« Tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler » : cette petite phrase illustre l’art de savoir filtrer, structurer et affiner ses propos, ce que les experts appellent l’édition stratégique. Cette compétence clé est essentielle pour interagir avec les équipes et avec les clients. Comme le soulignent les coaches Jordan Stark et Tutti Taigerly dans Harvard Business Review, cela consiste à savoir quoi dire, quoi taire, comment le dire et quand le silence vaut mieux que la parole.
Les personnes qui accèdent à des postes à responsabilités réalisent rapidement que les habitudes de communication qui leur ont été utiles dans les premières étapes de leur carrière sont plus efficaces une fois au sommet, indiquent les deux coachs. Pour être entendus, ils doivent apprendre à parler moins, et avec plus d’impact. Des messages abrupts ou mal cadrés, même bien intentionnés, peuvent engendrer la confusion et l’inquiétude.
Selon Harvard Business Review, cinq styles de communication fréquents nuisent à la précision et à l’efficacité :
- La franchise à l’état brut
Prôner une honnêteté brute, c’est livrer ses pensées sans filtre. Toutefois, sans mise en contexte, ces propos abrupts peuvent miner le moral de l’auditoire, même s’ils sont factuels. La façon de formuler un commentaire compte autant que le contenu. Certaines personnes peuvent apprécier cette franchise, mais d’autres peuvent en sortir blessés.
À faire : marquer une pause avant de parler, réfléchir à l’effet souhaité et cadrer les messages sans sacrifier la franchise.
- La créativité débordante
Les idées fusent, souvent trop tôt et sans contexte, ce qui brouille les priorités. Cette créativité débordante peut représenter une force. Cependant, l’abondance des initiatives tous azimuts peut mêler les cartes. Ce type de personnalité lance sans cesse de nouveaux projets lors de réunions, diluant l’attention portée à l’activité principale.
À faire : réserver des moments dédiés à l’innovation et distinguer clairement les idées exploratoires des priorités stratégiques.
- L’anxiété contagieuse
Animé par un souci de transparence, exprimer ses doutes à chaud peut semer l’incertitude et agiter inutilement l’entourage. Cette attitude risque de déstabiliser l’interlocuteur, voire de le rendre anxieux.
À faire : prendre le temps de clarifier sa pensée avant de s’exprimer et adapter son ton pour restaurer le calme et la clarté.
- « TMI » (Too Much Information)
Dans un souci d’authenticité, partager trop d’éléments personnels brouille les frontières entre vie privée et vie professionnelle. Cette démarche, visant à créer du lien avec l’auditoire, suscite en réalité davantage de doutes quant à la solidité du jugement.
À faire : trouver un équilibre entre authenticité et intention en choisissant avec discernement quoi et quand partager.
- « Sur-expliquer »
En cherchant à clarifier, trop de détails — notamment des informations techniques surchargées — noient l’interlocuteur et nuisent à la crédibilité.
À faire : commencer par un résumé clair, donner trois ou quatre arguments clés et garder les détails pour les questions.
L’édition stratégique peut s’avérer utile dans chacune de ces situations. Cette approche consiste à adapter sa communication à son rôle, indiquent Jordan Stark et Tutti Taigerly. Il ne s’agit pas de cacher de l’information, mais de sélectionner l’essentiel, choisir la meilleure formulation et décider du moment judicieux pour parler.
Pour réussir à appliquer cette méthode, quelques précautions sont indispensables, selon Harvard Business Review.
Comprendre que chaque mot compte : en position d’autorité, toute parole est amplifiée. Un soupir peut inquiéter, une phrase improvisée peut infléchir une stratégie. Formulez clairement ce que vous communiquez et ce que vous ignorez encore.
Avant de prendre la parole, clarifiez votre auditoire et l’effet recherché : qui écoute ? Que souhaite-t-il savoir ? Que doit-il penser, ressentir et faire après votre intervention ?
Se préparer ou se taire : Si une idée est floue ou trop chargée d’émotion, attendez le bon moment pour l’exprimer. Parfois, la meilleure décision est de ne pas parler tout de suite.
Cadrer avec intelligence : la manière de présenter une information change sa perception. Parler d’un traitement ayant « 90 % de taux de survie » n’a pas le même impact que « 10 % de mortalité », illustrent les auteures de l’article. Un bon cadrage donne confiance et structure, soulignent-elles.
Tester ses messages : avant une communication importante, confrontez vos propos à un mentor ou coach et demandez-lui ce qui ressort et ce qui peut être simplifié.
Selon Jordan Stark et Tutti Taigerly, l’édition stratégique n’est pas un filtre pour dissimuler la vérité : c’est un outil pour que chaque mot renforce la clarté, la crédibilité et la confiance de vos propos.