Qu’avez-vous pensé quand vous avez entendu pour la première fois ce que le gouvernement de Chypre voulait imposer une taxe sur les dépôts bancaires? Vous avez probablement réagi en vous disant que cela ne pouvait arriver que dans ce type de pays peu connu, peu populeux, et qui n’a que récemment atteint un certain niveau de sophistication dans ces institutions financières qui elles, étaient clairement plus en avant que ses autorités réglementaires.

Peu importe la cause sous-jacente à cette crise, c’est ce que ce type d’action veut dire qui est le plus préoccupant. En fait, cela signifie que les autorités sont prêtes à tout pour faire face à la crise d’endettement, quitte à briser, implicitement ou explicitement, les lois et les contrats sociaux.

Les crises d’endettement excessif, que ce soit au niveau des gouvernements, des entreprises ou des individus, ne sont pas un phénomène nouveau. À travers l’histoire, elle ce sont répétées à maintes reprises. Plusieurs chercheurs ont tenté de trouver une certaine cyclicalité derrière ce qu’ils ont appelé les grands cycles de création et de destruction de crédit. On les appelle cycles de Kondratieff, du nom d’un économiste russe. Il serait plus juste de parler de vague que de cycle, car comme les vagues de l’océan, ces périodes d’expansion et de contraction de crédit se répètent, mais à intervalle et magnitude variable.

Joseph Schumpeter et l’école autrichienne se rapprochent de ce phénomène lorsqu’ils font référence aux cycles de destruction créative. On détruit la dette pour mieux repartir. L’équivalent dans la nature est la nécessité pour une forêt de subir des feux pour pouvoir survivre à long terme et se régénérer.

Des actions hors normes

Pourquoi la dette excessive est-elle importante pour les investisseurs? Parce qu’elle change complètement la façon qu’a l’économie de se comporter et de ce fait, entraine des actions non traditionnelles de la part des autorités fiscales et monétaires.

Une économie sans ou avec un faible niveau de dette peut se comparer à une automobile roulant sur l’autoroute : tant qu’on avance, on est correct. Si on perd de la vitesse, on peut s’arrêter sans dommage sur l’accotement. C’est si on commence à reculer que les sérieux problèmes commencent. Pour l’économie, cela équivaut à une situation où tant qu’on évite une récession, la situation n’est pas dramatique. Pour repartir le tout, on n’a qu’à pousser l’auto pour régler le problème (politique fiscale et monétaire expansionniste).

Pour une économie endettée, l’analogie appropriée est plus celle d’un avion en vol. Pour rester en l’air, un avion a besoin de voler à une vitesse minimale. Plus un avion est chargé, plus il est difficile pour ses moteurs de fournir la poussée nécessaire pour rester en l’air. Donc, lorsque la vitesse ralentit et s’approche de la vitesse minimum, il y a deux actions possibles pour éviter l’écrasement. On baisse le nez de l’avion pour augmenter la vitesse grâce à la descente ou on réduit le poids en se délestant, soit des bagages ou des passagers. Plus le poids est élevé, moins la première solution sera efficace.

Donc pour qu’une économie endettée ne s’écrase pas, elle doit conserver une croissance minimum. Plus la dette est élevée, plus ce seuil est élevé. Ceci explique pourquoi les autorités réagissent de façon si agressive pour relancer l’économie malgré le fait qu’on est sortie de la récession. On veut éviter l’écrasement. Cela explique aussi le niveau anormal des taux d’intérêts contrôlés par les banques centrales et leurs interventions dans les marchés obligataires à plus long terme. On abaisse le nez de l’avion.

Par contre, comme le niveau de la dette est très élevé, l’efficacité de cette approche est au mieux médiocre. Cela explique aussi que certains experts prônent une réduction de la dette et des déficits, car selon eux, sans cela, l’avion restera trop lourd pour les moteurs. Cette analogie illustre très bien le débat entre les partisans de la croissance a tout prix et ceux de l’austérité. Ce débat est la source de la crise du plafond de la dette aux États-Unis.

Les conclusions pour les investisseurs sont que la situation est très fragile à cause de la dette, car nous n’avons même pas besoin d’être en récession pour avoir une crise. Ainsi, les autorités monétaires et fiscales vont utiliser plusieurs méthodes non conventionnelles pour essayer de s’en sortir. Les réflexes habituels de placements doivent donc être remis en question.

Le mois prochain, je passerai en revu une série de méthodes qui furent et peuvent être utilisés pour régler, à long terme, le problème de la dette et leurs conséquences pour les marchés.

 

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Pascal Duquette.