Risque de survie

Il apparaît parfois contre-intuitif de parler de risque de survie. Les risques de marchés, d’inflation, de coûts de santé apparaissent fréquemment plus importants. Toutefois, le particulier dont une part importante des revenus de retraite proviendra de ses propres actifs devra se soucier du risque de survie. C’est-à-dire le risque de survivre à son capital, d’épuiser celui-ci.

Espérance de vie et durée raisonnable de décaissement

Historiquement, on a longtemps utilisé l’espérance de vie pour établir le moment où le capital retraite s’épuisait dans les projections. L’espérance de vie est une donnée statistique qui se base sur un âge futur auquel 50% des membres d’un groupe homogène (âge atteint, sexe) seront décédés. Par exemple, si on avance que l’espérance de vie d’un homme de 65 ans est de 24 ans, cela signifierait que sur un groupe de 1000 hommes de 65 ans observés aujourd’hui, 50%, donc 500, devraient être décédés à 89 ans. Si l’on planifiait la retraite d’un enfant naissant, ce qui est quand même assez rare (!), on utiliserait l’espérance de vie à la naissance. Un tel exercice, assez théorique, aurait peu de valeur, voila pourquoi on analysera plutôt ici l’espérance de vie du particulier qui a atteint l’âge de 65 ans.

Toutefois, utiliser l’espérance de vie du particulier comme date cible d’épuisement des actifs implique un certain risque en raison du fait que, statistiquement, 50 % des gens dépasseront cette durée. Si 50 % des particuliers survivaient à leur capital, cela impliquerait qu’une planification de retraite tablant sur l’espérance de vie aurait 50% de probabilités de ne pas tenir la route. La survie constitue donc réellement un risque financier à considérer pour la retraite.

Pour pallier ce risque, la pratique prudente sera d’ajouter quelques années à l’espérance de vie du particulier. Cette nouvelle durée constitue la durée raisonnable de décaissement. Elle représente essentiellement un âge auquel 75% (et non 50%) des membres d’un groupe homogène (âge atteint, sexe) seront décédés. Une planification de retraite tablant sur la durée raisonnable de décaissement plutôt que sur l’espérance de vie n’aurait que 25% des probabilités de ne pas tenir la route, donc 75% de tenir la route.

Normes de l’IQPF

L’Institut québécois de planification financière présente ces données, espérance de vie et durée raisonnable de décaissement pour différents âges dans les Normes d’hypothèses de projections.

Coût de cette prudence

Il semble donc pertinent (et prudent) d’utiliser la Durée raisonnable de décaissement plutôt que l’Espérance de vie mais cette pratique à un coût. Imaginons un homme de 65 ans qui possède un capital REER de 250 000 $ et qui vise en tirer un revenu uniforme. Un utilisant un rendement annuel de 3,90%, il pourrait toucher un revenu annuel de 16 229 $ jusqu’à 89 ans (son espérance de vie). S’il vise toucher un revenu annuel pour toute la Durée raisonnable de décaissement, soit jusqu’à 94 ans, il pourra tirer un revenu annuel de 14 546 $ de ses actifs. Dans ce cas-ci, le coût de cette prudence s’avère donc être une diminution de revenus annuelle de l’ordre de 1 683 $ ou 11,6%.

En conclusion

Le décès constitue évidemment un risque, mais au moment de la retraite, la survie (ou la trop longue survie) constitue également un risque à gérer.

Martin Dupras, a.s.a., Pl.Fin., M.Fisc, ASC
ConFor financiers inc.
Août 2017