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La profession de conseiller financier comporte de nombreux défis. Parmi ceux-ci figure la vulgarisation des concepts complexes aux clients.

Pourquoi est-ce important de vulgariser ?

 Pour améliorer leur littératie financière;

  • Pour faire sentir au client que nous avons à cœur sa compréhension et l’atteinte de ses objectifs;
  • Pour réduire les risques que votre client prenne des décisions irrationnelles basées sur leurs émotions;
  • Pour bénéficier de la sélection naturelle des clients ouverts d’esprits et compréhensifs;
  • Pour améliorer votre rétention de clients, surtout en période de volatilité.

Un des gestionnaires américains les plus connus, Peter Lynch, a géré le fonds de Fidelity Magellan entre 1977 et 1990. Il a généré un impressionnant rendement annualisé de 29% durant ces 13 années. Malgré sa performance remarquable, l’investisseur moyen a réalisé un rendement négatif1 . Comment est-ce possible ? Selon Fidelity, les investisseurs ont fait ce qu’ils appellent de la chasse à la performance. Lorsque le fonds chutait, les investisseurs retiraient leur argent du fonds et réinvestissaient lorsque la performance du fonds était en hausse.

Cette statistique montre que les investisseurs prennent parfois des décisions irrationnelles, pouvant mener à des résultats désastreux. Par le fait même, nous rappelons l’importance du conseil qui réduit les risques de telles décisions. Le professionnel en services financiers peut permettre à un investisseur de se sentir rassuré lors de périodes volatiles, mais peut aussi améliorer la littératie financière de son client en lui enseignant les concepts de bases de la finance lui permettant d’être mieux outillé pour faire face aux fluctuations du marché.

Comment s’y prendre ?

Les clients ne sont pas tous au même niveau de connaissances en la matière et il est primordial de s’assurer qu’ils ont l’ouverture de nous poser toutes leurs questions sans gêne. Michel-Olivier Marcoux, Auteur, chroniqueur, conseiller en sécurité financière chez Gestion de patrimoine ASF et représentant de courtier en épargne collective rattaché à MICA Capital Inc., indique qu’il prend le temps de bien rassurer ses clients lorsqu’il les rencontre pour la première fois : « je leur explique qu’il est normal qu’ils s’y connaissent peu sur la finance, on reçoit très peu de formation financière à l’école et nos parents ne sont pas tous à l’aise de nous enseigner les concepts, eux-mêmes ayant reçu très peu de formation en la matière! »

Michel-Olivier Marcoux considère qu’il est primordial d’établir les bases de la confiance avec tout nouveau client, car à long terme, ça en vaut définitivement la peine. Un client à l’aise vous appellera pour obtenir des conseils et ne sera pas embarrassé de vous questionner au besoin.

Jean-François Rémillard, conseiller en sécurité financière chez Gestion de patrimoine Séquito et représentant de courtier en épargne collective rattaché à MICA Capital Inc., considère aussi la confiance comme étant la base de toute relation d’affaires à long terme. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il recommande aux conseillers en début de carrière d’éviter de faire l’étalage de leurs connaissances. En effet, cela pourrait mener un client à sentir une séparation entre lui et son conseiller, empêchant celui-ci de développer un sentiment d’ouverture.

Selon lui, il est préférable d’apprendre à connaitre notre client en lui posant des questions ouvertes : « l’aptitude à maîtriser, c’est d’avoir la subtilité de poser les bonnes questions », conseille-t-il.

Selon ces deux conseillers, il est primordial de bien connaitre notre client, non seulement pour être en mesure de mieux le conseiller, mais aussi, pour savoir quelle façon est la plus efficace de leur parler pour favoriser leur compréhension.

Tentez de cibler la méthode d’apprentissage de votre client (visuel, auditif, kinesthésique) ainsi que leur profil de personnalité et adaptez votre langage à ceux-ci. De plus, misez sur la simplicité : « Si votre client est visuel, faites-lui des dessins; des ronds, des carrés et des triangles sont simples à comprendre », relate Jean-François Rémillard. En d’autres mots, il est préférable de se tenir à un support visuel simple plutôt que complexe pour un client débutant.

Michel-Olivier Marcoux renchérit sur ce point en recommandant de prendre en note tous les aspects la personnalité de votre client pouvant vous aider lors de vos prochaines rencontres. De plus, il conseille de noter les concepts abordés durant vos rencontres pour éviter de vous répéter et vous assurer que vous n’avez pas oublié un concept important.

Évidemment, le tout doit se faire graduellement, n’oubliez pas que l’attention de l’humain commence à diminuer après 25 minutes. Il est donc préférable de ne pas bombarder votre client d’informations à chaque rencontre.

Jean-François Rémillard propose aux « jeunes conseillers » de se pratiquer à expliquer les concepts financiers avec des membres de leur entourage qui s’y connaissent peu en la matière : « si la personne comprend, vos explications passent le test; sinon, retournez à la planche à dessin ! »

En vous pratiquant de la sorte, vous serez en mesure d’adapter facilement votre langage aux connaissances de votre client. Notamment, Jean-François Rémillard utilise la technique de l’entonnoir pour évaluer les connaissances de ses clients. Lorsqu’il entre dans des explications, il commence avec la base en abordant un langage facile à comprendre. Il estime que le plus important est de regarder le non verbal des clients, si moindrement on ressent qu’ils comprennent bien, on peut approfondir le concept en l’expliquant de manière de plus en plus complexe, comme pour descendre dans l’entonnoir. « Quand je remarque que mes clients froncent les paupières ou écarquillent les yeux, je remonte dans l’entonnoir », explique Jean-François Rémillard.

Pour conclure, Michel-Olivier Marcoux recommande à tout professionnel des services financiers en début de carrière d’être patient : « il n’y a rien comme l’expérience, ne vous mettez pas de pression par rapport à votre nombre d’années d’expérience ou à votre âge ».

Aussi, Jean-François Rémillard recommande de passer du temps avec des conseillers d’expérience : « J’ai beaucoup appris d’autres conseillers financiers, que ce soit des techniques que j’ai reproduites ou pas, ils m’ont permis de me faire une tête et de modeler ma pratique à mon image! »

Note1 – Fidelity Investments, Matt Driscoll, « Discipline: A key to success in business and investing ». Tuve Investments, Inc., 2008.

Cet article ne constitue pas un jugement envers les autres méthodes de vulgarisation. Les astuces énoncées sont uniquement à titre d’exemples et dans le but d’inspirer les conseillers financiers.

Par Ann-Rebecca Savard, RJCQ Montréal Rive-Sud