Inflation, protectionnisme et géopolitique sur le radar des experts
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«Sur le plan des investissements, on s’approche d’une maturité du cycle, ce qui est annonciateur d’une montée de l’inflation, explique Sébastien Lavoie, économiste en chef de Valeurs mobilières Banque Laurentienne. Généralement, les banques centrales réagissent en serrant la vis sur le plan monétaire. Pour l’instant, ça n’a pas été le cas, plusieurs banques centrales, dont celle du Japon et la Banque centrale européenne, sont encore proactives, et c’est pourquoi les marchés évoluent en ligne droite. Cependant, la Réserve fédérale américaine a commencé à changer de cap en se délestant des obligations qui arrivent à maturité. Il reste à voir ce que fera Jay Powell, successeur de Janet Yellen.»

La performance de l’économie canadienne, qui affiche presque le plein emploi, est un facteur qui a le potentiel de doper l’inflation, selon Jean-René Ouellet, gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins.

«Au Québec, le chômage est à son plus creux depuis 1976. Les entreprises peinent à trouver des travailleurs, un problème qui est devenu criant, alors que le gouvernement canadien veut enclencher d’autres projets d’infrastructures. Cela aura un impact sur les salaires. S’ils devaient augmenter un peu plus qu’escompté, il y aura une montée de l’inflation. Ce serait un peu ironique, mais cela pourrait nous plonger plus rapidement dans une récession.»

Il n’y a toutefois pas lieu de craindre une montée de l’inflation jusqu’à 3 ou 4 %, selon François Bourdon, chef des placements global chez Fiera Capital. «Il pourrait y avoir un peu plus de volatilité sur les marchés financiers, mais rien de dramatique», dit-il.

Si la majorité des indicateurs sont au vert actuellement, il craint toutefois que des éléments structurels viennent ralentir l’économie. «Le vieillissement de la population, la démographie, l’endettement élevé, la productivité relativement faible… le poids de ces facteurs structurels pourrait peser sur les marchés financiers et nous amener vers une économie plus faible, explique François Bourdon. Ce n’est pas notre scénario principal, mais c’est un risque que nous considérons quand nous établissons nos politiques de répartition des actifs.»

Un regain du protectionnisme

Sébastien Lavoie surveille de près les négociations de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). «Il y a toujours un risque qu’il ne soit pas renouvelé. Cela entraînerait une turbulence sur les marchés nord-américains qui pourrait menacer des secteurs économiques. Si la monnaie canadienne se déprécie pour absorber le coup, cela aurait un impact pour les gros investisseurs qui ont des placements en dollars américains.»

À court terme, le non-renouvellement de l’ALENA ne serait peut-être pas si négatif que ça, reconnaît Sébastien Lavoie. «La Banque du Canada est en mesure d’intervenir, le gouvernement pourrait aussi décider d’abaisser le taux d’imposition des entreprises pour maintenir leur compétitivité. N’empêche que, structurellement, je ne vois pas ça d’un bon oeil. Il pourrait y avoir une perte de potentiel sur le plan économique. De façon délibérée, l’administration américaine cherche à créer un contexte pour que les entreprises préfèrent s’installer sur le sol américain plutôt que canadien.»

Les tensions géopolitiques

Les conflits au Moyen-Orient, le protectionnisme accru de la Chine, les crises politiques en Asie, notamment en Corée du Nord, sont tous des éléments du contexte géopolitique mondial qui pourraient peser sur les marchés mondiaux en 2018, estiment les experts interviewés.

Il y a recrudescence des tensions en Iran en même temps que ses relations avec l’Arabie saoudite restent conflictuelles. De plus, la récente décision de Donald Trump au sujet du transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem est venue jeter de l’huile sur le feu dans cette région du monde. Finalement, la crise de l’endettement en Chine représente aussi un risque de nature à influer sur les marchés financiers, selon François Bourdon.

«Dans ce pays, le processus décisionnel tient à un homme plutôt que de reposer sur une démocratie. Si le dirigeant a envie de faire ralentir l’économie pour rétablir une stabilité à long terme, cela devient un risque», explique François Bourdon. Pour le moment, la force de l’économie mondiale sert de rempart, mais un revirement est toujours possible.