Crédit photo: Christian Blais

À la veille de terminer son premier plan stratégique 2017-2019 en tant que président-directeur général de SSQ Assurance, Jean-François Chalifoux peut être fier des résultats enregistrés par l’assureur qu’il dirige.

Le résultat net annuel de SSQ se chiffrait à 90,4 M$ en 2017, à 77,6 M$ en 2016 et à 53,4 M$ en 2012, ce qui représente une croissance de 16,5 % sur un an, de 67,4 % sur trois ans et de 69,3 % sur cinq ans. Le volume d’affaires en assurance est passé quant à lui de 1,81 G$ en 2012 à 2,46 G$ en 2017, ce qui représente une croissance de 4,9 % sur un an, de 17,9 % sur trois ans et de 35,9 % sur cinq ans.

Rappelons que Jean-François Chalifoux a mené, peu après son arrivée chez SSQ en septembre 2015, une réorganisation de la structure de l’entreprise visant notamment à augmenter les ventes croisées, à améliorer l’efficacité des opérations et à simplifier sa structure de gouvernance, en plus d’implanter un plan triennal.

«Cette restructuration nous a permis de dégager beaucoup de synergies opérationnelles et de réduire nos frais d’opération de façon significative, explique Jean-François Chalifoux. Par exemple, les primes brutes consolidées ont crû de 17,9 % en trois ans, alors que nos frais généraux ont augmenté de 6,8 %. Nous y serions difficilement arrivés dans l’ancien modèle.»

«La croissance des primes est supérieure à 5 % par année, alors que la croissance des frais est inférieure à 3 % par année, ajoute-t-il. Peu d’assureurs canadiens arrivent à avoir une croissance des frais qui est inférieure à la croissance des revenus. De plus, nous avions comme objectif de réaliser des économies annuelles récurrentes de 30 M$ sur toutes sortes de projets d’optimisation et nous y sommes arrivés.»

Leader moderne

Pour s’atteler à une telle tâche, il fallait de l’audace, mais surtout beaucoup de leadership, comme le souligne le jury du Top 25 de l’industrie financière qui l’a désigné «Personnalité financière de l’année 2018». «Il incarne une nouvelle génération audacieuse, note le jury. Il a d’ailleurs été audacieux dans sa réforme. Il a fait des choses que d’autres ne font pas, soit d’intégrer l’assurance vie et l’assurance générale, et il a réussi. Il a aussi connu du succès dans sa croissance des affaires, ce qui est digne de mention.»

«Il démontre un leadership communicatif. Il a réussi l’exploit d’augmenter ses ventes et d’augmenter ses profits dans un marché difficile de l’assurance», ajoute le jury.

Il est complexe de mener des chantiers aussi importants. Pour réussir, Jean-François Chalifoux s’est assuré d’avoir l’appui de tous les acteurs impliqués, comme le raconte Gaétan Morin, président et chef de la direction du Fonds de solidarité FTQ et membre du conseil d’administration (CA) de SSQ Société de participation mutualiste.

«Il a fait de bonnes réformes en ce qui concerne la structure opérationnelle de SSQ, tout en gardant en tête que ce type de transformation peut être exigeant, dit-il. Il a fait preuve d’un grand souci de transparence en expliquant pourquoi on faisait ce genre de changement. Il est allé chercher non seulement l’adhésion du comité de direction et du CA, mais aussi celle de ses employés. C’est un leader très moderne.»

Le leadership interpelle Jean-François Chalifoux. Il a dirigé une organisation de grande taille lorsqu’il a été nommé premier vice-président exécutif et directeur général, Opérations hors Québec, chez Desjardins Groupe d’assurances générales (DGAG) en 2002. Il avait alors 32 ans. «C’est intimidant la première fois que tu fais une allocution en anglais devant 800 personnes, raconte Jean-François Chalifoux, en faisant référence à ses débuts comme grand patron. Puis, au bout d’un moment, tu t’aperçois que tu as ça en toi. Dans le leadership, il y a une partie qui est innée, mais il faut aussi savoir sauter dans la mêlée et sortir de sa zone de confort.»

Ce poste, qu’il occupera de 2002 à 2008, lui en apprendra beaucoup sur ce sujet. Sylvie Paquette, présidente et chef de l’exploitation de DGAG de 2008 à 2016 après avoir occupé différentes fonctions dans l’organisation entre 1984 et 2008, a côtoyé Jean-François durant cette époque charnière de sa carrière.

«Lorsqu’il est devenu directeur général, Jean-François savait que la marche était haute. Il gérait une équipe de gens qui avaient vingt ans de plus que lui et qui, dans certains cas, auraient voulu avoir son poste, dit-elle. Cependant, ça lui a pris très peu de temps pour se bâtir une crédibilité et acquérir leur respect.»

En effet, l’actuaire de 48 ans a découvert tôt qu’il aimait les chiffres, mais qu’il avait aussi des qualités de meneur et le sens des affaires. Lorsqu’on lui a demandé, au début de sa carrière, s’il souhaitait devenir actuaire en chef ou gérer les opérations d’un assureur, la réponse était évidente.

«Je voulais être responsable des opérations, de la vente et du marketing. Je suis un amoureux des chiffres, mais surtout un amoureux des affaires, explique-t-il. J’avais une tête d’actuaire, mais aussi un sens des affaires et un intérêt pour les autres secteurs de l’entreprise. Je me suis aperçu que ce serait une façon de me différencier.»

Sylvie Paquette a remarqué dès ses débuts qu’il apportait non seulement un savoir-faire technique, mais également un savoir-être qui lui permettait de se distinguer : «Le gars est brillant, mais tous les actuaires sont brillants. Ce que Jean-François avait de plus, et qu’il a toujours aujourd’hui, c’est le volet relationnel, humain, la drive et la proactivité. Il détonnait dès le départ lorsqu’on l’a engagé pour un emploi étudiant d’été chez Desjardins.»

Jean-François Chalifoux se distingue également par son ouverture, indique Gaétan Morin : «C’est un bonhomme qui fait aussi confiance à son équipe. Il laisse les gens prendre des initiatives. Après peu de temps comme président de SSQ, il donnait l’impression d’être chez SSQ depuis cinq ans. Il s’est rapidement approprié la mutuelle, sa réalité, sa culture. Il a une grande connaissance du milieu de l’assurance, mais aussi une grande capacité à s’adapter. Il venait de Desjardins, une grande entreprise, vers SSQ, beaucoup plus petite. Il a vu les forces que SSQ avait : son agilité ainsi que le dynamisme de ses employés et de sa direction.»

L’assurance collective comme locomotive

Une des principales forces de SSQ est sa concentration dans le secteur de l’assurance collective, selon Jean-François Chalifoux. Sur un volume d’affaires total de 2,46 G$ en assurance en 2017, 2,02 G$ proviennent de l’assurance collective (82,1 %), 189,1 M$ de l’assurance individuelle et 248,6 M$ de l’assurance de dommages. En 2017, les ventes d’assurance collective et individuelle proviennent à 50 % de l’extérieur du Québec.

En 2017, SSQ avait une part de marché de 18,83 % en assurance collective accident et maladie au Québec, par rapport à 18,12 % en 2013, d’après le «Rapport annuel sur les institutions financières 2017» de l’Autorité des marchés financiers. SSQ a gagné chaque année des parts de ce marché dans ce segment durant cette période, même si sa part de marché totale exprimée en primes directes souscrites au Québec est passée de 8,95 % à 8,46 %, de 2013 à 2017, selon ce rapport.

Le volet collectif demeurera la locomotive de SSQ, selon Jean-François Chalifoux : «Ce n’est pas un désavantage d’être concentré en assurance collective, dit-il. Au contraire, nous allons continuer de nous développer en nous appuyant sur ce secteur qui nous donne accès à près de 2 millions de personnes assurées, que ce soit nos adhérents, leurs conjoints ou encore les membres de leur famille, et ce, partout au Canada.»

Il ajoute d’ailleurs que la diversification n’est pas nécessairement la solution pour SSQ : «Pendant plusieurs années, la diversification a été vue comme un coût sain face aux fluctuations, qui amène une certaine stabilité dans les résultats financiers. C’est vrai, autant dans la diversification géographique que dans la diversification par ligne de produits.»

«En même temps, ça amène une érosion du focus des organisations. Pour des organisations de grande taille, un retour en arrière est difficile. Dans des entreprises de taille moyenne, comme SSQ, nous sommes condamnés à exceller dans tout ce que nous faisons.»

En 2017, SSQ a réalisé des ventes de 162,8 M$ en assurance collective, ce qui représente une baisse par rapport aux ventes de 184,5 M$ en 2016. En assurance individuelle, les ventes sont passées de 48 M$ en 2016 à 34,9 M$ en 2017. Pour l’ensemble du secteur de l’assurance, les ventes sont passées de 289,5 M$ en 2016 à 259,4 M$ en 2017.

«En matière de ventes, il est toujours difficile en assurance collective de prédire les coups de circuit, spécifie Jean-François Chalifoux. Nous avions des objectifs de nouvelles ventes agressifs. Il faut regarder la croissance des ventes sur le long terme. C’est très facile de croître, mais à quel coût ?»

Entre 2014 et 2017, le ratio de solvabilité annuel de SSQ est passé de 198 % à 206 %, note Jean-François Chalifoux : «Nous avons fait beaucoup de travail pour améliorer notre bilan financier et pour nous repositionner afin de soutenir une croissance plus accélérée. C’est dans le prochain plan stratégique.»

Le prochain plan stratégique de SSQ s’amorcera en 2020. Jean-François Chalifoux privilégie une stratégie orientée sur la croissance interne et les partenariats, particulièrement en ce qui concerne la technologie.

«Une entreprise comme SSQ ne peut pas arriver à suivre la parade. On a fait le choix de ne pas travailler en concurrence avec ceux qui veulent innover, dit-il. Il y a un paquet d’entreprises en démarrage, au Québec et ailleurs au Canada, qui sont à la recherche de gens comme nous, avec la connaissance du métier traditionnel et ayant accès à du capital et à une clientèle.»

Par exemple, en octobre 2018, SSQ a conclu une entente avec Now Solutions Group, une entreprise fournissant de l’assistance transactionnelle à distance afin de développer des outils de vente.

«On entre dans une ère de diversification des sources de revenus par une évolution de notre offre, par des partenariats avec des fintechs, des assurtechs ou d’autres types d’entreprises ayant développé des zones d’excellence très nichées, mais qui viennent bien compléter notre offre», prédit Jean-François Chalifoux.

L’avenir passe aussi par une offre de produits adaptés aux clients milléniaux qui demandent davantage de souplesse et de personnalisation : «Il y a énormément d’éducation à faire. Notre raison d’être est de protéger le patrimoine financier des gens, et non de leur laisser des petits montants ici et là qui auraient dû être prévus dans leur budget. On doit être là quand le diagnostic de cancer tombe, quand il y a une longue absence non anticipée ou lorsqu’on est en détresse psychologique.»

Par ailleurs, Jean-François Chalifoux répond ainsi aux rumeurs de fusions entre assureurs québécois : «Il y aura toujours des rumeurs. Là-dessus, ce que je pense, c’est qu’il y a une occasion. Nous sommes beaucoup d’assureurs établis au Québec qui sont de petite ou de moyenne taille et de nature mutualiste. Nous sommes plus petits que nos grands concurrents. Les assureurs québécois peuvent mieux travailler ensemble.»

Connu pour être un homme de famille – il est père de deux garçons de 16 et 18 ans – Jean-François Chalifoux est aux premières loges en matière de sensibilisation aux besoins des jeunes générations : «J’espère qu’ils seront travaillants et qu’ils vont respecter leurs collègues, leurs patrons, leurs professeurs et leurs coachs. J’espère aussi qu’ils feront les bons choix. Je me fais penser à ma mère. Comme parent, tu crains tout le temps.»

Jean François Chalifoux est le gagnant de la catégorie assureurs et il remporte également le titre de Personnalité financière de l’année du Top 25 2018.