homme d'affaire tentant de reculer le temps sur une grosse horloge.
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Pour le sondage mené dans le cadre du Baromètre de l’assurance 2019, Finance et Investissement a demandé aux conseillers en sécurité financière interrogés de définir les principales forces et faiblesses de l’agent général (AG) avec lequel ils faisaient principalement affaire.

Quelles que soient leurs affiliations principales, les conseillers se disent généralement satisfaits du soutien aux ventes, des formations ainsi que de l’étendue des gammes de produits. Certains répondants apprécient l’écoute de leur AG, d’autres, le service à la clientèle qu’ils reçoivent, et quelques-uns, l’indépendance de l’AG, lorsque ce dernier est la propriété de sociétés à capital privé.

En revanche, certains conseillers aimeraient avoir des formations spécialisées en fiscalité. Et beaucoup réclament des logiciels informatiques plus performants de la part des AG avec lesquels ils collaborent. À la question «Où l’agent général avec lequel vous faites le plus affaire pourrait-il s’améliorer ?», un conseiller a répondu que «tout l’aspect technologique pourrait être plus avancé». D’autres ont répondu de façon plus succincte en utilisant des termes très englobants, tels que «la technologie», «l’informatique», «les outils informatiques» ou «tout ce qui est technologique».

Et c’est là que le bât blesse…

Enjeu de l’heure

Le président de la Financière S_Entiel, Dominic Demers, affirme que le développement de systèmes informatiques de pointe constitue l’«enjeu de l’heure» chez les agents généraux.

Il s’agit même, ajoute-t-il, d’une ligne de démarcation entre les AG dans leurs luttes incessantes pour attirer les meilleurs talents.

«À l’heure actuelle, des conseillers se font approcher par des agents généraux qui mettent en avant la qualité de leurs systèmes informatiques, comme d’autres mettraient en évidence une structure de bonis plus élevés que la moyenne», explique Dominic Demers.

L’argument de la qualité des systèmes informatiques trouve un écho, car les conseillers veulent tirer leur épingle du jeu dans un contexte où bien des clients veulent s’assurer en ligne.

À cet égard, poursuit Dominic Demers, les AG n’ont pas le choix : «Les agents généraux se doivent d’investir en informatique, notamment dans des systèmes d’arrière-guichet. Un jour, des systèmes informatiques développés aideront les conseillers à repérer de nouvelles occasions d’affaires, par exemple en identifiant les clients d’âge critique n’ayant pas encore d’assurance maladies graves. Nous ne sommes pas encore arrivés à cette étape, mais c’est la voie de l’avenir.»

L’informatique et les nouvelles technologies de l’information constituent un «enjeu majeur» dans le monde des agents généraux, estime James McMahon, président pour le Québec du Groupe Financier Horizons : «Les conseillers veulent des logiciels qui font le suivi des clients et de la correspondance. Ils veulent aussi des logiciels d’arrière-guichet (back office) qui leur parlent en communiquant avec leurs propres systèmes.»

James McMahon donne l’exemple suivant : «Prenons le cas d’un assureur qui aurait une soixantaine de polices d’assurance vie en vigueur. Bon nombre d’éléments doivent être associés à ces polices, par exemple le nom des bénéficiaires. Il y a beaucoup d’informations à colliger.»

Chez Horizons, ajoute James McMahon, il reste «un an ou deux» avant d’avoir informatisé toutes les données relatives à l’ensemble des polices en vigueur de la totalité des assureurs sous contrat.

Cela dit, le patron d’Horizons voit certains obstacles sur la route de l’informatisation. «L’acheminement des propositions électroniques se fait assureur par assureur, et non par lots. De plus, certains assureurs n’ont toujours pas abandonné le papier. Un jour, l’informatique permettra de bâtir des stratégies de vente plus complexes qu’aujourd’hui. Nous n’y sommes pas encore… mais ça s’en vient !» dit James McMahon.

Chose certaine, ajoute-t-il, le développement de nouveaux outils technologiques requiert beaucoup d’argent : «Un agent général qui n’aurait pas suffisamment de ressources financières prendra un retard qui sera éventuellement difficile à récupérer.»

Des assureurs à la traîne

Avec près de 40 ans d’expérience dans l’industrie, le président-fondateur du Groupe Financier Multi Courtage a une voix qui porte. Guy Duhaime affirme que les conseillers ne peuvent pas obtenir la vitesse de traitement de dossiers à laquelle ils s’attendent, car les assureurs ne sont pas tous à la fine pointe des technologies.

«Certains assureurs ne peuvent pas accepter les propositions électroniques. De plus, depuis une quinzaine d’années, les effectifs des services à la clientèle des assureurs sont en diminution constante. Leurs spécialistes du service à la clientèle doivent connaître les 10 ou 15 versions du même produit vendu depuis 20 ou 30 ans ! Cela crée des goulots d’étranglement. Ainsi, on pourrait avoir un dossier qui génère 30 000 $ de primes par année et devoir attendre deux à trois semaines avant d’obtenir réponse à nos questions», raconte Guy Duhaime.

Résultat : «En tant qu’agent général, on court constamment contre la montre… mais nous n’avons qu’une partie du contrôle de la machine. Le gros du ralentissement provient des assureurs», affirme Guy Duhaime.

Qui en paie le prix ?

Les assureurs qui n’ont pas encore pris le train des nouvelles technologies pourraient en payer le prix fort, selon Christian Laroche, président d’Aurrea Signature : «Une partie des assureurs sont très avancés par rapport à l’adoption des nouvelles technologies. Quant aux autres qui ne le sont pas… leurs ventes diminuent !»

S’il y a des assureurs retardataires à cet égard, certains agents généraux le sont aussi. «J’ai vu des conseillers plus avancés du point de vue technologique que leurs propres agents généraux», ajoute le patron d’Aurrea.

Toutefois, observe-t-il, les conseillers n’ont pas tous les mêmes besoins. Certains veulent bénéficier des dernières avancées technologiques, d’autres non. La ligne de partage est principalement démographique.

«J’observe un choc des générations par rapport aux technologies. Même s’ils ont des outils informatiques de gestion de la relation client, les conseillers les plus vieux sont à l’aise avec le monde du papier. Ils préfèrent aussi rencontrer leur agent général en personne. Quant aux conseillers plus jeunes, ils veulent toujours plus d’outils informatiques, ce qui reflète les attitudes de leurs clientèles qui ne jurent que par l’électronique», dit Christian Laroche.

Chose certaine, tous les agents généraux sont confrontés aux mêmes défis de l’introduction et de l’adoption d’outils informatiques de pointe. «Cela demande de gros investissements. Aucun agent général n’y échappe», constate le président d’Aurrea Signature.

Des experts-conseils numériques

L’informatique fait partie des grandes priorités de la Financière Sun Life (FSL).

«L’informatique est à l’ordre du jour. Nous organisons des formations spécialisées et nous développons constamment de nouveaux outils en ligne. Toutefois, nous reconnaissons que les changements sont rapides et que l’appétit des conseillers pour la technologie est grand», signale John Lanni, vice-président régional, distribution à la FSL.

Parmi ses priorités de l’année 2020, la FSL entend offrir à ses conseillers davantage de soutien spécialisé en informatique. «Nous voulons que les conseillers puissent mieux s’approprier les outils existants», souligne le spécialiste de la distribution de la FSL.

John Lanni évoque ainsi l’intervention accrue d’experts-conseils numériques : «Grâce à leur action, des conseillers pourraient, par exemple, mieux utiliser des outils comme la vidéoconférence, la prise de notes par des appareils numériques ou l’échange de documents numériques effectué de façon conviviale et sécurisée.»