Sa firme affiche un actif sous gestion de 750 M$. «C’est environ 1,5 M$ d’actif par portefeuille familial. Sans la gestion discrétionnaire, nous n’aurions pas atteint cette taille», affirme-t-il.
Même son de cloche chez le conseiller en placement montréalais Guillaume Maurice. «La gestion discrétionnaire est en plein essor. C’est vraiment à l’ordre du jour», dit celui qui est aussi gestionnaire de portefeuille associé du Groupe Jacques Maurice, affilié à Scotia Gestion de patrimoine.
Dans sa publication 2016 Insight Annual Review, Investor Economics révèle qu’en décembre 2010, les fonds à honoraires et les programmes discrétionnaires représentaient 9 % des actifs en fonds communs de placement (FCP). En décembre 2015, la proportion avait augmenté à 14 % et ce pourcentage atteindrait 19 % en 2024.
Cela dit, cette statistique ne dit pas tout, car les fonds à honoraires ne sont pas tous reliés à la gestion discrétionnaire. Et les gestionnaires de portefeuille n’investissent pas que dans les FCP.
Chez Louis Khalil, la part des FCP dans l’actif total sous gestion se situe entre 15 % et 20 %. «Il s’agit de fonds thématiques de série F, comme des fonds d’obligations à haut rendement ou des fonds qui gèrent les variations de taux de change», dit-il.
Preuve statistique que les gestionnaires de portefeuilles sont nombreux, ils représentent le tiers des effectifs de la FBN. «Parmi les 925 conseillers en placement de la Financière Banque Nationale, environ 300 sont spécialisés en gestion discrétionnaire», dit Denis Gauthier, premier vice-président et directeur national des ventes de Financière Banque Nationale, Gestion de Patrimoine.
Selon Marc Flynn, directeur principal, Affaires réglementaires et normes d’accréditation chez Moody’s Analytics, les années 2000 ont favorisé l’éclosion de cette spécialité.
«Au début des années 2000, de 7 à 10 % des conseillers en placement étaient aussi gestionnaires de portefeuille. Actuellement, la proportion se situe entre 20 et 25 %», dit-il.
Or, n’entre pas qui veut dans cet univers.
«Afin de devenir gestionnaire de portefeuille à la FBN, il faut avoir oeuvré au moins huit ans dans l’industrie des valeurs mobilières et afficher au moins 100 M$ en actif sous gestion. L’historique de performance du conseiller ainsi que son historique en conformité sont passés au peigne fin», dit Denis Gauthier.
Favorisée par la techno
Comment expliquer la popularité grandissante de ce titre professionnel ? En premier lieu, par la capacité technologique de réaliser l’exécution parfaite des achats et des ventes de titres.
«Si on devait appeler 200 individus pour leur demander l’autorisation d’acheter le titre d’Apple, son cours boursier aurait le temps de bouger avant qu’on arrive au deux-centième», illustre Guillaume Maurice.
Ainsi, la technologie actuelle facilite des ordres d’achats uniformisés. «Il y a un peu plus d’un an, Scotia Gestion de patrimoine a implanté un système informatisé qui a réellement simplifié nos tâches d’achat et de vente», dit Guillaume Maurice.
Or, la technologie est aussi ce qui permet de gérer les modèles de portefeuilles sur lesquels s’appuient ces professionnels du placement.
«Pour être efficaces, on ne doit pas dépasser sept, ou au maximum neuf, modèles de portefeuilles», expose Denis Gauthier. Ces modèles sont «scientifiquement construits», précise-t-il, afin de refléter les profils d’investisseurs.
Pour sa part, Guillaume Maurice dit oeuvrer avec quatre modèles de portefeuilles. «Cela permet d’uniformiser la prise de décision. Par exemple, si on vend du Apple, il faudra le remplacer par un autre titre techno. Avec ces portefeuilles automatisés, le titre choisi pourrait être du Microsoft. Si c’était le cas, ce ne serait pas du Google pour un portefeuille et du Amazon pour un autre, mais du Microsoft pour l’ensemble des portefeuilles concernés», illustre-t-il.
La conformité est un autre facteur qui favorise la montée de la gestion discrétionnaire. «Les demandes en conformité sont moins lourdes. Par exemple, nous n’avons pas à fournir des feuillets d’information (fact sheets) avant l’achat», remarque Louis Khalil.
«Et nous n’avons pas à nous demander quelle sera la réaction des clients par rapport au dévoilement de la rémunération, comme ce sera le cas des courtiers qui relèveront le défi du Modèle de relation client-conseiller phase 2 (MRCC 2)», ajoute Guillaume Maurice.
Éric Lauzon est vice-président, développement des affaires et recrutement, Est-du-Canada, chez Gestion de patrimoine Assante. Il croit que «seule une minorité» de conseillers ont intérêt à devenir gestionnaires de portefeuilles. «Ce titre répond aux besoins des clients à haute valeur nette qui demandent de la rapidité et la réduction des formalités administratives», dit-il.
Selon lui, le seuil minimal d’actif de ces clients est de 2 à 3 M$.