Tout d’abord, la rectitude fiscale, quoique désirable en soi, n’est pas toujours la meilleure approche de gestion de la politique fiscale d’un état, car plusieurs facteurs économiques entrent en compte.

Premièrement, le niveau de la dette en fonction de la taille de l’économie est très important. Plus celui-ci est élevé, plus nous devons combattre le déficit. La raison est simple, si ne nous le faisons pas, les intérêts sur la dette vont augmenter plus rapidement que les revenus de l’État et ne laisseront pas de ressources pour payer les dépenses des programmes gouvernementaux réguliers.

Kennet Rogoff et Carmen Reinhart, dans le livre « This time is different : eight centuries of financial follies » parle de 80% de dette en pourcentage du produit national brut (dette sur PNB) comme seuil critique. Leur conclusion se base sur les donnés empiriques qu’ils ont étudiées.

Il est étonnamment difficile de s’entendre sur le niveau de dette d’un état surtout à l’intérieur d’une confédération. En effet, il faut considérer la situation nette incluant toutes les sociétés publiques et parapubliques, les obligations actuarielles nettes (par exemple les régimes de retraite) et la part de la dette nette du gouvernement central.

Selon moi, on doit examiner ce seuil de danger en tenant en compte la capacité d’un état à croitre ses revenus. Cette capacité dépend de la croissance économique potentielle, en terme réel (avant inflation), de l’inflation, et de la capacité à augmenter les revenus gouvernementaux pour un niveau d’activité économique donné. Le seuil ou le ratio de dette sur PNB devient dangereux si la capacité de croitre les revenus de l’état est plus faible.

La croissance des dépenses des programmes est aussi cruciale. Si celles-ci augmentent plus rapidement que les revenus gouvernementaux, le seuil de dette tolérable est plus bas. Le niveau des taux d’intérêt est aussi important, car plus il est bas, mieux on peut supporter de dette.

Malheureusement, c’est ici que l’équation se corse pour le Québec et pour plusieurs états dans le monde. Je vous ai parlé dans une chronique précédente que la croissance économique potentielle du monde, mais surtout des pays industrialisés, est affectée par des vents de face reliés aux changements démographiques comme le vieillissement de la population.

L’effet net pour les gouvernements est d’avoir un potentiel de revenus plus faible en raison de la faible croissance économique et d’une inflation faible. Par contre, l’effet sur les dépenses est inverse, car celles-ci augmentent plus rapidement principalement à cause du viellissement de la population.

Augmenter l’assiette fiscale est une avenue préconisée par beaucoup de gens. Elle est valable, mais difficile a concrétiser. En effet, la mondialisation ainsi que la liberté de mouvement du capital et du travail compliquent la tâche du gouvernement. Il devient de plus en plus difficile de taxer (sous toutes les formes possibles) les citoyens (individus ou corporations) de façon signicativement différentes que les autres États. L’excès entrainera une fuite de capitaux qui serait encore plus néfaste.

La dernière avenue qui s’offre à nous est la variation du niveau des taux d’intérêt, mais je crois que dans notre situation actuelle, il reste peu de marge de manoeuvre de ce côté.

Il m’apparait donc logique de penser que seul une réingénierie de l’État et un contrôle de nos programmes peuvent nous permettre d’empêcher d’arriver à une situation de dette excessive. Nous nous retrouverions alors dans une situation où la gestion de notre État serait tributaire des demandes du marché financiers comme c’est le cas en Grèce actuellement.

La meilleure façon de perdre notre liberté d’agir est de devenir esclave de nos créditeurs. Laissons de coté nos divergences et n’oublions pas que « the good of the many outweighs the good of the one »
 

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification financière et fiscale (APFF), et a été écrit par Pascal Duquette.