Un homme d'affaire donnant une petite maison à un autre homme d'affaire
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Les FPI, très à la mode…

Quelle est la cause du gain de popularité des fiducies de placement immobilier (FPI) au Québec? Comme une image vaut mille mots, nous croyons pertinent de débuter par la présentation d’une structure typique de FPI.

Avec l’avènement de trois FPI depuis le début de l’année 2013, il est à se demander si la conjoncture économique constitue un terroir propice à la création de ces véhicules d’investissements immobiliers. En effet, le Québec a pu assister à la conversion de trois sociétés de capital de démarrage (CPC) cotées à la Bourse de croissance TSX en fiducies de placement immobilier : Capital Nobel Inc. (TSX:NEL), maintenant Nobel REIT (TSXV:NEL.UN); Taggart Capital Corp. (TSXV:TAG), maintenant PRO REIT (TSXV:PRV.UN) et Capital BLF Inc. (TSXV:BLF), dont la conversion est assujettie à l’approbation des actionnaires depuis le 1er août 2013. Comme nous le verrons, il y a un plus grand intérêt des investisseurs à acquérir des unités d’une FPI que des actions de sociétés publiques.

De plus, nous ne pouvons passer sous silence la récente création de Choice Properties REIT (TSX:CHP.UN) par Loblaw Cos. Ltd. (TSX:L). Cette FPI, constituée de plus de 400 immeubles, est la plus importante au Canada en ce qui a trait à la valeur de portefeuille immobilier, soit environ 8 G$. Cette scission-distribution (Spin-Off) a été accompagnée par un premier appel public à l’épargne (« PAPE »), permettant de recueillir 400 M$ de nouveaux investisseurs (ce qui représente environ 15 % de la transaction totale) en plus d’avoir pu retirer sans conséquence fiscale immédiate le coût fiscal des immeubles transférés.

Cela a sans aucun doute contribué à la récente offre par Loblaw Cos. Ltd. d’acquérir Shoppers Drug Mart Corp. (TSX:SC) pour 12,4 G$ (soit une augmentation de 29,4 % sur la valeur du titre de Shoppers Drug Mart Corp.). Finalement, le 9 mai 2013, Canadian Tire Corporation (TSX:CTC.A) a fait de même, cette fois-ci avec un portefeuille immobilier constitué de plus de 250 immeubles ayant une valeur oscillant autour de 3,5 G$. Ces annonces dénotent un changement stratégique des moyens de financement de certaines entreprises possédant des actifs immobiliers, ce qui leur permet en outre de reconnaître la juste valeur marchande (« JVM ») des biens ainsi transférés au FPI.

Historique et contexte

Le concept de FPI a été créé en 1960 aux États-Unis sous la présidence de l’honorable Dwight David Eisenhower dont le but était de permettre aux petits épargnants d’investir dans l’immobilier. Afin d’atteindre les mêmes objectifs, le gouvernement du Canada a instauré des règles similaires en 1995. Ces véhicules permirent aux épargnants d’investir, par l’entremise d’une fiducie, dans des projets à grande échelle étant principalement constitués d’immeubles à revenus (résidentiel, commercial ou industriel), sans avoir à détenir ou à gérer ces immeubles. Comme on le verra, il n’y a généralement aucun niveau d’imposition qui interviendra avant l’investisseur ultime (ou jamais d’imposition dans le cas de personnes exonérées d’impôt) lorsqu’une structure de FPI est mise en place, ce qui augmente le quantum des distributions aux investisseurs. Compte tenu de son régime fiscal optimal, le régime des FPI demeure un régime d’exception dans la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »).

Règles fiscales

Passons maintenant aux règles plus techniques, à savoir un aperçu de la fiscalité des FPI. Notons d’abord que l’utilisation d’une FPI en tant que véhicule d’investissement est en grande partie motivée par son traitement fiscal des plus avantageux. La codification statutaire des règles des FPI se retrouve principalement à l’article 122.1 L.I.R.

Une FPI peut généralement déduire dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition toute partie de ce revenu qu’elle verse à ses bénéficiaires au cours de l’année (al. 104(6)b) L.I.R.). La somme déductible correspond donc à la partie du revenu de la FPI qui est payable aux bénéficiaires et à la somme incluse dans le revenu de ceux-ci (par. 105(2) L.I.R.), sauf s’il s’agit d’une réduction de capital (al. 53(2)h) L.I.R.). Ainsi, il n’y a pas d’impôt sur le revenu au niveau de la FPI, dans la mesure où cette dernière distribue tout son revenu à ses bénéficiaires.

Pour saisir les règles fiscales se rapportant aux FPI, il faut nécessairement se référer à trois séries de règles : i) d’abord, celles relatives aux entités (fiducies ou sociétés de personnes) intermédiaires de placement déterminées (SIFT) (« EIPD »); ii) ensuite, celles relatives aux fiducies de fonds commun de placement (Mutual Fund Trust) (« FFCP ») et iii) enfin, celles relatives aux FPI. Pour profiter du traitement fiscal avantageux, la fiducie ne doit pas se qualifier en tant qu’EIPD mais en tant que FFCP afin d’être considérée comme une FPI. Les règles d’EIPD et de FFCP ne seront pas abordées en détails dans cet article, mais un aperçu des règles de FPI s’avère essentiel.

Tel qu’il a été mentionné, une fiducie qui se qualifie à titre de FPI est exemptée du régime d’imposition des EIPD. Pour se qualifier à titre de FPI, les quatre tests suivants (deux tests d’actifs et deux tests de revenus) doivent être respectés par la fiducie de façon continue tout au long de l’année d’imposition (les expressions entre guillemets étant à leur tour définies au paragraphe 122.1(1) L.I.R.) :

1) Test de 90 % d’actifs – Au moins 90 % de la JVM globale des « biens hors portefeuille » sont des « biens admissibles de FPI». Cela inclut des immeubles locatifs et ses biens accessoires, des baux, des titres d’entités faisant de la location, des acceptations bancaires d’une société, des créances garanties par un gouvernement, de même que des titres d’entités enregistrés comme propriétaire d’immeubles locatifs. Une FPI peut détenir par le biais d’une filiale des « biens de revente admissible » s’ils sont contigus ou accessoires à des immeubles locatifs.

2) Test de 75 % de l’équité –
La JVM globale des biens de la FPI, qui sont de façon générale ceux mentionnés au premier test ci-dessus, ne peut être inférieure à 75 % de la valeur des « capitaux propres » de la FPI.

3) Test de 90 % du revenu –
Au moins 90 % du revenu brut de la FPI doit provenir de « loyer de biens immeubles ou réels», intérêts, dispositions de « biens immeubles ou réels » qui sont de nature capital, de dividendes, de redevances et de dispositions de « biens de revente admissibles ».

4) Test de 75 % du revenu – Au moins 75 % du « revenu brut de FPI » doit provenir de « loyers de biens immeubles ou réels », intérêt d’hypothèques sur des « biens immeubles ou réels » et dispositions de tels biens qui sont de nature capital.

En outre, la fiducie doit également être résidente du Canada tout au long de l’année. Depuis l’arrêt St. Michael Trust Corp. c. La Reine (2012 CSC 14), à l’instar d’une société, une fiducie réside à l’endroit où sont effectivement prises les décisions importantes, soit où se situe son centre de gestion et de contrôle.

Certains avantages commerciaux

L’utilisation d’une FPI jumelée à un PAPE comporte habituellement plusieurs opportunités d’un point de vue commercial pour les fondateurs-cédants ainsi que pour les investisseurs, dont :

• la reconnaissance de la JVM des immeubles sur le plan comptable (par exemple, Loblaw et Canadian Tire). Le bilan d’une entité qui monétise ses biens immeubles par le biais d’une FPI sera généralement bonifié;

• la monétisation de la valeur des actifs sans conséquence fiscale immédiate jusqu’à concurrence du coût fiscal pour le cédant;

• la création d’un véhicule non imposable générant un plus haut rendement pour l’investisseur;

• l’accès aux marchés des capitaux canadiens et, dans une certaine mesure, étrangers;

• si le cédant a un solde de pertes fiscales disponibles (pertes autres qu’en capital ou pertes en capital nettes), la possibilité d’augmenter la déduction pour amortissement pour le cessionnaire lorsque la disposition des actifs du cédant a déclenché un gain en capital; et

• le report de gains et revenus latents à certaines conditions.

Autres considérations

D’autres aspects doivent également être prises en considération, tels que l’application des droits de mutation en vertu de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières, l’admissibilité des parts d’une FPI à certains régimes, tels le régime enregistré d’épargne-retraite (REER), le fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) et le compte d’épargne libre d’impôt (CELI), les régimes d’intéressement des employés, l’impact comptable, les lois sur les valeurs mobilières, etc.

Notons que le Projet de loi C-48, prévoyant des modifications importantes aux règles relatives aux FPI, a reçu la sanction royale le 26 juin 2013 – le présent texte prend ainsi en compte cesdites modifications lorsqu’elles s’appliquent.

* Ce texte se veut un résumé d’un article paru initialement dans le magazine Stratège, vol. 18, no 4, juin 2013

Photo Bloomberg

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Raphael Barchichat.