Des mains d'une personne d'un certain âge, posées sur une canne
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À 82 ans, madame Bernier se trouve à la croisée des chemins. En bonne santé, lucide et issue d’une famille où l’on vit vieux, elle se retrouve devant un choix délicat : continuer à mener une vie paisible dans sa maison de campagne entièrement payée ou déménager dans un logement adapté.

Au-delà des chiffres, le débat touche aussi à l’autonomie, à l’attachement au lieu de vie et aux priorités familiales, des sujets chargés d’émotions, comme l’a indiqué Julie Beauséjour, planificatrice financière chez IG Gestion de patrimoine, lors du dernier congrès de l’Institut de planification financière tenu à Québec en novembre.

Selon l’étude de cas présentée, madame Bernier, veuve depuis cinq ans, vit modestement du Régime de rentes du Québec (RRQ) (950 $/mois), de la Pension de la sécurité de vieillesse (PSV) (800 $/mois) et d’une rente de conjoint (2 325 $/mois). Sa maison vaut environ 500 000 $. Elle possède un Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) de 115 000 $ et son compte d’épargne libre d’impôt (CELI) contient 130 000 $.

Son coût de vie atteint 3 500 $ par mois, dont1 500 $ consacrés uniquement à l’entretien de la maison. À cela s’ajoutent les dons familiaux, très importants à ses yeux : 5 000 $ par an pour aider ses trois petits-enfants à payer leurs études universitaires pendant encore trois ans et 10 000 $ par an pour aider ses enfants, et ce pour les quatre prochaines années.

Dans son plan financier initial, tout tenait la route, indique la conseillère. Mais le contexte a changé. La gentrification du quartier a entraîné une hausse importante des taxes municipales, à laquelle s’ajoutent des coûts liés à la perte de mobilité, ainsi que le besoin grandissant d’aide pour l’entretien.

Résultat : les projections montrent désormais une insuffisance de fonds au bout de huit ans si rien ne change. L’option du crédit d’impôt pour maintien à domicile (jusqu’à 617 $/mois dans son cas) offre un répit, mais pas une solution complète.

Si elle veut rester chez elle, madame Bernier sait qu’elle devra solliciter davantage sa fille, qui l’aide déjà régulièrement, ce qui a un coût émotionnel.

Les projections financières de Julie Beauséjour permettent de dégager trois solutions pour madame Bernier :

Option 1 : vendre la maison et déménager en résidence privée pour aîné (RPA)

Hypothèses :
• Maison vendue 500 000 $, moins 25 000 $ de frais = 475 000 $ net.
• Coût d’une RPA : 3 600 $/mois.
• Suppression des 1 500 $/mois liés à la maison.

Ce scénario augmente la marge de manœuvre de madame Bernier, qui peut continuer à soutenir ses enfants et petits-enfants, tout en sécurisant son risque de longévité. Même à 100 ans, seule une année présente un léger manque. Et si les marchés chutent, son plan demeure viable.

Option 2 : réduire ou reporter les dons aux enfants et petits-enfants

Si elle suspend ses dons pendant quelques années, la situation financière de la cliente se stabilise. Elle protège ses liquidités et se redonne de la latitude pour réévaluer, année après année, ce qu’elle peut offrir à ses proches sans mettre son équilibre financier en péril.

Option 3 : réduire ses dépenses personnelles

Une coupe de 500 $/mois sur son train de vie permettrait également de sécuriser son plan à long terme. Mais cette option touche directement à sa qualité de vie. Un choix éminemment personnel.

La tentation de conserver la maison, forte chez de nombreux aînés, comporte des risques : rénovations imprévues, charge émotionnelle accrue pour les proches, interventions d’urgence difficiles en région. Même si l’hypothèque inversée ou la marge de crédit sont des options, elles suscitent rarement l’adhésion chez les personnes âgées, qui les associent à une perte de stabilité financière.

Le cas de madame Bernier montre par ailleurs que les décisions de logement en fin de vie ne sont jamais purement financières, indique Julie Beauséjour. Elles touchent au sentiment d’appartenance, à l’autonomie et aux relations familiales. Le rôle du conseiller est alors d’exposer chaque scénario avec neutralité, de clarifier les enjeux et d’offrir un espace où le client se sent libre de ses choix afin d’ouvrir les discussions sur des risques souvent tus, comme la dépendance, la mobilité, la charge pour les proches et la longévité.