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Parmi les différents types de REÉÉ qui existent, on a souvent privilégié le REÉÉ familial au détriment du REÉÉ individuel, car il permet d’intégrer plusieurs bénéficiaires dans un même régime et de partager les revenus et les subventions entre eux. Cependant, depuis 2010, les souscripteurs d’un REÉÉ individuel disposent de la même flexibilité que les souscripteurs des régimes familiaux. Ainsi, les revenus et subventions reçus dans un REÉÉ individuel peuvent maintenant être partagés entre les frères et sœurs.

Lequel choisir?

Le REÉÉ en bref

Le REÉÉ est un régime constitué en fiducie qui permet d’accumuler des épargnes à l’abri de l’impôt pour financer les études postsecondaires d’un bénéficiaire.

Pour encourager ce financement, les gouvernements fédéral et provincial versent des incitatifs fiscaux au régime pour chaque enfant bénéficiaire d’un REÉÉ de la naissance jusqu’à l’année de son 17e anniversaire. Il s’agit de la Subvention canadienne pour l’épargne-études (« SCÉÉ »), le Bon d’études canadien (« BÉC ») et l’incitatif québécois à l’épargne-études (« IQÉÉ »). Le maximum annuel de la SCÉÉ est de 500 $ par bénéficiaire, soit 20 % des premiers 2 500 $ de cotisation versée annuellement, avec un maximum cumulatif de 7 200 $. Pour l’IQÉÉ, cela correspond à 10 % de la cotisation versée annuellement jusqu’à un maximum cumulatif de 3 600 $.

De plus, il est possible de récupérer les incitatifs fiscaux non reçus des années précédentes jusqu’à concurrence d’une année à la fois. Les cotisations ne sont pas déductibles, mais le revenu et les subventions qui s’accumulent dans le régime ne sont pas assujettis à l’impôt aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés.

Les bénéficiaires

Dans un régime familial, tous les bénéficiaires doivent avoir un lien de parenté. En vertu des alinéas 146.1(2)j) et 251(6)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« L.I.R. »), les bénéficiaires d’un REÉÉ familial peuvent être des enfants biologiques ou adoptés, des petits-enfants, des frères ou des sœurs.

Chaque bénéficiaire doit être lié, par les liens du sang ou de l’adoption, à chacun des souscripteurs vivants. Les bénéficiaires d’un régime familial étant plus restrictifs, le partage des subventions et revenus peut seulement se faire entre eux.

Dans un régime individuel, n’importe qui peut devenir le souscripteur initial d’un REÉÉ au bénéfice d’une autre personne. Le bénéficiaire ne doit pas être nécessairement lié comme l’exige le REÉÉ familial. Il est aussi possible de changer le bénéficiaire du REÉÉ individuel en cours de route. Ainsi, les cotisations versées au nom de l’ancien bénéficiaire sont considérées comme ayant été versées au nom du nouveau bénéficiaire à la date de la cotisation initiale. Toutefois, si le nouveau bénéficiaire a déjà un REÉÉ, cela peut donner lieu à une cotisation excédentaire.

Une exception à la règle générale s’applique dans certaines situations précises :

• le nouveau bénéficiaire est âgé de moins de 21 ans et le parent du nouveau bénéficiaire était un parent de l’ancien bénéficiaire;

• les deux bénéficiaires sont liés, par les liens du sang ou de l’adoption, au souscripteur initial du REÉÉ, et tous deux sont âgés de moins de 21 ans.

Il fut un temps où les subventions accumulées dans le régime individuel devaient être retournées s’il y avait changement de bénéficiaire, mais depuis le Budget de 2011, en vertu du sous-alinéa 204.9(5)c)(ii) L.I.R., les souscripteurs de régimes individuels disposent de la même flexibilité que celle des souscripteurs de régimes familiaux à cet égard, sans que cela les expose à des pénalités d’impôt et sans que cela déclenche le remboursement des SCÉÉ.

Par conséquent, il est maintenant permis d’effectuer un transfert d’un REÉÉ individuel à un autre REÉÉ individuel d’un frère ou d’une sœur sans pénalité fiscale et sans déclencher le remboursement des subventions comme pour le REÉÉ familial.

Le partage des subventions

Puisqu’il est possible de changer de bénéficiaire d’un REÉÉ individuel comme pour le REÉÉ familial, cela sans conséquence fiscale, le partage des subventions est aussi identique dans les deux régimes.

En vertu du paragraphe 5(10) de la Loi canadienne sur l’épargne-études, il ne peut être versé à l’égard d’un bénéficiaire plus de 7 200 $ au titre de la SCÉÉ au cours de la vie de celui-ci. Ainsi, la limite cumulative de la SCÉÉ pour le partage reste tout de même de 7 200 $ par enfant, et l’excédent devra être remboursé au gouvernement. Le même principe s’applique à l’IQÉÉ.

Par exemple, prenons un REÉÉ familial (ou deux REÉÉ individuels) ayant comme bénéficiaires un frère et sœur, dont le montant total de la SCÉÉ versée pour l’un est de 7 000 $ et de 3 000 $ pour l’autre. Si un seul enfant poursuit ses études postsecondaires, on pourrait transférer la SCÉÉ inutilisée de l’un afin de l’utiliser pour l’autre. Mais puisque la limite est de 7 200 $, 2 800 $ devront être remboursés au gouvernement.

Enfin, le BÉC est uniquement versé au bénéficiaire désigné et ne peut pas être partagé entre les bénéficiaires liés, peu importe le régime.

Le montant net des cotisations pour l’IQÉÉ

Le REÉÉ, individuel ou familial, se heurte actuellement à un problème quant au calcul de l’IQÉÉ pour un bénéficiaire, particulièrement lorsqu’on effectue des retraits et des cotisations dans la même année.

Pour recevoir l’IQÉÉ dans le régime, le fiduciaire (normalement une institution financière) doit faire la demande du crédit au nom du bénéficiaire avant le 90e jour de l’année suivant la cotisation. Mais en vertu de l’article 1029.8.126 de la Loi sur les impôts, le calcul de l’IQÉÉ est basé sur le montant des cotisations admissibles, c’est-à-dire l’ensemble des cotisations versées et non retirées au cours d’une année d’imposition. Donc, si un retrait a été fait dans la même année qu’un retrait d’un REÉÉ, l’IQÉÉ est calculé en fonction du montant net des cotisations.

Ce problème semble être d’origine administrative au moment de l’introduction de l’IQÉÉ en 2008; toutefois, cette difficulté ne se présente pas au fédéral (la SCÉÉ est versée le mois suivant la cotisation).

Malgré le fait que ce problème soit peu fréquent pour les REÉÉ individuels, il se pose surtout pour le REÉÉ familial lorsque des retraits sont faits aux bénéficiaires afin de payer leurs études postsecondaires et que des cotisations ont été effectuées pour d’autres bénéficiaires. Si un retrait d’un REÉÉ familial est nécessaire, il faudra attendre au moins après le 31 mars de l’année suivant celle des cotisations pour effectuer un retrait. Mais pour éviter de perdre l’IQÉÉ l’année suivante, on ne doit pas cotiser à ce REÉÉ pendant un an.

Donc, un REÉÉ individuel est préférable puisque la probabilité de perdre l’IQÉÉ est moins faible que pour le REÉÉ familial.

La simplicité, à quel prix?

Avec la flexibilité du partage du REÉÉ individuel, on peut donc présumer que le seul avantage d’avoir un REÉÉ familial est la gestion d’un seul régime pour plusieurs bénéficiaires (et la possibilité de frais administratifs moindres). Toutefois, il est suggéré de prêter une attention particulière au calendrier des cotisations, car le suivi des subventions dans un REÉÉ familial est moins facile que celui d’un REÉÉ individuel.

Dans certains cas, il serait même plus intéressant de cotiser ou répartir la cotisation seulement au plus âgé des bénéficiaires du régime pour qu’il reçoive sa subvention plus rapidement. Lorsque les subventions seront maximisées, les cotisations pourront servir aux autres enfants plus jeunes.
Prenons par exemple un REÉÉ familial avec deux bénéficiaires, Martin et France, ayant respectivement 3 et 10 ans. Si la cotisation annuelle est seulement de 5 000 $ par année et que l’on répartit également la cotisation entre les deux enfants, seul Martin recevra la totalité des subventions fédérales et provinciales, soit 10 800 $. France aurait seulement reçu 6 000 $ puisqu’aucun incitatif n’est versé l’année suivant ses 17 ans. Avec un rendement de 3 %, la valeur des sommes reçues pendant 14 ans serait de 21 951 $.

Si l’on reprend le même scénario, mais avec une répartition totale des cotisations à l’enfant le plus âgé au plus jeune jusqu’à ce que chacun reçoive le maximum de subvention, Martin et France reçoivent chacun 10 800 $. Avec un rendement de 3 %, la valeur des sommes reçues pendant 14 ans serait de 26 998 $, soit environ 5 047 $ de plus que le scénario précédent.

Enfin, il est en effet plus simple de gérer un régime avec plusieurs bénéficiaires qu’un régime par bénéficiaire. La cotisation optimale peut aussi être versée dans un REÉÉ familial, mais le REÉÉ individuel permet un suivi plus simple des subventions pour un parent.

Cotisation/an 5 000 $
Rendement 3 %

Ce texte est paru dans le Stratège Volume 22, numéro 4, décembre 2017. L’auteur est David Truong, CIWM, Pl.Fin., M. Fisc., Conseiller, Centre d’expertise, Banque Nationale Gestion privée 1859.