Deux hommes d'affaires qui se serrent la main dans un immeuble.
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Les vents contraires qui soufflent sur les manufacturiers de fonds communs et les gestionnaires d’actifs canadiens devraient favoriser les fusions et acquisitions dans le secteur, selon certains analystes financiers.

«Après une reprise des fusions et acquisitions en 2018, l’activité des fusions et acquisitions semble se poursuivre», écrivent des analystes de RBC Marchés des Capitaux dans une note publiée en juillet.

«Pour les plus grands gestionnaires, en particulier ceux qui n’appartiennent pas à une banque, il sera difficile de continuer de faire croître les actifs à un taux annuel de 5 % à 10 % uniquement grâce à de nouvelles ventes nettes, et beaucoup seront attentifs aux occasions de réaliser des acquisitions», souligne pour sa part Strategic Insight dans une analyse récente, publiée en juin.

La consolidation est un moyen pour les manufacturiers de fonds de relever les grands défis auxquels ils doivent faire face, notamment le déclin des ventes nettes.

De janvier à la fin de septembre 2019, les ventes nettes de fonds communs ont diminué de 24,5 % au pays par rapport à la période correspondante de 2018, pour se chiffrer à 10,5 G$, selon l’Institut des fonds d’investissement du Canada. En fait, les rachats nets de fonds ont représenté 1,6 % de l’actif sous gestion de l’industrie d’avril 2018 à avril 2019, soulignent les analystes de RBC.

Ce mouvement de consolidation s’explique aussi par l’importance grandissante des économies d’échelle afin de préserver les marges d’exploitation, selon Strategic Insight et RBC. Ces économies d’échelle sont l’une des principales solutions pour éponger la hausse des coûts liée à la nouvelle réglementation et pour lutter contre la pression à la baisse sur les frais de gestion, qui sont à la base des revenus des gestionnaires d’actifs.

Cette pression est très forte : aux États-Unis, les frais de gestion des fonds communs d’actions et équilibrés ont diminué en moyenne de quatre points de base en 2018, selon l’Investment Company Institute. Cette baisse est due en grande partie au déplacement de l’actif vers des fonds prélevant des frais moindres.

L’ajout d’activités d’investissement complémentaires et le renforcement du réseau de distribution sont d’autres facteurs qui soutiennent le mouvement de consolidation. Les analystes de RBC rappellent que les manufacturiers indépendants affrontent une concurrence accrue des banques, qui comptent sur de «formidables réseaux de distribution» qui les placent «en bonne position pour remporter la bataille des ventes nettes avec leurs fonds à bas frais».

Un autre facteur pourrait expliquer la vague de consolidation chez les gestionnaires d’actifs : les barrières à l’entrée et les barrières au succès, comme les appelle Strategic Insight. Lorsqu’un nouvel arrivant dans le marché échoue à surpasser ces barrières, il risque de devenir la cible d’une acquisition.

Parmi les barrières au succès, la firme de recherche note entre autres la difficulté pour un gestionnaire de fonds de se hisser dans la liste de produits approuvés par un courtier ; le désir des conseillers de restreindre le nombre de manufacturiers de fonds qu’ils recommandent à leurs clients ; et la difficulté d’attirer et de retenir le talent tant sur le plan de la gestion de portefeuille que du côté de la distribution.

Parmi les barrières à l’entrée, Strategic Insight cite la position dominante d’un petit groupe d’acteurs, la capacité des nouveaux acteurs d’établir une tarification suffisamment élevée pour atteindre le seuil de rentabilité dans un délai raisonnable, et les coûts de conformité qui tendent à croître avec le temps.

Tendance mondiale

Le mouvement de consolidation prévu sur le marché canadien s’inscrit dans une tendance mondiale. Selon la banque d’investissement américaine Sandler O’Neill and Partners, le nombre de fusions et acquisitions chez les gestionnaires d’actifs, qui s’établissait entre 135 et 149 dans le monde de 2012 à 2016, a grimpé à 210 en 2017, puis à 253 en 2018. En 2017 et en 2018, les gestionnaires d’actifs canadiens ont été impliqués dans 6 % de ces transactions, un niveau record depuis 10 ans.

«Le rythme des acquisitions ne devrait pas ralentir, à moins que des ratios cours-bénéfices trop élevés sur les gestionnaires d’actifs se conjuguent à des coûts de capital accrus pour rendre les acquisitions peu attrayantes», lit-on dans l’analyse de Strategic Insight.

D’après les analystes de RBC, des firmes telles qu’AGF et IGM sont peu endettées et sont en bonne position pour réaliser une acquisition si l’occasion se présente. Actuellement, «les investisseurs continuent de remettre en question l’évolution des flux de fonds et des bénéfices à long terme» de ces firmes, de sorte que leurs ratios d’évaluation restent bas par rapport à leur moyenne historique, selon un rapport récent de Marchés mondiaux CIBC.

Pour sa part, Fiera Capital a réalisé trois acquisitions l’été dernier qui ont enrichi son actif sous gestion de 15 G$, alors que la Financière CI a annoncé en novembre l’achat de WisdomTree Canada. Du coup, CI met la main sur 14 fonds négociés en Bourse (FNB), et ajoute 958 M$ à son actif sous gestion dans le secteur des FNB, pour le porter à 8,9 G$.

C’est dire que dans le secteur des FNB aussi, les acquisitions apparaissent comme une voie rapide pour accroître ses parts de marché et consolider sa position. D’autant plus que, en règle générale, les manufacturiers de fonds communs obtiennent des résultats discutables dans leur tentative de percer le marché des FNB. Par exemple, de janvier à octobre 2019, les ventes nettes d’IA Clarington n’ont atteint que 45 M$, tandis que Manuvie a essuyé des rachats nets de 5 M$, selon un rapport de la Banque Nationale Marchés financiers. Le colosse Fidelity Investments, qui gère pour 106 G$ de fonds communs au pays, n’avait un actif sous gestion que de 867 M$ dans ses FNB en octobre.