Photo portrait de Nathalie Bachand.
Photo : Louis-Charles Dumais

Nathalie Bachand exerce en planification financière depuis 25 ans et préside le conseil d’administration (CA) d’ÉducÉpargne. Elle vient d’être honorée par l’Institut québécois de planification financière (IQPF), qui lui a décerné le titre de Fellow à l’occasion de son congrès annuel, en septembre dernier.

Cette reconnaissance vise à souligner l’apport exceptionnel de personnes qui ont fait rayonner la profession et dont la contribution doit être mise en lumière de façon exemplaire, selon l’IQPF. Nathalie Bachand « a participé au développement de la pratique, tout au long de sa carrière », souligne l’organisation, dont elle a notamment été présidente du CA de 2014 à 2016.

« C’est un très grand honneur lorsque tes pairs te disent bravo », lance Nathalie Bachand, actuaire, planificatrice financière et cofondatrice de Bachand Lafleur, groupe conseil.

Selon elle, sa présence à son premier congrès de l’IQPF, en 1997, constitue un moment clé de son parcours: « J’ai reçu mon diplôme lors de ce congrès et j’y enseignais. C’est là que tout a commencé. »

À partir de ce moment, elle a multiplié les engagements auprès de l’IQPF. Au fil des années, elle a été formatrice, mentor, et membre de différents comités. « J’ai fait tout ce qu’on peut imaginer pour l’IQPF », dit-elle en souriant. à l’affiche Elle reste particulièrement fière de sa participation à la création des Normes d’hypothèses de projection, en 2008.

Publiées chaque année par l’IQPF et FP Canada, ces Normes présentent des données à utiliser lors de la conception de plans financiers, telles que les rendements espérés des catégories d’actifs ou la durée raisonnable de décaissement selon différents âges. Elles « se veulent un guide et sont tout indiquées pour préparer des projections financières à long terme, soit plus de 10 ans, en évacuant les possibles biais cognitifs du conseiller », précise Martin Dupras, président de ConFor financiers.

Martin Dupras est l’un des créateurs de cet outil, en compagnie de Nathalie Bachand et de Daniel Laverdière, directeur principal, Centre d’expertise, Banque Nationale Gestion privée 1859.

Ce dernier, qui ne tarit pas d’éloges pour Nathalie Bachand, raconte qu’ils se sont connus à la fin des années 1990 alors qu’ils étaient jumelés pour une animation lors d’un congrès de l’IQPF. « Ce fut un wow instantané et on a créé un lien privilégié qui n’a jamais cessé de croître. Avec le temps, on s’est mis à partager notre inquiétude sur le manque d’uniformisation des hypothèses de projection », relate-t-il.

« En actuariat, l’Institut canadien des actuaires recommande des normes dont la loi oblige l’utilisation, ce qui n’est pas le cas en planification financière. Nous nous sommes alors demandé comment offrir de telles indications pour aider les planificateurs financiers, et c’est parti de là », explique Nathalie Bachand.

Parcours d’une femme de chiffres

Nathalie Bachand exerce dans le domaine de la consultation en régimes de retraite et de la planification financière depuis 25 ans. « Je suis fille unique, issue d’une famille modeste, avec des parents qui n’ont pas fréquenté l’université, raconte la native de Montréal. J’étais toutefois bonne en mathématiques, alors j’ai fait un baccalauréat en mathématiques, option actuariat, à l’Université de Montréal. »

Elle a commencé sa carrière en 1989 auprès d’une firme de consultants en avantages sociaux, rachetée par Aon. Elle y a rencontré Denis Boucher, qui est ensuite devenu son patron. Président du CA de l’IQPF pour le terme de 1999 à 2000, il l’a incitée à regarder du côté de la planification financière.

Intéressée par le domaine, Nathalie Bachand devient Pl. Fin. « Par la suite, avec Denis, nous avons développé un petit volet planification financière chez Aon, bien que ce n’était pas leur core business. »

Nathalie Bachand quitte Aon en 1999 pour rejoindre la Financière des professionnelles, où elle occupera le poste de directrice de la planification financière. Elle lance sa pratique privée en 2002.

« Ma première année en affaires, les gens autour de moi devaient se dire: “Tu ne pourras jamais gagner ta vie juste à faire de la planification financière”. »Elle confirme avoir effectivement facturé environ 1 500 $cette année-là, tirant plutôt ses revenus des formations qu’elle donnait.

À cette époque, il était difficile de facturer pour un service jugé intangible. « Le client paye pour se faire rassurer, pour se faire dire si ses objectifs sont réalisables, et pour avoir une idée de la manière d’y arriver. Ce n’est pas comme d’acheter une voiture. Ça reste un peu flou. Il y a 20 ans, ça ne se vendait pas tellement », relate-t-elle.

Or, les choses ont changé. Les gens sont plus conscients, informés et sensibilités, juge-t-elle: « Tout ce qu’on a fait dans les 20 dernières années [à l’IQPF] a fini par rejoindre une certaine proportion de la population, qui est prête à payer pour avoir un deuxième avis », analyse Nathalie Bachand.

Aujourd’hui, elle traite plus de 100 dossiers par an, « ce qui est énorme, précise-t-elle. Je ne fais aucune publicité. Je suis peut-être victime de mon succès, mais il y a constamment une demande ».

L’épreuve des pl. fin.

Certes, la montée en puissance des outils et logiciels de planification financière a bien évolué depuis 25 ans et continuera à le faire, selon elle. Pourtant, la technologie devrait davantage révolutionner l’avenir de l’investissement que celui de la planification financière.

« Les conseillers en placement devront faire preuve d’ingéniosité. L’intelligence artificielle, par exemple, va prendre davantage d’espace. Des gens, qui se tourneront alors vers des robots-conseillers, vont juger avoir moins besoin d’un conseiller. »

Ce sera différent en planification financière, croit-elle: « Je vois mal le client se faire conseiller, rassurer, aider et tenir par la main par l’ordinateur. »

La pandémie a d’ailleurs exposé « les limites de se voir en petit carré sur l’ordinateur. On a besoin de la chaleur humaine et, pour cette raison, on va toujours avoir besoin du côté humain du conseil », dit-elle.

Le défi des Pl. Fin restera leur capacité à amener leurs clients à mettre en application le plan qui leur est fourni. « C’est psychologique, souligne-t-elle. On y travaille beaucoup, notamment en matière de finance comportementale. C’est sans doute cet aspect de la pratique qui va s’améliorer dans les prochaines années. »

Elle espère également que les planificateurs financiers deviendront une profession à part entière, afin que l’acte de planification financière soit encadré et, ainsi, que l’on confère des pouvoirs disciplinaires à l’IQPF. Comme présidente du CA de l’IQPF, elle a travaillé en ce sens, mais n’a pu obtenir les appuis nécessaires à Québec. Actuellement, c’est la Chambre de la sécurité financière qui veille à la formation continue obligatoire, à la déontologie et à la discipline des planificateurs financiers.

Clientèle variée

Une fois à son compte, Nathalie Bachand a d’abord travaillé seule, puis avec une associée, Guylaine Lafleur, à compter de 2009. Le planificateur financier Denis Preston a aussi été associé à elles pendant une courte période.

Bien qu’associées, Nathalie Bachand et Guylaine Lafleur ont une pratique distincte. Cette dernière étant à la fois notaire et Pl. Fin., ses mandats sont davantage à caractère juridique, tandis que ceux de Nathalie Bachand concernent plus directement la planification financière.

Sa clientèle est d’ailleurs variée, dit-elle, et se compose autant de salariés que d’entrepreneurs. « Il s’agit de personnes qui se questionnent sur leurs besoins futurs, sur leur succession, ou qui vendent leur entreprise et se demandent quoi faire avec leur argent », illustre Nathalie Bachand.

Celle-ci précise n’avoir jamais possédé de permis de distribution de produits. Lorsque des clients ont besoin d’aide en matière de placements, elle les dirige vers des gens de confiance.

Bachand Lafleur, groupe conseil compte aujourd’hui deux associées et trois employés. Pourtant, lorsque Nathalie Bachand a lancé sa pratique privée, son intention n’était pas d’avoir « une grosse business » ni d’employés. Elle avait trois jeunes enfants, et un conjoint qui est aussi un professionnel.

« Mon objectif était de réduire ma charge de travail et de me consacrer un peu plus à ma famille. Finalement, je n’ai jamais tellement arrêté de travailler », dit-elle.

Son engagement au sein de l’IQPF l’a même amenée à en accepter de nouveaux, dont la présidence du CA de Question Retraite (devenue ÉducÉpargne) depuis 2016.

Organisme consacré à améliorer la littératie financière des Québécois, ÉducÉpargne a vu sa mission évoluer depuis l’implication de Nathalie Bachand. « L’organisme était au départ une petite patte de Retraite Québec, mais le modèle s’était essoufflé au bout de 15 ans, alors on a fait évoluer la structure », précise-t-elle.

Sa mission demeure semblable, soit de sensibiliser le public à l’épargne, particulièrement en vue de la retraite. Or, elle a été élargie pour englober la santé financière. « Le décaissement, c’est un gros enjeu, mais les jeunes aussi. Il faut les sensibiliser, leur dire de se prendre en main, [de] planifier », illustre-t-elle.

Selon Nathalie Bachand, l’éducation financière s’est démocratisée au cours des dernières années, mais tout n’est pas parfait. « L’Internet, c’est le fun, mais on y trouve tout et son contraire. Il est alors parfois difficile pour monsieur et madame Tout-le-monde de retrouver la bonne information et de lire correctement les choses. »

Les banques et les institutions financières ont des buts semblables, car cela répond à leur modèle d’affaires respectif, note-t-elle. Par contre, ultimement, ÉducÉpargne viserait à fédérer ces efforts, afin d’être un porte-parole capable de mettre de l’avant les bons coups de chacun et d’arrêter les duplications, explique-t-elle.

Nathalie Bachand est passionnée par les nouveaux projets et « malheureusement incapable de dire non », déclare-t-elle en souriant. Sa plus récente implication l’amène à siéger à un comité de l’Institut canadien des actuaires qui étudie les raisons pouvant expliquer pourquoi les gens ne reportent pas le moment où ils commencent à recevoir leurs rentes des régimes publics.

« Ce qui m’habite beaucoup depuis plusieurs années, ce sont toutes les stratégies de décaissement, l’espérance de vie qui grandit, le risque que les gens ont de survivre à leur épargne, et il est important de trouver des solutions simples pour eux », mentionne Nathalie Bachand.

D’après elle, le décaissement peut s’avérer facile fiscalement et financièrement, mais complexe sur le plan humain. « Tu as toujours accumulé, et là tu vas voir descendre ton pécule. » Parmi les solutions à cet enjeu, il y a le report des rentes des régimes gouvernementaux.

Bien que Nathalie Bachand ait construit sa pratique autour du thème de la retraite, elle avoue ne pas avoir encore de plan à cet égard. La nature de sa pratique rend la chose difficile, selon elle.

« Le problème avec l’entreprise de service, c’est que c’est moi que les gens viennent voir pour mon expertise. Avec ma formation en planification financière, celle d’actuaire, et mon expérience dans les régimes de retraite, cela fait que tout ce qui concerne les programmes de retraite devient facile à interpréter et à comprendre, alors que c’est un domaine tellement complexe », dit-elle.

Avec une expertise aussi pointue, cela complique la possibilité de trouver un candidat pour prendre la relève. « Ça ne sera pas mes enfants, car ils ont tous étudié dans des domaines qui n’ont aucun lien avec la finance », confie-t-elle, amusée.