Un sac de pièces et un tas de pièces derrière une flèche qui pointe vers le bas.
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Ces programmes peuvent être de précieux outils pour recruter une clientèle très convoitée, mais ils peuvent aussi devenir une solution de facilité susceptible de réduire le rendement d’un portefeuille.

Les clients plus fortunés constituaient un créneau de 2,5 millions de clients potentiels au Canada en 2016, selon Strategic Insight, comme le rapporte James Gauthier, chef de la recherche sur les fonds chez iA Valeurs mobilières, dans une récente étude. En 2026, le nombre de ces clients – soit ceux dont l’actif financier s’établit entre 100 000 $ et 1 M$ – devrait atteindre 4,1 millions. Dans le segment encore plus convoité des actifs supérieurs à 1 M$, on comptait 790 000 clients potentiels en 2016, nombre susceptible de grimper à 1,5 million en 2026.

«La concurrence pour ces clients est sans pitié, juge James Gauthier. Les conseillers incapables de s’adapter aux réalités du contexte concurrentiel vont perdre des clients.»

Évidemment, tous les conseillers ne sont pas tenus de courir après les clients mieux nantis, reconnaît l’analyste. «Beaucoup de conseillers ont du succès en misant sur le nombre de clients et mènent leur pratique comme une usine», dit-il.

Toutefois, pour le conseiller qui vise le créneau des mieux nantis, «ne pas être informé des types de rabais de frais qu’offrent les manufacturiers de fonds peut lui faire perdre ces clients en un temps record», affirme James Gauthier.

«Recourir à une plateforme de frais préférentiels, ou à des fonds exigeant des seuils d’investissement plus élevés et offrant des frais plus avantageux, allège les charges des clients, procure potentiellement plus de flexibilité et augmente du coup la compétitivité d’un conseiller», explique-t-il.

Seuils d’entrée abaissés

Dans son étude intitulée «A Guide to Preferred Pricing Mutual Fund Programs», James Gauthier rend compte des programmes de tarifs préférentiels des 10 principaux manufacturiers de fonds au Canada.

Deux d’entre eux continuent d’exiger un actif minimal de 250 000 $ investi chez eux pour qu’un client se qualifie : Fonds Dynamique et Fidelity Investments. Les autres ont tous abaissé ce seuil à 100 000 $. «Ces seuils sont constamment abaissés. Il y a quatre ans, ils étaient encore tous à 250 000 $. On n’a pas atteint un seuil inférieur à 100 000 $, mais on pourrait y arriver», précise Léon Lemoine, fondateur de Gestion Ethik.

Un seul fournisseur, Capital Group, a appliqué des tarifs préférentiels à l’ensemble de ses fonds. Pour leur part, Placements Mackenzie et Franklin Templeton les appliquent à presque tous leurs fonds, note James Gauthier. D’autres réservent la tarification préférentielle à certaines familles de fonds. PIMCO fait bande à part en ne permettant à un client de bénéficier de tarifs préférentiels que dans un seul fonds par compte.

Par ailleurs, plusieurs programmes s’étendent maintenant à tous les membres d’une famille. «C’est un développement intéressant que j’observe depuis six mois», dit Léon Lemoine. Là encore, les seuils d’admissibilité varient. Chez Fidelity Investments, il faut que les investissements combinés d’une famille atteignent au moins 500 000 $. Chez Placements CI, ils peuvent ne totaliser que 100 000 $.

De bonnes économies

Évidemment, ce montant de 100 000 $ ne constitue qu’un seuil d’entrée, pour lequel les rabais sur les tarifs proposés sont en général de l’ordre de 3 ou 5 points de base (0,03 % ou 0,05 %). Les prochains seuils sont habituellement établis à 250 000 $, à 500 000 $ et à 1 M$, de sorte que les rabais sur les tarifs peuvent atteindre dans certains cas 40 points de base. Mackenzie se distingue en offrant un rabais de 30 points de base dès le seuil des 100 000 $ franchi.

Contrairement à ce qui prévalait il y a quelques années, dès que l’actif d’un client recruté par un conseiller le rend admissible à passer un seuil de tarification préférentielle, le manufacturier accorde celle-ci automatiquement. «Auparavant, le conseiller devait en faire la demande», rappelle Peter Tsakiris, président de Cabinet de services financiers Whitemont.

Selon lui, les tarifs préférentiels constituent un outil important de recrutement de nouveaux clients, surtout auprès des plus jeunes. «C’est un gros défaut de l’industrie, dit-il : on néglige le transfert du patrimoine à la prochaine génération. Pourtant, les plus jeunes sont nettement plus sensibles aux frais de gestion.»

«Pour une majorité de comptes, ces tarifs préférentiels représentent une économie de 10 à 20 points de base, ce qui vaut certainement la peine», précise Peter Tsakiris. Cependant, juge-t-il, un tel bénéfice n’est pas suffisant pour constituer un critère important de sélection d’un fonds pour un client. D’autres critères ont nettement priorité : le rendement du fonds, la qualité de la gestion, etc.

Un net avantage ressort pour les conseillers : «Ça les pousse vers la catégorie F des fonds, ajoute-t-il, où les tarifs sont plus intéressants. Ce n’est pas toujours le cas, mais c’est une tendance de l’industrie.» Rappelons que la catégorie F est réservée aux comptes à honoraires.

Mise en garde

Deux phénomènes contribuent à l’élargissement des critères de tarification préférentielle, selon Léon Lemoine : les nouvelles règles de divulgation des frais et la pression exercée par l’univers des fonds négociés en Bourse (FNB), dont les frais de gestion sont très bas. «Cette pression n’est pas à la veille de s’alléger», dit le conseiller.

Léon Lemoine fait une mise en garde à l’endroit des programmes de tarifs préférentiels : nombre de clients accordent trop d’attention aux frais de gestion, juge-t-il.

«Il peut être tentant pour un client de mettre toutes ses billes auprès d’une seule firme, avec une seule gamme de gestionnaires, souligne-t-il. Et soit par paresse ou par souci de rentabilité, de plus en plus de firmes ont choisi de délaisser la gestion active. Est-ce que la qualité de gestion et la performance vont demeurer au rendez-vous ? Je ne le pense pas. En même temps que les frais diminuent, la performance risque d’être moins élevée.»