Une conseillère montre quelque chose sur son téléphone à sa cliente.
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Bon, soyons francs quelques instants. De manière générale, l’industrie traîne encore aujourd’hui un bagage historique peu attrayant pour les conseillères et pour les clientes. Autrefois perçue comme un old boys’ club, elle a longtemps été dirigée par des hommes blancs qui en employaient d’autres.

Dans la dernière décennie, les choses ont changé bien entendu. On a accru le nombre de conseillères dans certains segments de l’industrie. Davantage de femmes sont dirigeantes de réseaux ou partie prenante de l’équipe de direction. Certains conseillers améliorent leur service à la clientèle féminine, voire orientent leur développement des affaires vers celle-ci. Et, tout comme on l’observe dans le reste de la société, les mentalités évoluent.

Or, l’industrie peut en faire davantage. On n’a pas atteint la parité dans la direction et dans la haute direction des courtiers, ni parmi les conseillers en placement dans les firmes de plein exercice. Les femmes demeurent un segment de clientèle négligé en général, dans une industrie où les différentes stratégies de segmentation des blocs d’affaires peuvent tourner à leur désavantage. On doit cesser de les considérer comme des conjointes ou des épouses et les percevoir comme des clientes.

Il faut s’assurer que tout un chacun parle leur langage, veille à ce qu’elles se sentent comprises et bien conseillées. On doit leur offrir du conseil réellement personnalisé, qui répond à leurs enjeux, leurs souhaits et leurs besoins.

Ceux qui s’illustreront en ce sens pourraient en profiter, d’après une étude américaine de PriceMetrix, propriété de la société McKinsey: «En retenant simplement les femmes du baby-boom (le segment que nous considérons comme le plus à risque d’attrition) comme clientes, les entreprises pourraient voir leur potentiel de revenus augmenter d’un tiers.»

En outre, les entreprises qui ont un taux de rétention élevé de clientes plus jeunes – en particulier celles de la génération du millénaire – verraient leur chiffre d’affaires augmenter jusqu’à quatre fois plus vite. «Une analyse de PriceMetrix portant sur les conseillers qui gagnent avec ce petit, mais influent, segment de jeunes femmes (qui ne représente aujourd’hui que 15 % des actifs investissables des ménages aisés) révèle une croissance annuelle des revenus de 5 %, surpassant la moyenne du secteur de 1 %.»

Les clientes sont également plus disposées à payer une prime pour des conseils financiers en personne, selon une autre recherche menée par McKinsey et Dynata auprès de plus de 10 000 investisseurs américains fortunés, dont quelque 3 000 femmes décideuses financières : «Les femmes aisées plus âgées sont deux fois plus susceptibles que les hommes aisés plus âgés de préférer payer des frais de 1 % ou plus pour un compte géré par un conseiller financier, plutôt que de payer 10 points de base pour un service uniquement numérique.»

La recherche de Price-Metrix révèle qu’environ la moitié des femmes décideuses financières déclarent ne pas se sentir préparées à atteindre leurs objectifs financiers, malgré la présence d’un conseiller. Certaines femmes se sentent encore exclues des prises de décisions d’investissement importantes dans leur couple.

En outre, par rapport aux hommes sondés, les répondantes sont plus enclines à craindre de survivre à leurs épargnes et de devoir payer de coûteux soins de longue durée. Elles sont plus susceptibles d’être moins tolérantes au risque, de miser davantage sur l’atteinte de leurs objectifs de vie, d’investir de manière indicielle et de prioriser la préservation de leur capital.

Pour mieux servir les clientes, l’industrie devrait adopter différentes mesures et, surtout, évaluer leurs effets par rapport à une foule d’indicateurs allant de la satisfaction des clientes au taux de rétention des nouvelles clientes, et des conseillères, en passant par la probabilité de voir une cliente récemment devenue veuve conserver son lien d’affaires avec le conseiller de son défunt conjoint.

Différents groupes et consultants ont leur avis sur les meilleures mesures à prendre, tout en rappelant qu’aucune n’est une panacée. En voici quelques-unes, suggérées par PriceMetrix:s’entourer d’experts susceptibles d’avoir un impact significatif dans la vie des clientes divorcées; offrir des mesures incitatives aux conseillers afin d’augmenter la présence de conseillères, comme des bonus pour les conseillers seniors qui cèdent une partie de leur bloc d’affaires à des conseillères, ou qui soutiennent les conseillères avant, pendant et après leurs congés de maternité; développer des outils de marketing afin d’aider les conseillers à accroître leur clientèle féminine (outils de consolidation de l’actif des clientes, logiciels de gestion de la relation avec les clientes capables de solliciter celles-ci lorsqu’elles ont le plus besoin de conseils, par exemple lors d’un mariage, d’un divorce ou du décès du conjoint).

Mettre au point des services personnalisés et adaptés aux besoins des femmes est une occasion d’affaires que doit saisir l’industrie. Réussir sur cette route dépendra de différents facteurs, mais passe par la sensibilisation des conseillers (formation continue) et par la volonté des équipes de direction des firmes de courtage.

L’industrie a encore du chemin à parcourir. En mettant de l’avant l’une de ses grandes forces, soit la valeur ajoutée du conseil financier et de la planification financière, elle peut avoir un impact décisif auprès de l’un des segments de la population qui a été malheureusement durement touché par la pandémie:les femmes.

L’équipe de Finance et Investissement