, directeur exécutif des ventes, marchés avancés, chez Financière MSA, dit avoir « rarement vu des refus de réclamations laissant planer le doute ».

La perception erronée de ce que recouvre l’AMG serait-elle le fruit d’une mise en marché déficiente ?

Le reportage de Radio-Canada relevait que des publicités d’AMG mettent en avant des statistiques très générales sur des probabilités de cancer, de type « près d’une personne sur deux aura un cancer au cours de sa vie ».

Ce genre d’affirmation publicitaire laisse trop de place à l’imagination, convient Robert Landry. « On sous-entend qu’on va indemniser une personne sur deux qui souscrirait une assurance maladies graves, alors que c’est faux », dit-il.

Conseils aux conseillers

Comment les conseillers devraient-ils agir avec des clients qui souhaitent souscrire une AMG ?

Selon Caroline Thibeault, directrice générale et associée au Groupe SFGT, les conseillers devraient toujours leur lire, de vive voix, les principales clauses du contrat. « Ce qui doit ressortir, c’est que le contrat ne versera des prestations que si la vie du client est menacée. Les clients doivent comprendre qu’une maladie grave qui ne mettrait pas la vie en danger ne sera pas couverte par ce genre de produit », dit-elle.

Karina Filkorn ajoute que les clients pourraient vouloir en savoir davantage sur certains contrats d’AMG qui proposent des prestations partielles. « Certaines maladies peuvent donner lieu au versement de prestations partielles. Ces prestations sont moins élevées, mais tout de même utiles », souligne la directrice du Groupe Financier Horizons.

D’autres experts jugent que l’industrie devrait faciliter la compréhension de la terminologie des contrats d’AMG. De grands pas ont été faits avec l’adoption, par la majorité des assureurs, des définitions dites de référence en maladies graves. Toutefois, une minorité d’assureurs s’accrochent encore à leurs propres définitions des maladies graves. Il revient alors aux conseillers de s’y retrouver.

Il y a plus, car même ces définitions dites de référence n’ont rien de simple.

« Il faudrait simplifier la présentation du produit de façon à ce qu’il soit intuitivement compris par les consommateurs. Selon moi, c’est l’un des grands défis que les assureurs auront à relever au 21e siècle », dit François Blanchet, vice-président au développement des affaires chez Aurrea Signature.

Mais est-ce seulement possible ? 

« La terminologie est opaque aux yeux des consommateurs et des conseillers, car elle vise à préciser très exactement les maladies graves qui vont déclencher le remboursement de réclamations. Si on simplifiait la formulation de ces contrats, on risquerait alors d’être tellement vague que les primes augmenteraient de façon démesurée », explique Robert Landry.

Chose certaine, la grande refonte des contrats d’AMG n’est pas pour demain. D’ici là, les conseillers doivent relever le défi quotidien de leur interprétation.

« Il est peut-être temps de proposer à nos conseillers de nouvelles formations sur ce que couvre l’assurance maladies graves », dit David Benamron.

En cas de refus de demandes de prestations, Louis Thibault, de MICA, suggère aux conseillers de demander aux médecins d’expliquer aux clients les décisions des assureurs. « Le médecin est celui qui peut le mieux décoder la terminologie entourant un refus.

C’est cette personne, le médecin, qui pourra le mieux calmer le jeu », dit-il.

François Blanchet ajoute une importante mise en garde. « À l’ère des achats de blocs, il faut les segmenter afin de déterminer les contrats d’assurance maladies graves qui ne sont plus proposés sur le marché. Étant donné que leurs définitions étaient différentes des définitions actuelles, ces contrats pourraient éventuellement poser problème », prévient-il.