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L’introduction de fonds communs de placement non traditionnels représente une bonne nouvelle pour le secteur, et nous croyons que ce produit avantagera aussi les investisseurs avec le temps.

Nous pensons que les principaux ingrédients requis sont réunis pour appuyer une croissance rapide du marché dans les prochaines années : i) les fonds jouissent de nombreux commanditaires, dont bon nombre des plus grandes sociétés de fonds du Canada utilisant un modèle verticalement intégré; ii) la vaste majorité des fonds sont facilement accessibles et assortis de seuils de placement minimal peu élevés; iii) les investisseurs peuvent choisir dans un bel éventail de produits, y compris une large gamme de stratégies de placement et de barèmes tarifaires; iv) certains fonds non traditionnels sont déjà intégrés à des solutions gérées (environ 21 % de l’actif sous gestion est soutenu par d’autres fonds); et v) le rendement à ce jour, quoique sur une courte période, démontre que les fonds génèrent les rendements à faible volatilité qu’ils ont été conçus pour réaliser.

Cotes de risque : de bonnes et de mauvaises nouvelles

L’une des questions les plus souvent posées par les sociétés de placement avant le lancement des fonds communs de placement non traditionnels concernait le traitement de ces fonds du point de vue de la cote de risque. On craignait que la cote de risque nuise indûment aux stratégies qui reposent sur des stratégies de placement plus complexes, comme la vente à découvert et les produits dérivés, même si elles visent justement à réduire la volatilité du rendement. Les cotes de risque proviennent de deux sources : l’émetteur du fonds et le courtier (c’est-à-dire, les sociétés de consultation et de planification financière).

La cote de risque attribuée par le fonds est entièrement transparente et mentionnée dans les documents réglementaires. La bonne nouvelle, c’est que la grande majorité des actifs sous gestion et des fonds (24 sur 42) ont une cote de risque de faible à moyen (comparable à celle d’un fonds équilibré ou de titres à revenu fixe de sociétés), que nous considérons comme un résultat positif, car il dénote le potentiel d’atténuation du risque des fonds communs de placement non traditionnels. Treize fonds ont une cote de risque moyen (comparable à celle d’un portefeuille d’actions à forte capitalisation), trois, une cote de risque faible (comparable à celle d’un fonds du marché monétaire ou de titres à revenu fixe et faible risque) et deux seulement, une cote de risque moyen à élevé (équivalente à celle d’un fonds d’actions concentré dans un secteur ou une région en particulier).

Les cotes de risque de courtiers sont moins transparentes. Dans certains cas, les courtiers utilisent tout simplement la cote de la société de fonds, mais dans bien des cas, ils attribuent leur propre cote. Sauf erreur, bon nombre de courtiers ont attribué une cote de risque moyen aux stratégies pour lesquelles il existe des antécédents (selon les antécédents, bien entendu) et une cote de risque élevé aux stratégies sans antécédents. Le problème, c’est que l’historique de rendements de bon nombre des fonds communs de placement lancés à ce jour ne s’étend que sur trois ans et, par conséquent, une cote de risque élevé leur a été attribuée, sans égard au mandat de placement sous-jacent réel.

La structure de fonds plus en détail

Les participants du secteur avaient plusieurs questions à poser au sujet de la structure de fonds et des intentions de la concurrence avant que le règlement soit finalisé. Ces questions portaient entre autres sur les types de mandats, le recours à des sous-conseillers et les barèmes tarifaires. Nous avons épluché les prospectus de fonds et disposons maintenant de données précises sur lesquelles fonder les réponses à ces questions.

Nous avons divisé l’univers des fonds selon deux principaux objectifs de placement : i) les fonds à rendement absolu (rendements positifs quelles que soient les conditions du marché); et ii) les stratégies de type alpha, qui visent à surpasser un indice de référence sur une longue période, du point de vue du rendement absolu ou ajusté au risque. Nous constatons que les stratégies de type alpha sont plus courantes, ce qui dépend peut-être des restrictions réglementaires relatives à la vente à découvert (maximum de 50 % de la valeur brute).

En ce qui concerne les catégories d’actif, les plus répandues sont les fonds d’actions, suivis des fonds à catégorie d’actifs multiples. Dans une majorité de cas, les fonds d’actions ont pour objectif de placement la génération d’alpha. Les fonds à catégories d’actifs multiples tendent à avoir un objectif de rendement absolu. Nous sommes un peu étonnés du faible nombre de fonds axés sur les stratégies de titres à revenu fixe. Il semble y avoir une forte demande de produits visant à améliorer le rendement en raison de la faiblesse des taux et des besoins démographiques.

La majorité des fonds sont assortis d’une prime de performance (30 fonds sur 42). Cette prime se situe généralement autour de 15 % ou 20 %, bien que quelques mandats de titres à revenu fixe l’établissent à 10 %.

Le produit est généralement conçu pour être facilement accessible aux investisseurs. Plus de la moitié des fonds exigent un placement initial minimal de seulement 500 $. Concrètement, tous les fonds offrent des droits de rachat quotidiens associés aux mêmes périodes de détention minimales que les fonds communs de placement traditionnels. De plus, ils sont offerts dans plusieurs séries (A, F, I, etc.) et dans le contexte de plans d’achat préautorisé et de programmes de retraits systématiques qui répondent aux besoins des investisseurs. Dans les faits, la liquidité et l’accessibilité ressemblent de près à ce qu’offrent les fonds communs de placement traditionnels, comme prévu.

Analyse de la structure tarifaire

La tarification a constitué un point de discussion clé pour les sociétés de placement qui envisageaient d’offrir des fonds communs de placement non traditionnels. Les honoraires de gestion de base moyens sur un fonds de série F (sans commission de suivi) sont de 0,91 %. Ils tournent autour de 0,9 % à 1,0 % pour la majorité des fonds. C’est à peu près la tarification que nous attendrions de la plupart des nouveaux produits de fonds d’actions.

Nous avons recensé un total de 13 fonds utilisant un barème d’honoraires de rendement comme celui des fonds de couverture traditionnels, c’est-à-dire que le fonds gagne des commissions de performance s’il génère des rendements positifs par rapport à un seuil d’application perpétuel.

D’autre part, un nombre appréciable de fonds (10) utilisent des indices de référence relatifs. Les indices de référence courants comprennent l’indice composé de rendement global S&P/TSX et les indices FTSE des obligations du gouvernement du Canada. Ces fonds suivent également une méthodologie de seuil d’application des commissions de performance perpétuel, qui offre une prime seulement pour un rendement supérieur à celui des indices de référence à long terme constant d’une année à l’autre (tout manque à gagner au cours d’une année donnée doit être récupéré dans les années subséquentes pour que la prime de performance soit accordée).

L’autre barème d’honoraires de rendement que nous avons observé repose sur un taux de rendement minimal fixe, mais il se rencontre plus rarement, puisque seulement 5 fonds utilisent un tel taux. La fourchette de taux de rendement annuel minimal varie de 2 % à 6 %.

Comment se porte le rendement jusqu’à maintenant?

Selon nous, il vaut la peine d’examiner le rendement des fonds même si leurs antécédents sont très courts, afin de vérifier si les fonds communs de placement non traditionnels font ce qu’ils sont censés faire. Après tout, le rendement représentera l’un des principaux facteurs de la demande future. Nous avons utilisé les valeurs liquidatives quotidiennes des fonds créés avant le 1er janvier 2019 afin de calculer les rendements cumulatifs et l’écart-type des rendements quotidiens.

Les fonds à rendement absolu génèrent des types de rendements que nous estimons attrayants. Le rendement moyen est en voie d’atteindre un taux annualisé dans les environs de 6 % à 8 %, un résultat analogue au rendement boursier normalisé, et les fonds y parviennent en maintenant une volatilité qui se rapproche davantage de celle d’un indice obligataire que de celle d’un indice boursier. La fourchette de rendements et de volatilité permet de croire que les fonds ne prennent aucun risque excessif.

La performance des fonds que nous avons classés dans la catégorie des fonds alpha d’actions s’avère tout aussi encourageante. Les fonds sont généralement conçus de manière à privilégier le long terme (bêta positif), mais en maintenant une volatilité inférieure à celle du marché. Par conséquent, nous ne pensons pas que le rendement moyen égalera celui des indices boursiers en cette année où l’indice composé de rendement global S&P/TSX et l’indice S&P 500 ($ CA) sont en hausse de 19 % et 19 %, respectivement, depuis le début de l’année. Nous prévoyons toutefois que la volatilité du rendement, que nous mesurons en fonction de l’écart-type des rendements quotidiens, demeurera inférieure à celle des indices boursiers. C’est exactement ce que nous avons constaté dans les résultats cumulatifs. Nous croyons que les rendements relatifs des fonds alpha d’actions pourraient s’améliorer dans un marché stationnaire ou à la baisse.

Nos conclusions relatives aux fonds alpha de titres à revenu fixe s’apparentent à celles relatives aux fonds alpha d’actions. Bien qu’ils n’aient pas suivi le rythme du marché haussier depuis le début de 2019, les rendements ont été intéressants et ont présenté une volatilité moindre dans la plupart des cas. Bref, ces fonds font ce pour quoi ils ont été conçus : produire un rendement attrayant à moindre risque.

Et ensuite? Croissance du marché des placements non traditionnels

Un certain nombre de facteurs pourraient aider le marché des fonds communs de placement non traditionnels à devenir le marché de 50 G$ à 100 G$ que nous avons imaginé au départ. Citons notamment une participation accrue des solutions gérées (fonds de fonds), qui représentent des actifs sous gestion de 555 G$; des efforts pour renseigner et sensibiliser les conseillers; des antécédents sur une plus longue période se traduisant par des cotes de risque plus favorable de la part des courtiers; le lancement de plus nombreux mandats non traditionnels présentés comme des produits de FNB; des exigences moins strictes en matière de compétences pour les planificateurs inscrits auprès de l’ACCFM; et un changement de conjoncture du marché qui confirme les avantages d’investir dans des stratégies non corrélées. Les bons ingrédients sont réunis pour stimuler la croissance des actifs sous gestion et un certain nombre d’événements potentiels sont susceptibles d’accélérer la croissance. Restez à l’affût.

Paul Holden
CIBC Capital Markets