Comment contrecarrer l'effet d'une désignation de bénéficiaire valide
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En effet, un enfant ou un conjoint d’un titulaire d’un contrat d’assurance vie, d’un contrat de rente (incluant les fonds distincts) ou d’un titulaire/participant de certains régimes de retraite peut, dans les 6 mois du décès du titulaire, demander au tribunal la saisie partielle ou totale d’une prestation de décès dans les mains d’un bénéficiaire même en présence d’une désignation de bénéficiaire valide. Cependant, ce droit vise seulement la désignation de bénéficiaire faite dans les trois années précédant le décès. Il faut aussi que, sans cette désignation, le capital décès aurait été payé à la succession (ou au créancier alimentaire). Cela permet au créancier alimentaire de recevoir une contribution alimentaire, peu importe qu’une pension alimentaire ait été versée ou non avant le décès.

Lisons l’article 691 du Code civil du Québec :

691. Sont assimilés à des libéralités les avantages découlant d’un régime de retraite visé à l’article 415 ou d’un contrat d’assurance de personne, lorsque ces avantages auraient fait partie de la succession ou auraient été versés au créancier n’eût été la désignation d’un titulaire subrogé ou d’un bénéficiaire, par le défunt, dans les trois ans précédant le décès. Malgré toute disposition contraire, les droits que confèrent les avantages découlant de ces régimes ou contrats sont cessibles et saisissables pour le paiement d’une créance alimentaire payable en vertu du présent chapitre.

Généralement un bénéficiaire qui reçoit une prestation de décès la conserve et n’a pas à payer les dettes du défunt du simple fait qu’il a reçu ladite prestation. Cependant les articles 684 à 695 C.c.Q. constituent une exception où il devient possible pour la succession de récupérer des sommes dans les mains d’un bénéficiaire d’une prestation de décès d’assurance, de rente (incluant les fonds distincts) ou autres, de façon à payer une contribution alimentaire post-décès, au conjoint ou à l’enfant.

Les produits visés sont les suivants :

Régimes visés à 415 C.c.Q.

  • le régime régi par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (chapitre R-15.1) ou par la Loi sur les régimes volontaires d’épargne-retraite (chapitre R-17.0.1) ou celui qui serait régi par l’une de ces lois si celle-ci s’appliquait au lieu où l’époux travaille, (par exemple, les régimes de retraite privés sous juridiction provinciale du Québec, les RVER et d’autres)
  • le régime de retraite régi par une loi semblable émanant d’une autorité législative autre que le Parlement du Québec, (par exemple, un régime privé cotisé dans une autre province ou un régime privé fédéral ou un RPAC)
  • le régime établi par une loi émanant du Parlement du Québec ou d’une autre autorité législative, (par exemple, les régimes publics provinciaux tels le RREGOP, le RRPE, etc. et les régimes publics fédéraux)
  • un régime d’épargne-retraite, (par exemple, un REER, un FERR, un CRI, un FRV, etc.)
  • tout autre instrument d’épargne-retraite, dont un contrat constitutif de rente, dans lequel ont été transférées des sommes provenant de l’un ou l’autre de ces régimes. (par exemple, une rente enregistrée achetée par les sommes provenant d’un RPA)

Contrat d’assurance de personnes

  •  Contrat d’assurance vie
  • Contrat d’accident-maladie (incluant, entre autres, la prestation de remboursement de prime au décès sur un contrat d’assurance maladies graves)

Un contrat de rente pratiqué par un assureur, incluant :

  • les contrats de rente à capital variable basé sur des unités de fonds distincts (ci-après appelés « Fonds distincts »)
  • les contrats de rente d’accumulation à intérêts garantis
  • Les rentes certaines ou viagères avec ou sans période garantie

Les contrats de rentes (incluant les fonds distincts) sont assimilés à l’assurance de personnes et sont donc inclus dans la liste visée à 691 C.c.Q.:

2393 C.C.Q. L’assurance sur la vie garantit le paiement de la somme convenue, au décès de l’assuré; elle peut aussi garantir le paiement de cette somme du vivant de l’assuré, que celui-ci soit encore en vie à une époque déterminée ou qu’un événement touchant son existence arrive.

Les rentes viagères ou à terme, pratiquées par les assureurs, sont assimilées à l’assurance sur la vie, mais elles demeurent aussi régies par les dispositions du chapitre De la rente. Cependant, les règles du présent chapitre sur l’insaisissabilité s’appliquent en priorité.

Les conditions pour l’ouverture du droit à la contribution alimentaire post-décès sont les suivantes:

1. Décès de X.

2. Un créancier alimentaire potentiel de X tel que le (la) conjoint(e) marié (e) ou uni(e) civilement ou un enfant. Notez qu’il peut y avoir d’autres types de créanciers alimentaires notamment l’ex-conjoint divorcé ou certains ascendants mais il n’est actuellement pas clair en droit s’ils peuvent se prévaloir de l’article 691 C.c.Q. pour faire saisir un capital-décès.

3. Le créancier alimentaire peut ou non avoir déjà été créancier d’une pension alimentaire avant le décès.

4. Le créancier alimentaire doit réclamer une contribution alimentaire à la succession (donc au liquidateur).

5. Cette réclamation doit se faire dans les 6 mois suivant le décès (article 684 C.c.Q.).

6. Il faut que le décédé ait désigné un bénéficiaire autre que le créancier alimentaire dans les 3 ans précédant le décès.

7. Il faut que, sans ladite désignation, les sommes auraient été versées à la succession ou audit créancier alimentaire.

8. Il faut que l’actif de la succession soit insuffisant pour payer entièrement la contribution alimentaire au créancier alimentaire, en raison de la désignation.

Si toutes ces conditions sont respectées, il pourrait être possible pour le liquidateur de saisir une partie ou la totalité des sommes (le capital-décès) reçues par le bénéficiaire. D’autres conditions peuvent s’appliquer.

La condition 7 suppose une action de la part du décédé, de son vivant. Ainsi, dans le cadre des régimes de retraite, il est probable que l’on vise les cas où aucun conjoint ne se qualifiait à la priorité de paiement au décès et que les sommes étaient payables à un bénéficiaire désigné par le participant.

Dans le cas de la prestation de décès d’un fonds distinct, que le fonds distinct soit REER, FERR, CRI, FRV, ou non enregistré, il s’agit toujours d’un contrat de rente et cette prestation de décès peut être sujette à l’article 691 C.c.Q. si tous les autres critères donnant droit à l’ouverture du recours sont respectés.

La contribution alimentaire est attribuée sous forme d’une somme forfaitaire payable en un seul ou en plusieurs versements. Elle ne dépasse généralement pas six ou 12 mois selon le cas. Généralement, elle est fixée par le liquidateur avec le consentement des héritiers et légataires particuliers ou, à défaut d’entente, par le tribunal (C.c.Q. 685). Plusieurs critères s’appliquent au calcul du montant de cette contribution mais ils ne font pas l’objet de cet article (C.c.Q. 686).

En conséquence de ce qui précède, il pourrait être approprié pour un représentant d’informer le bénéficiaire à qui il remet un chèque de prestation de décès des dispositions de l’article 691 C.c.Q. ; de préférence avant que le bénéficiaire dépense l’argent!

Veuillez noter que plusieurs exceptions peuvent s’appliquer au contenu de cet article, qu’il vous est fourni à titre informatif et qu’il ne s’agit pas d’une opinion juridique. Les clients et les conseillers doivent rencontrer leur propre conseiller juridique pour vérifier l’applicabilité ou non de ces informations à leur situation personnelle.

Les principes énoncés dans le présent article s’appliquent non seulement dans le cas d’une désignation de bénéficiaire mais également dans le cas d’une désignation de titulaire subrogé.