Photo portrait de Richard Morin.
Crédit photo: Martin Laprise

Richard Morin, président-fondateur de Gestion de patrimoine Archer, le confesse : se lancer dans le secteur de la finance a davantage été circonstanciel qu’une véritable profession de foi.

Attiré essentiellement par l’économie, il s’est retrouvé à la Bourse de Montréal simplement en raison d’une petite annonce qui a retenu son attention. Avide de nouveaux défis, il s’est ensuite laissé porter par les événements et les propositions qu’on lui faisait.

De la Bourse de Montréal à celle de l’île Maurice en passant par Abidjan, Karachi, le secteur bancaire et finalement la gestion de portefeuille, près de 35 ans plus tard, Richard Morin ne regrette rien.

Natif de Val-d’Or, Richard Morin a quitté l’Abitibi-Témiscamingue vers l’âge de deux ans pour emménager dans la banlieue de Montréal, où il a étudié et mené la majeure partie de sa carrière. Après des études de baccalauréat en économie à l’Université de Montréal, il décroche un MBA de l’Université McGill en 1982.

«J’ai obtenu mon diplôme en économie pendant l’une des pires récessions de mémoire d’homme. Je me souviens que sur les 62 diplômés en économie, 59 n’ont jamais travaillé dans ce domaine», raconte celui qui n’a pas hésité, contrairement à d’autres membres de sa cohorte, à travailler dans ce secteur.

Tournant professionnel

Pendant ses études, Richard Morin remarque une petite annonce du centre de placement de son université pour un programme de formation à la Bourse de Montréal. Une découverte qu’il n’hésite pas à qualifier de moment charnière de sa vie. Pourtant, il n’est pas admis au programme. Loin de s’arrêter à cet échec, il décide de postuler pour un poste de stagiaire à cette même Bourse. Cette fois, sa candidature est acceptée.

«En 1987, soit cinq ans plus tard, j’avais trois services sous ma responsabilité, y compris celui de la formation, où j’avais été refusé», raconte-t-il avec amusement.

Cette expérience, qui était d’abord un simple défi, se transforme rapidement en véritable tournant professionnel. «La Bourse de Montréal a été une école exceptionnelle. Quand j’y suis entré, je me suis dit que j’allais y travailler quelques années pour apprendre les rouages avant de chercher une vraie job dans l’industrie comme analyste ou gestionnaire. Finalement, j’y suis resté plus de 10 ans», déclare-t-il.

Effectivement, après cinq ans, Richard Morin veut démissionner pour aller occuper un poste de directeur de succursale dans une grosse firme de Montréal. Bruno Riverin, président de la Bourse de Montréal à l’époque, parvient à le convaincre de rester dans l’organisation, puis lui donne un rôle fondamental dans l’établissement du marché à terme et du marché des options.

«Richard a dirigé le service des inscriptions à la Bourse de Montréal, pour ensuite devenir l’un des piliers de l’établissement d’un marché à terme sur les dérivés de taux d’intérêt à cette même Bourse. Trente ans plus tard, Montréal se distingue toujours dans le monde financier par cette spécialisation», témoigne Sylvain Perreault, chef de la conformité au Mouvement Desjardins et grand ami de Richard Morin.

Aucunement mis à contribution dans ce projet au départ, Richard Morin en prend les commandes en cours de route.

«Le 15 juin 1989, Bruno Riverin fait une annonce officielle promettant que, seulement trois mois plus tard, soit le 15 septembre, la Bourse de Montréal lancerait le contrat à terme sur obligations de 10 ans. Je n’étais pas impliqué dans ce projet, mais après cette annonce, je suis allé voir Bruno Riverin en lui affirmant qu’il s’agissait d’un beau projet, mais que l’organisation n’était pas structurée pour mettre en place ces opérations. Il m’a dit : « Petit gars, tu es en charge ! »« se rappelle-t-il.

Par la suite, Richard Morin reste encore quelques années à la Bourse de Montréal, pendant lesquelles il a la chance de rencontrer des gestionnaires de Bourses étrangères. Séduit par ce côté exotique, il se promet de s’expatrier si l’occasion se présente.

Attiré par les défis

Celle-ci survient alors qu’il est en vacances avec sa femme. Dans la section Emplois de The Economist, il apprend que l’île Maurice cherche un chef de la direction pour sa Bourse. Il n’hésite pas une seule seconde.

«C’était la deuxième fois que je faisais quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant. La première fois, c’était de lancer le marché à terme à Montréal, et là, le projet consistait à mettre sur pied un dépositaire central, une CDS [le dépositaire central au Canada]», dit Richard Morin, qui n’a pourtant pas reculé devant ce défi.

Mais même si le cadre de l’île Maurice lui plaît, il ne s’y attarde pas. «Il faut croire que Richard aime les aventures, car deux ans après [avoir emménagé à l’île Maurice], il accepte le poste de directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières de l’Afrique de l’Ouest, à Abidjan, en Côte d’Ivoire», raconte Sylvain Perreault, qui s’est empressé de rejoindre son ami lorsque celui-ci a sollicité son aide.

Puis, sa femme devient enceinte. En 1999, Richard Morin décide donc de rentrer à Montréal pour entamer une courte carrière de banquier auprès de la Banque Nationale. Arrivé en pleine bulle technologique, il a vu le nombre de transactions journalières passer de 1 000 à 8 000.

«C’était vraiment une période épique. Il fallait toujours parer à une urgence. On éteignait des feux tous les jours en technologie, au sein du personnel, dans les procédures, etc. Je suis resté de 1999 jusqu’à fin 2000, début 2001, car même si j’ai beaucoup d’estime pour la Banque Nationale, ce n’est pas dans mon ADN de travailler dans une banque canadienne», explique-t-il.

Un amour pour les FNB

Richard Morin quitte le milieu bancaire pour réaliser un rêve qu’il caresse depuis le milieu des années 1990 : fonder une firme de gestion de patrimoine qui ferait de la gestion de portefeuille en utilisant exclusivement des fonds négociés en Bourse (FNB). Il a acheté le premier FNB au monde : le Toronto 35 Index Participation Units (ou TIPs), inscrit à la Bourse de Toronto en 1990, et a été séduit par les possibilités que ce produit offrait.

Lorsqu’il rencontre Jean-Luc Landry, en 2002, créer conjointement une firme devient une évidence. Les deux hommes se complètent : Jean-Luc Landry a l’expérience en gestion de portefeuille que ne possède pas Richard Morin, est un excellent banquier, mais ignore alors comment gérer l’exploitation d’une firme, ce que Richard Morin sait faire.

«Ça a pris 15 minutes après notre rencontre pour qu’on décide de démarrer la firme. On était sur le coin de mon bureau pour en tracer les grandes lignes», se remémore le cofondateur de Landry Morin.

En 2003, ils mettent donc sur pied leur firme et restent associés pendant près de 10 ans. Si elle est une pionnière dans l’industrie des FNB et en utilise dans ses portefeuilles, pour Richard Morin, qui reste persuadé que l’avenir est dans la gestion passive, ce n’est pas assez.

Le divorce est prononcé en 2012 et Richard Morin quitte le navire pour intégrer l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM) en tant que directeur général. «Mais la fibre entrepreneuriale m’a rattrapé et, deux ans plus tard, au début de 2017, j’ai décidé de créer Gestion de patrimoine Archer», explique-t-il.

Miser sur des frais moindres

Archer utilise une approche indicielle pour structurer un portefeuille diversifié et person- nalisé pour les clients.

Richard Morin ne vise pas à développer sa firme en bâtissant son propre bloc d’affaires. Il compte plutôt attirer des conseillers qui arriveront à la même conclusion que lui, soit que «l’avenir, c’est la gestion discrétionnaire avec des FNB indiciels».

Son souhait se réalise en 2017 alors qu’il est approché par Christian Boucher, associé principal d’Inextenso, une firme de planification financière de Québec. À nouveau, c’est une bonne combinaison.

«J’avais une belle usine rutilante qui faisait de bons rendements, mais pas d’actifs à y investir ni de clientèle. Lui avait l’inverse : toute une clientèle, mais qui n’était pas dans le modèle d’affaires jugé optimal», explique-t-il.

Richard Morin est d’avis qu’Archer offre un modèle d’entreprise optimal du point de vue du rendement pour le client. Preuve en est que la firme fait un rendement annualisé de presque 1 point de pourcentage (1 %) de plus que la plupart des fonds communs au Canada, principalement grâce aux frais, qui sont moindres, affirme-t-il.

Sa structure de frais est de 0,75 % à 1 % moins chère que ce que paient les clients dans l’industrie. Ces économies de frais ne se font toutefois pas au détriment du conseiller : elles proviennent de la gestion de portefeuille et du marketing.

«On élimine tous les coûts inutiles. Le ratio de frais de gestion moyen dans notre portefeuille est d’environ 0,10 %. On facture plus cher que ça, mais quand le client vient chez Archer, il paie pour le conseil. Pour moi, c’est la seule chose qui ait de la valeur.»

Un saut au Pakistan

Malgré sa firme florissante, Richard Morin a cédé à un dernier «caprice» quand son téléphone a sonné à la fin de 2017 et qu’on lui a proposé un poste à la Bourse du Pakistan. «Quand on m’offre de gérer une Bourse à l’étranger, aussi irrationnel que cela puisse être, je ne peux pas refuser», avoue-t-il.

Avant de prendre sa décision, Richard Morin s’est toutefois tourné vers son ami Sylvain Perreault. «Richard a eu la gentillesse de me demander mon avis. Je lui ai dit que d’avoir travaillé pour les Bourses de Montréal, de l’île Maurice et de l’Afrique de l’Ouest, ça faisait un peu ordinaire, et qu’avec Karachi, il aurait enfin de bonnes histoires à raconter. Il n’en fallait pas plus !» plaisante le chef de la conformité de Desjardins.

Il a donc accepté le défi et est parti en Asie pour réformer cette Bourse. Malgré les tensions politiques et les désaccords avec certains courtiers locaux, Richard Morin est parvenu à remplir sa mission et revient fier de lui.

Maintenant, il se sent prêt à soutenir la croissance d’Archer. Quant aux missions à l’étranger, il promet de ne plus décrocher aussi rapidement son téléphone.