Le décès d’un client fortuné peut entraîner une série de conséquences financières et fiscales pour sa famille, ses héritiers et ses partenaires d’affaires. Afin de gérer l’effet de ces conséquences, un conseiller peut avoir recours à différentes stratégies, lesquelles ont souvent un dénominateur commun : l’assurance vie.

«Chaque cas est unique et il existe plusieurs stratégies pour s’assurer que les objectifs successoraux se réalisent et optimiser les sommes qui seront transmises, mais dans ma pratique, la composante « assurance vie » est souvent au rendez-vous», constate Annie Boivin, vice-présidente, planification fiscale et successorale, Gestion de patrimoine TD.

Voyons quelques besoins successoraux qui peuvent être partiellement comblés par l’assurance vie.

Financer l’impôt au décès

Les règles fiscales canadiennes font en sorte qu’un individu est réputé avoir disposé de ses biens à leur juste valeur marchande tout juste avant de rendre l’âme, note Annie Boivin. Cette disposition réputée peut entraîner notamment la réalisation d’un gain en capital imposable sur plusieurs actifs qu’un client fortuné peut posséder, entre autres des actions d’une société privée, des immeubles locatifs, des actifs et des fonds détenus dans des comptes non enregistrés et les régimes enregistrés, etc.

En fonction du moment du décès du client et de ses dernières volontés, celui-ci peut ainsi avoir une facture fiscale élevée. Pour payer cette facture, les héritiers peuvent bien entendu vendre des actifs du défunt, mais le fait que ces actifs soient parfois peu liquides complique les choses.

Après qu’on a fait une bonne analyse de ses besoins, un client pourrait souscrire de l’assurance vie afin de prévoir des liquidités servant à payer cette facture fiscale.

«L’assurance vie peut donc fournir les liquidités pour couvrir la facture successorale au décès et assurer le versement de legs selon les volontés successorales du client. Pour cette raison, elle doit être un des éléments qui sera évalué dans le cadre d’une planification successorale», dit Annie Boivin.

Bien que les primes d’assurance vie ne soient généralement pas déductibles d’impôt, la prestation qui est payable au bénéficiaire est exempte d’impôt.

Lorsque les primes de la police sont payées par une société par actions et que celle-ci est bénéficiaire, le montant correspondant au capital décès soustrait du coût de base rajusté de la police va augmenter le compte de dividende en capital. Ce compte permet le versement d’un dividende libre d’impôt et peut servir à répondre aux besoins successoraux du client fortuné.

La stratégie consistant à utiliser l’assurance pour couvrir la facture fiscale au décès varie légèrement lorsqu’un client est en couple, note Anne-Marie Girard-Plouffe, conseillère en sécurité financière et associée chez Option Fortune.

En effet, puisque l’impôt sur le gain en capital peut être différé au décès du conjoint survivant, le recours à une assurance conjointe au dernier décès peut être indiqué lorsque le règlement des dettes successorales est effectivement reporté au dernier des deux décès.

«C’est la solution idéale pour le financement de cette dette fiscale, puisque les fonds deviennent disponibles au moment où ils sont nécessaires», dit Anne-Marie Girard-Plouffe.

D’autant plus qu’assurer deux vies au dernier décès peut présenter des économies de primes à la souscription, souligne-t-elle. En effet, il est moins probable que l’assureur verse le capital décès à courte échéance dans ce genre de contrats, par rapport aux contrats où il y a une seule vie à assurer.

Il est toutefois possible que «ce type de protection ne soit pas idéal dans le cas de familles reconstituées ou encore de familles en entreprise où l’on souhaite obtenir de l’argent pour financer le rachat des actions privilégiées du parent décédé déjà retiré des affaires et ne pas attendre au décès du parent héritier, même si cela entraîne un impact fiscal», a-t-elle précisé dans une chronique publiée en avril 2018 dans Finance et Investissement.

Optimiser le legs à la prochaine génération

Étant donné qu’il a une valeur nette élevée, un client fortuné peut ne pas avoir besoin de souscrire une assurance vie. L’importance de sa fortune fait qu’il est, en quelque sorte, auto-assuré contre les conséquences d’un décès prématuré, d’une maladie grave ou d’une invalidité.

Certains clients sont assurés de léguer un héritage appréciable et d’être indépendants financièrement, même si leur coût de vie augmentait et que leurs rendements étaient faibles. Ces clients peuvent envisager d’utiliser l’assurance vie permanente afin de bonifier leur transfert à leurs héritiers.

En fonction de ses objectifs et de sa situation, un client peut ainsi prédéterminer le patrimoine qu’il souhaite léguer en héritage à des proches, ou encore à une fondation privée ou à un organisme de charité.

Anne-Marie Girard-Plouffe voit cette approche comme une «idée de planification de transfert intergénérationnel», plutôt que comme une stratégie à proprement parler, tellement elle est simple, bien qu’elle ne s’adresse pas à tout le monde.

«Si le rendement libre d’impôt demeure très attrayant pour quiconque souhaite faire de la planification successorale, cette approche s’adresse principalement à des clients fortunés qui disposent de sommes excédentaires qu’ils n’auront pratiquement jamais besoin de dépenser. Le client doit en être conscient», précise-t-elle.

Pour Anne-Marie Girard-Plouffe, seule une analyse approfondie des besoins du client, de son état de santé, et de sa situation actuelle et au décès permet d’évaluer la pertinence, pour celui-ci, de cette approche.

Dans les cas où l’option est pertinente, la souscription d’un contrat d’assurance vie permet au client de répartir son risque lorsqu’il remplace une part des titres à revenu fixe de son portefeuille d’investissement. Il vise alors à augmenter ses chances d’obtenir un meilleur rendement.

En souscrivant de l’assurance permanente, le client fixe à l’avance son taux de rendement interne, bien que celui-ci variera selon l’âge au décès. Ce taux de peut être élevé lors d’un décès précipité, mais très bas, voire nul si le client décède à un âge avancé.

«Avec l’assurance vie, on sait quel montant sera payé au moment du décès. Ce n’est pas le cas pour la valeur d’un portefeuille d’actions ou d’un immeuble et complexifie l’évaluation de leurs impacts fiscaux», illustre Annie Boivin.

Pour que cette stratégie fonctionne, le client doit être assuré que le paiement de primes ne mette jamais à risque son budget et que le contrat ne tombe pas en déchéance et soit ainsi annulé, ajoute-t-elle.

Gérer les besoins d’entrepreneurs

Dans un contexte d’entreprise, l’assurance peut répondre à plusieurs besoins d’un entrepreneur.

Par exemple, l’assurance peut servir à garantir le financement d’une convention entre actionnaires. En effet, lorsqu’un actionnaire décède, ses actions sont léguées à ses héritiers, ce qui peut ne pas convenir du tout à ses associés. Pour éviter cette situation, une convention entre actionnaires peut prévoir qu’au décès d’un des associés, sa participation dans l’entreprise soit rachetée.

Le recours à un produit d’assurance vie peut ainsi garantir le financement nécessaire au transfert d’actions entre actionnaires.

Dans le contexte d’une société par actions, un entrepreneur pourrait également profiter pleinement d’un avantage fiscal découlant de l’assurance souscrite par une société. Un entrepreneur pourrait ainsi utiliser les surplus de liquidités de sa firme afin de transférer des actifs de l’entreprise à ses héritiers sur une base libre d’impôt, habituellement par l’intermédiaire d’un dividende en capital.

De même, le recours à une assurance vie peut aider un entrepreneur à équilibrer le transfert de son patrimoine, estime Annie Boivin. «Dans un contexte corporatif, ce n’est pas vrai que monsieur va toujours tout léguer à madame. Si un ou des enfants sont impliqués dans l’entreprise, il se peut que ce soit eux qui héritent de cette entreprise et que l’assurance vie soit alors utilisée en tout ou en partie au bénéfice de madame ou des enfants qui ne sont pas impliqués dans l’entreprise.»

En raison des nouvelles règles fiscales, une société privée peut subir une réduction partielle de la déduction fédérale accordée aux petites entreprises (sur les premiers 500 000 $ de revenu), lorsque son revenu de placement passif dépasse 50 000 $.

Pour éviter cette imposition supplémentaire, certains recommandent d’évaluer l’option d’utiliser les actifs qui génèrent un revenu passif plus lourdement imposé afin de souscrire des produits d’assurance vie permanente. Évidemment, d’autres stratégies fiscales existent et il faut les évaluer et les comparer en considérant le cas précis du client.

«Avec les nouvelles règles du ministre [des Finances du Canada, Bill] Morneau, ça pourrait devenir moins intéressant de maintenir des placements dans une société par actions. Peut-être que les gens vont vouloir se départir plus rapidement de leur entreprise lorsqu’elle ne possède pas de grands actifs en matière de placements. Seul l’avenir nous le dira, mais ça va demeurer du cas par cas», affirme Hélène Marquis, directrice régionale, planification fiscale et successorale chez Gestion privée de patrimoine CIBC.

L’assurance vie peut servir à couvrir la facture successorale au décès et assurer le versement de legs selon les volontés successorales du client.

– Annie Boivin