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Si l’utilisation de frais d’acquisition reportés (FAR) était interdite, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) feraient des victimes collatérales dans un segment vulnérable de la population, soit les personnes handicapées et, spécifiquement, les plus pauvres d’entre elles, soutient le cabinet Finandicap.

Les FAR sont nécessaires pour servir les personnes handicapées admissibles aux régimes enregistrés d’épargne-invalidité (REEI), selon cette firme de courtage qui se spécialise dans les REEI.

« Les comptes REEI n’attirent, par leur nature, que de très faibles niveaux d’épargne et demandent un travail généralement plus important que l’ouverture et le maintien de comptes plus standards (REER, CELI, etc.). Le financement de ce travail par les frais d’acquisition reportés a été nécessaire au démarrage et au développement de notre modèle d’affaires novateur. Sans ce financement sur ces petits comptes, Finandicap n’existerait pas », lit-on dans le mémoire de ce cabinet déposé lors de la consultation des ACVM. « Tous nos clients ont été éduqués sur le fonctionnement des FAR et tous y trouvent une logique à la base d’une relation gagnant-gagnant », soutient le cabinet.

La faible rentabilité des comptes REEI explique d’ailleurs pourquoi l’industrie financière fait peu d’effort pour les promouvoir, ce qui à son tour explique en partie leur adoption restreinte au Canada et au Québec, d’après Finandicap : « On le voit par [le] niveau de service minimal [offert par l’industrie financière], voire de mauvaise qualité, par ses efforts de promotion anémiques. »

Le pire est que les solutions que proposent les ACVM afin d’atténuer les effets de l’abolition des FAR sont inapplicables aux REEI, aux dires des fournisseurs de tels régimes enregistrés, souligne Guillaume Parent, président de Finandicap et lui-même atteint de paralysie cérébrale.

« Selon BMO, on ne peut pas facturer d’honoraires dans le compte REEI à cause des règles de remboursement des subventions. On ne peut pas déduire de frais d’acquisition sur des dépôts qui proviennent de subventions gouvernementales. Il n’y a pas de solution de rechange. Aujourd’hui encore, aucune institution n’offre des REEI via des produits d’assurance ou de rentes », apprend-on dans le mémoire de Finandicap.

« Devant ce cul-de-sac, au cours des cinq à sept prochaines années, les représentants qui concentrent leur travail sur des comptes de 30 000$ et moins, qui représentent encore la majorité de nos clients, seront rémunérés entre 4 $ et 9 $ de l’heure une fois leurs frais d’exploitation payés. Pour ce prix, n’oublions pas qu’ils devront engager leur responsabilité professionnelle », peut-on y lire.

D’ailleurs, depuis que les ACVM brandissent le spectre d’abolir les commissions intégrées, plus de la moitié des représentants qui faisaient affaire avec Finandicap ont réorienté leur carrière, car ces « incertitudes menacent la viabilité de notre modèle d’affaires ».

« Nous avons pris la décision d’affaires de ne plus faire de promotion et de fixer un montant minimum d’investissement pour ouvrir un compte via notre intermédiaire », lit-on dans le mémoire. Rien pour aider à servir les personnes handicapées admissibles au REEI.

Solutions proposées 

Pour éviter ces problèmes, Finandicap suggère aux ACVM de laisser telle quelle la structure de FAR pour les comptes REEI ou de permettre au conseiller de rembourser les FAR qu’il touche, un peu comme avec les séries en rétrofacturation offertes pour certains fonds distincts.

Placements Mackenzie demande aussi que les FAR continuent d’exister pour les REEI en raison de la nature même de ces régimes.

Les FAR conviennent aux REEI, d’après la firme, « en particulier dans les étapes initiales d’un tel compte, car les retraits entraîneront le remboursement au gouvernement de tout ou partie des subventions qui sont dans le compte REEI depuis moins de 10 ans ».

« Ces pénalités réduisent de manière significative le risque qu’un investisseur ne fasse un retrait du compte REEI dans un délai allant au-delà du calendrier de rachat type prévu à l’option des FAR, lit-on dans le mémoire du manufacturier de fonds. L’utilisation de l’option des FAR dans un compte REEI permet aux fonds de l’investisseur d’être pleinement investis dès le premier jour, sans subir de frais au moment de l’acquisition. Puisque les subventions sont basées sur les contributions au compte, ceci à son tour peut maximiser les subventions pouvant être fournies à l’invest isseur. » « En l’absence de l’option des FAR, nous craignons que les coûts de maintenance de ces types de comptes puissent augmenter, ce qui affectera directement les investisseurs qui utilisent les REEI », écrit également Mackenzie.