Laissés pour compte

Appelée Retail Distribution Review (RDR), la réforme britannique est entrée en vigueur au début de 2013. Elle oblige dorénavant les conseillers à négocier leur propre rémunération avec leurs clients.

Cette rémunération peut prendre la forme d’un pourcentage de l’actif sous gestion, d’honoraires qui s’établissent en moyenne à 150 £ de l’heure (soit 277 $ CA) ou d’une somme fixe.

Une étude de Deloitte, publiée peu avant la mise en application de la réforme, donnait quelques munitions à ses opposants.

Le cabinet-conseil estimait que les individus qui ont moins de 50 000 £ d’épargne (90 000 $ CA) n’auraient plus accès aux services-conseils pour deux raisons : les institutions financières et les conseillers leur fermeraient leur porte par souci de rentabilité, et les épargnants n’auraient pas les moyens de payer les honoraires (http://tinyurl.com/c8ueokn).

Or, cette prédiction serait en voie de se réaliser, du moins en partie.

Dans un sondage mené par la firme GFK et publié en juillet dernier, 425 conseillers affirmaient qu’environ 14 % de leur clientèle serait éliminée en raison de leur faible profitabilité (http://tinyurl.com/kumjap6).

Un autre sondage publié en décembre donnait le même son de cloche.

Réalisée par NMG Consulting, en collaboration avec l’Association of Professional Financial Advisers (APFA), cette enquête montre que la moitié des conseillers interrogés (47 %) ont refusé en 2013 des clients pour des motifs de rentabilité. Près de la moitié des conseillers en ont refusé au moins cinq.

L’APFA estime que cela représente 60 000 épargnants au Royaume-Uni (http://tinyurl.com/ml7wnsf).

Coup de balai

Il est clair que les institutions bancaires britanniques n’ont pas perdu de temps pour écarter leurs clients peu fortunés en rehaussant leurs exigences en matière d’actif géré.

S’ils veulent consulter un conseiller, les clients de la banque HSBC doivent maintenant avoir au moins 50 000 £ en épargne et investissement. Le palier est deux fois plus élevé chez Lloyds TSB.

Ces «petits» clients sont invités à utiliser les sites de courtage à escompte de ces banques. Tomberont-ils alors dans ce qu’un chercheur de la Cass Business School appelle le guidance gap, c’est-à-dire le «vide du conseil» (http://tinyurl.com/mnhdpxg) ?

En effet, qui dira maintenant à ces investisseurs autonomes que tel produit ne convient pas à leurs buts ou à leur tolérance au risque ? Que leur arrivera-t-il s’ils tombent dans ce que les Britanniques désignent par le terme imagé de «self mis-selling» (vente abusive faite à soi-même) ?

L’inertie financière est une autre conséquence inévitable du guidance gap.

Un sondage effectué en septembre pour le compte de la société financière Yorkshire Building Society relève qu’un Britannique sur deux se dit dissuadé d’investir dans des produits comprenant des actions en raison d’un manque de connaissances spécialisées.

Un épargnant sur quatre (27 %) signale qu’il est devenu «difficile» ou «très difficile» de trouver un conseiller, en dépit d’une épargne mensuelle moyenne de 240 £ (430 $) (http://tinyurl.com/kthrupx) ! Ce type de client se rabattra-t-il alors sur les certificats de placement garanti ?

Perte de clientèle

Pour toutes ces raisons, les conseillers britanniques ont connu une année difficile.

Selon la société-conseil NMG, les conseillers plus âgés ont accéléré leur départ à la retraite (http://tinyurl.com/m6q875a).

Jeunes et moins jeunes ont cependant partagé la même inquiétude prépondérante en 2013, à savoir la fuite d’une partie de la clientèle.

Le tiers des 150 conseillers consultés dans un sondage ont fait de la rétention de la clientèle leur objectif numéro un en 2013, alors que la moitié d’entre eux se sont concentrés à maintenir les niveaux de revenus atteints en 2012.

Seulement un conseiller sur cinq a envisagé l’acquisition de nouveaux clients comme sa priorité de l’année. Pour un conseiller sur sept, la priorité était d’informer la clientèle des effets de la réforme, ce qui peut être interprété comme une stratégie de rétention de clientèle (http://tinyurl.com/ktz495v).

Assureurs sur la sellette

Chose certaine, les autorités de réglementation britanniques ne chôment pas.

La Financial Conduct Authority (FCA), l’organisme de réglementation responsable des réformes, prête une attention particulière aux pratiques de vente des compagnies d’assurance vie.

La FCA a remarqué que des assureurs ont mis en place des «arrangements financiers» qui visent à inciter des firmes de conseillers à favoriser la distribution de leurs produits. Selon la FCA, cela pourrait se faire au détriment des intérêts des consommateurs.

La FCA mènera des consultations jusqu’en octobre prochain (http://tinyurl.com/overw6z).