« Même si la courbe des rendements s’est aplanie en 2014, nous croyons que le marché réagira à l’avance aux dernières indications de la Fed et qu’elle amorcera une pentification dès la fin de cette année », note Alfred Lee, vice-président, gestionnaire de portefeuille et stratège en placements pour la division FNB de BMO.

Brian Miron est gestionnaire de portefeuilles pour Fidelity Investment et travaille pour la division de titres à revenu fixe de la Fidelity Management & Research Company. Il rappelle que la Réserve fédérale américaine tente depuis quelques mois de préparer le marché obligataire à cette hausse afin qu’il n’y pas de panique générale.

« Les banques centrales américaine et canadienne laissent entendre que leur politique monétaire sera de monter les taux d’intérêt et que cela aura un impact bien sûr sur la valeur des obligations et la courbe des rendements. Cependant la Fed devrait fonctionner selon un processus graduel puisqu’elle ne voudrait pas perturber l’économie avec des gestes soudains », dit-il.

La démarche Fidelity

Il explique que chez Fidelity, la stratégie en termes de revenu fixe demeure essentiellement la même depuis 2013, lorsque l’ex-président de la Fed, Ben Bernanke a souligné que le processus de ralentissement des achats d’obligations débuterait, mais s’effectuerait à pas de tortue.

« Nous avons accrue quelque peu notre exposition au marché des obligations de sociétés, particulièrement celles avec une plus courte durée et une plus courte échéance. Nos portefeuilles à revenu fixe sont généralement composés d’environ 50 % d’obligations de sociétés. Le reste d’un portefeuille sera formé d’environ 22 % d’obligations du gouvernement provincial, de 20 % d’obligations du gouvernement fédéral et la portion restante, environ 3 %, contient des obligations municipales », détaille Brian Miron.

D’après lui, il reste au moins de six à neuf mois avant que la fed augmente son taux directeur, ce qui rend Fidelity comfortable dans sa position actuelle.

Il ne se dit pas inquiet de la performance du marché obligataire à court terme : « Les économistes et stratèges prévoient de plus hauts taux que ce que le marché indique en ce moment et cette réaction graduelle des marchés pourrait permettre au marché des obligations au Canada de générer tout de même des profits modestes à un chiffre. »

Faire durer « le plaisir »

Selon lui, les portefeuilles du gestionnaire mondial demeurent diversifiés. Fidelity gère un actif d’environ 1,7 billions $CAN en fonds communs de placements « dont la moitié constitue du revenu fixe », spécifie Brian Miron. Dans cette portion, on retrouve 17 milliards de dollars (G$) d’obligations de sociétés « de première qualité » en dollars canadiens destinés aux investisseurs canadiens.

Il mentionne que la durée des titres dans des portefeuilles de Fidelity est en ce moment très similaire à leur indice de référence selon leurs mandats respectifs.

« Notre Fonds Fidelity Obligations canadiennes se fie à peu près à l’indice obligataire universel FTSE TMX Canada dont la durée est d’environ 7, 2 ans. La durée de notre fonds est prévue à 7 ans. Certains de nos compétiteurs peuvent gérer leur fonds de façon à ce que leur durée soit un peu plus courte que l’indice, mais nous nous préférons leur offrir un autre produit qui aura cette caractéristique à la place comme par exemple le Fonds Fidelity d’obligations canadiennes à court terme qui suit de près l’indice obligataire court terme FTSE TMX Canada d’une durée de 2,6 ans. Notre fonds composé entièrement d’obligations de sociétés a quant à lui une durée de 6 ans. »

Secteurs chouchous

Brian Miron souligne que Fidelity reste un gestionnaire actif et que sa nature première demeure d’aller chercher des titres qui lui plait dans certains secteurs. En ce moment une pondération plus large de ses portefeuilles est accordée au secteur bancaire. « Nous affectionnons les six grandes banques canadiennes. Elles offrent plusieurs instruments intéressants tels que les créances de premier rang, les dettes subordonnées et les dettes hybrides », considère-t-il.

Il nomme aussi les secteurs des télécommunications et de la câblodistribution comme paniers prometteurs puisque plusieurs entreprises y ont fait des acquisitions dans les derniers mois et possèdent un bon crédit.

« En tant que gestionnaire actif, nous irons peut-être gratter le fonds dans des secteurs où les titres fonctionnent moins bien et sont offerts à bas prix, mais dont nous prévoyons qu’une dévaluation à court terme. » Il cite les fiducies de placement immobilier (FPI) dans les immeubles commerciaux à revenu comme placement attrayant. Par ailleurs, Fidelity n’a pas beaucoup d’œufs placé dans les secteurs de l’énergie et des infrastructures ces temps-ci. « Nous sommes désenchantés par la perspective de crédit des entreprises du domaine énergétique. Quant aux infrastructures, c’est un secteur fort, mais dont les évaluations de beaucoup d’entreprises sont serrées. »

Vision fixe de BMO

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Vision fixe de BMO

Alfred Lee, vice-président, gestionnaire de portefeuille et stratège en placements pour la division FNB de BMO est également d’avis que dans le climat économique actuelle, la diversification reste la clé.

« Il est bien de diversifier son portefeuille aussi à l’extérieur du Canada avec des obligations de sociétés qui ont un bon crédit. Les obligations américaines à haut rendement produisent des résultats faibles record. Toutefois, si les taux d’intérêt se mettent à monter, le marché des obligations de sociétés « de première qualité » pourrait être avantageux », explique-t-il. Donc, les deux gestionnaires gardent un œil de près sur cette catégorie d’obligation de société. Par exemple, il suggère de regarder du côté des entreprises du secteur des technologies avec beaucoup de liquidité telle que Apple.

« La période d’argent facile avec les obligations à haut rendement est assurément terminée. Nous ne verrons plus avant un bon moment une performance comme celle connue de 2009 jusqu’à maintenant. Il demeure une façon d’accroître le rendement, alors j’en garderais tout de même une portion, mais je surveillerais de plus près ses risques », partage-t-il aussi.

Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain

Selon Alfred Lee, l’idée fausse la plus répandue en ce moment est qu’il faut éviter à tout prix le revenu fixe parce que les taux d’intérêt vont monter. Il donne en exemple les investisseurs cette année qui ont manqué le bateaux des rendements d’obligation en investissant beaucoup plus dans les actions. « Tout le monde pariait contre le revenu fixe. Pourtant il a bien performé. Il demeure une partie cruciale d’un portefeuille selon moi. Il ne faut pas complètement l’éviter, mais seulement être davantage sélectif », exprime-t-il.

Comme Brian Miron, il affectionne particulièrement les entreprises américaines et canadiennes qui bénéficient pour le moment de bonnes conditions économiques, mais évitent les marchés émergents en raison des risques géopolitiques actuels.

Il semble d’un autre côté avoir une crainte plus marquée que son homologue de Fidelity quant à la durée générale des obligations canadiennes, il remarque que les émetteurs tentent d’allonger celles de leurs obligations ces temps-ci afin de geler un prix de financement moins cher. « Ma crainte est que certains investisseurs ne fassent que reproduire systématiquement cette durée et se retrouvent complètement en dehors de la traque lorsque les taux d’intérêt vont grimper. Il faut qu’ils diversifient maintenant et non pas seulement garder cette idée en tête », conclut-il.