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Les retraités d’aujourd’hui et de demain sont-ils sur le point de perdre l’accès à des produits financiers de plus en plus nécessaires à la conception de plans de retraite viables ? Espérons que non, même si de récentes modifications à la gamme de produits d’un assureur et certains changements réglementaires font craindre que ce scénario ne devienne réalité.

En juin dernier, Manuvie cessait la vente externe de rentes fixes (ou rentes certaines) individuelles et de rentes viagères individuelles. Par exemple, dans le cas d’une rente fixe de 10 ans, les versements seront faits pendant un terme de 10 ans. Dans le vocabulaire de l’industrie, les termes « rentes fixes » et « rentes certaines » sont interchangeables.

« Les beaux jours des rentes fixes et viagères sont derrière nous. Aujourd’hui, leurs rendements ne dépassent pas 2,75 % par année. En conséquence, les ventes ne sont plus ce qu’elles étaient », a déclaré Guy Duhaime, président du Groupe Financier Multi Courtage, en entrevue avec Finance et Investissement en août.

Différents facteurs expliquent cette situation, dont le fait que les rentes sont plus difficiles à soutenir pour les assureurs en raison de l’allongement de l’espérance de vie. Ces contrats deviennent alors plus lourds sur leurs réserves financières. L’effet cumulatif de la récente et persistante faiblesse des taux d’intérêt et de l’accroissement des exigences de capital réglementaire n’aide également pas au sort de ces garanties.

Manuvie est le plus gros assureur de personnes au Canada. Il est raisonnable de croire que si le premier assureur au pays apporte ce genre de changement à sa gamme de produits de rentes, d’autres pourraient suivre son exemple. Assisterait-on éventuellement à la disparition complète de produits comme les rentes viagères, que ce soit en raison d’une chute des ventes ou d’une augmentation des coûts pour les assureurs ? Si tel était le cas, ce serait une mauvaise nouvelle.

En effet, un nombre croissant de plans de retraite devraient être réparés si l’on perd l’accès à ces produits de rentes. Voici pourquoi.

Moins d’options à la retraite

Les différentes formes de revenu viager que toucheront les clients à la retraite, comme le Régime de rentes du Québec (RRQ), la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV), le Supplément de revenu garanti (SRG) et les régimes de retraite à prestations déterminées (PD), ont un effet décisif sur la durabilité à long terme des plans de retraite. Elles aident à gérer trois risques majeurs que doivent affronter les retraités : le risque de survivre à leurs épargnes, le risque d’avoir une séquence défavorable de rendement au moment du décaissement et, dans une certaine mesure, le risque d’inflation.

Or, l’un de ces piliers qui sert à la fondation d’un plan de retraite viable, soit le régime de retraite PD, est actuellement en décrépitude. Chez les travailleurs salariés âgés d’au moins 15 ans, la proportion d’hommes ayant accès à un régime de ce type est passée de 48,4 % en 1977 à 24,5 % en 2011, selon Statistique Canada. En comparaison, la proportion de femmes ayant accès à un régime de retraite PD est passée de 34,5 % en 1977 à 31,1 % en 2011. La différence de taux de couverture entre femmes et hommes dans ce type de régime serait attribuable au secteur d’emploi dans lequel ils sont respectivement plus présents.

Ces chiffres démontrent que les clients sont de nos jours moins bien couverts par les régimes de retraite que leur fournissent leurs employeurs.

Pour compenser ce désengagement de nombreux employeurs à l’égard des régimes de retraite PD, certains clients doivent se tourner vers d’autres options afin de recevoir une somme garantie jusqu’à leur décès. Or, les rentes viagères et les fonds distincts avec garantie de revenu viager sont parmi les principales solutions de rechange pour gérer les risques de longévité et de séquence défavorable de rendement au décaissement.

Si d’autres assureurs emboîtaient le pas de Manuvie, les clients auraient accès à de moins en moins d’options « certaines » de revenus de retraite assurés auprès des différents assureurs canadiens. Il leur resterait encore l’option de bonifier leurs prestations de RRQ et de PSV en retardant le moment où ils les touchent, avec tous les risques de conséquences défavorables sur le plan fiscal, comme la perte du SRG pour les années où on reporte la PSV.

Actuellement, il faut espérer que les assureurs continueront de faire ce qu’ils sont en mesure de faire le mieux : prendre des risques et offrir des produits qui répondent aux besoins de retraite des clients. Il en va de la capacité, pour les conseillers, à bâtir des plans de retraite durables et qui aident vraiment les clients à traverser la périlleuse période du décaissement de leurs actifs. Et c’est l’un des éléments clés de la valeur du conseil financier.

Les clients ont plus que jamais besoin de l’aide de leur conseiller afin de s’assurer de ne pas survivre à leur épargne. Si la boîte à outils des conseillers venait à se transformer avec le temps, ceux-ci devraient s’assurer de rester à la fine pointe des innovations de l’industrie afin de permettre à leurs clients de bénéficier des nouveaux produits qui pourraient faire leur apparition sur le marché.