Un phare allumé au soleil levant.
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Difficile de croire que quinze années se sont déjà écoulées depuis l’adoption des fonds négociés en Bourse (FNB) indiciels par mon équipe pour la gestion des actifs de nos clients. Depuis, beaucoup de choses ont changé. Ce qui n’a pas changé par contre, ce sont les principes dictant la gestion des portefeuilles de nos clients.

Ces principes nous ont permis de traverser plusieurs périodes tumultueuses avec succès et stabilité. Nos portefeuilles Sigma équilibré et Sigma revenu qui ont débuté en 2006 sont encore aujourd’hui le noyau des portefeuilles de nos clients qui apprécient la fiabilité de leur rendement ainsi que leur contrôle de la volatilité. Nous devons cette fiabilité du rendement à la structure de nos portefeuilles, qui a été inspirée par le travail de deux auteurs : Roger C. Gibson et Juan Parrondo.

En faisant des recherches à l’époque, je suis tombé sur un article datant de 1998 dans la revue américaine Journal of Financial Planning intitulé : Multiple asset class portfolios : managing financial risk écrit par Roger C. Gibson, planificateur financier américain. Son œuvre comporte trois principaux messages.

Son premier est que les marchés sont tout à fait imprévisibles et tenter de prévoir leur direction est un exercice futile et coûteux.

Son deuxième est que, malgré qu’il soit bien connu que la diversification diminue le risque d’un portefeuille, il est peu connu qu’avec le temps, la diversification augmente le rendement de ce même portefeuille (et ne le diminue pas comme on pourrait le croire).

Son troisième est que l’investisseur aurait plus de succès en conservant les différentes catégories d’actifs faiblement corrélées et en profitant de leur complémentarité plutôt qu’en tentant de choisir parmi elles en se basant sur des prévisions. L’investisseur rééquilibre le portefeuille de manière régulière pour conserver l’allocation initiale en place.

Dans son article, Roger C. Gibson illustre ce principe sur une longue période, de 1970 à 1998. Il utilise le graphique de risque rendement que l’on connait bien, soit avec le rendement annuel moyen à la verticale et le risque annuel moyen à l’horizontale. Donc les catégories d’actif offrant le plus grand rendement et la plus faible volatilité se situent en haut et à la gauche du graphique.

Dans son exemple, Roger C. Gibson compare différents portefeuilles, lesquels sont composés de quatre grandes catégories d’actifs soit les actions américaines, les actions internationales, les fiducies de placement immobilier (aussi désignées REITs ou real estate investment trust) et les matières premières. Gibson démontre que l’ajout de catégories d’actifs diminue la volatilité et l’incertitude du rendement ultime, et augmente le rendement moyen que l’investisseur peut espérer, surtout sur une base relative au risque.

L’idée qu’un portefeuille constitué de catégories d’actifs faiblement corrélées permette de diminuer la volatilité est assez intuitive. Certaines catégories d’actifs montent tandis que d’autres baissent et vice versa. Or, pour expliquer l’augmentation du rendement espéré, on peut se référer à un deuxième auteur, le physicien Juan Parrondo et à son intérêt pour la théorie des jeux.

Ce que Juan Parrondo a su démontrer c’est que, malgré que deux jeux puissent être ultimement perdants lorsque pris individuellement, lorsqu’ils sont combinés, le résultat peut devenir gagnant. Les applications sont nombreuses et se trouvent dans la physique, les jeux de chance et aussi la finance.

Imaginons deux placements, que ce soit deux titres boursiers, indices ou catégories d’actifs. Les deux placements se soldent en une perte après plusieurs années. Par contre, ils sont faiblement corrélés et ils sont volatiles. Imaginez détenir un portefeuille investi à parts égales dans les deux catégories d’actifs.

Étant faiblement corrélées et volatiles, leur poids dans le portefeuille ne restera pas longtemps égal, car l’un affichera sans doute une surperformance et l’autre une sous-performance. Pour maintenir notre pondération initiale 50 % -50 % sur une base trimestrielle, il nous faudra vendre un peu de la catégorie d’actif qui a surperformé et, avec le produit de la vente, ajouter à notre position sous-pondérée. Trimestre après trimestre, nous répétons l’exercice de vendre des titres gagnants, pour acheter des titres moins performants.

Ce que nous constatons est que cette discipline de rééquilibrage, avec le temps, génère un rendement propre à lui. D’ailleurs, deux phénomènes se produisent à peu près sans exception lorsque l’on rééquilibre dans le temps un portefeuille d’actifs peu corrélés. D’abord, la volatilité globale du portefeuille sera moins élevée que la moyenne pondérée de la volatilité de ses composantes. De plus, le rendement global du portefeuille sera généralement plus élevé que le rendement pondéré de ses composantes. Pas mal!

Au fil des années, nous avons beaucoup apprécié la fiabilité du rendement offerte par les principes exposés par Messieurs Gibson et Parrondo. Mais les avantages vont au-delà des chiffres et des statistiques. Le fait d’avoir une approche bien définie et disciplinée offre un énorme levier au conseiller. Cela élimine toute improvisation ou réaction émotive à des évènements de marché.

Notre discours reste constant et conséquent, peu importe les saveurs du mois ou les thèmes vedettes du moment et ceci est rassurant pour le client. Notre discipline est aussi contagieuse. Nous éduquons nos clients à lâcher prise et à se fier à la rigueur du processus de gestion. La grande majorité de nos clients ne se laissent plus distraire par les plus récents gestionnaires vedettes ou par les dernières modes.

Avoir une approche disciplinée et systématisée offre aussi une énorme économie dans l’utilisation du temps. Cela nous permet d’allouer plus de notre temps à ce qui importe le plus à nos clients que ce soit la fiscalité, la préparation à la retraite et les éléments financiers qui se rapportent à leur famille ou à leurs soucis de la vie. Nous avons aussi plus de temps afin de connaître davantage nos clients.

Avec les enseignements de Messieurs Gibson et Parrondo, que j’ai été en bonne compagnie ces quinze dernières années.

Guy Lalonde est conseiller en placement