Un homme d'affaire donnant une petite maison à un autre homme d'affaire
violetkaipa / 123RF Banque d'images

Après avoir accusé un sérieux retard sur le marché en 2020, où les rendements ont principalement été négatifs, la valeur des actions du secteur de l’immobilier devrait se redresser cette année en raison de la réouverture de l’économie et la vaccination de masse, censée atténuer les ravages découlant de la COVID-19. Malgré tout, il faut dire que la pandémie a accéléré dans ce secteur des tendances qui étaient déjà présentes. Cela a accentué les disparités de performance entre les différents sous-secteurs que sont les espaces de bureau, l’industrie, le commerce de détail, les appartements et les logements pour personnes âgées.

Ainsi, les gestionnaires actifs des fonds négociés en Bourse (FNB) d’actions immobilières, tout en ciblant les types de propriétés qui, selon eux, surperformeront, misent sur leur flexibilité pour investir à l’extérieur du Canada, en évoquant des avantages tels que la diversification géographique et la disponibilité d’actifs immobiliers spécialisés qui n’ont pas d’équivalents au Canada.

Onze des seize FNB immobiliers canadiens cotés en bourse ont ainsi une portée mondiale ou nord-américaine. Les cinq autres, qui suivent uniquement les indices canadiens des fiducies de placement immobilier (FPI), sont tous gérés passivement. Menés par le FNB iShares S&P/TSX Capped REIT Index de 1,13 milliard de dollars (G$), les FNB indiciels nationaux détiennent les deux tiers des 3 G$ d’actifs totaux de la catégorie.

Lee Goldman, gestionnaire de portefeuille senior au sein de la division Signature Global Asset Management de la société CI Investments, de Toronto, gère le FNB CI First Asset Canadian REIT, le plus grand FNB géré activement de sa catégorie et dont l’actif est de 565 M$. Son rendement annuel moyen sur 10 ans, de 10,3 % au 31 janvier, en fait aussi le plus performant des quatre FNB immobiliers possédant des antécédents de plusieurs décennies, selon Morningstar Canada.

Lee Goldman a relevé ce qu’il considère comme des évaluations relativement bon marché pour les fonds d’investissement immobilier comme preuve supplémentaire de la nécessité d’une reprise. En moyenne, les FPI canadiens se négociaient à la mi-février avec des rabais d’environ 10 à 12 % par rapport à la valeur nette d’inventaire (VNI).

La décote actuelle de la VNI se compare à une prime moyenne historique d’environ 2 à 3 %, a déclaré Lee Goldman. « Ce n’est certainement pas sans précédent dans le contexte où nous négocions actuellement. Mais il faut dire qu’il n’est pas arrivé souvent que nous ayons négocié avec une décote de 10 % par rapport à la VNI, du moins pendant une période prolongée. »

Le risque de hausse des taux ne devrait pas décourager les investisseurs de ce secteur, sensible aux taux d’intérêt, a-t-il ajouté. « Notre thèse est que les FPI peuvent très bien se porter même dans un environnement de hausse des taux, si cette hausse des taux se fait de manière ordonnée et s’ils augmentent pour les bonnes raisons – essentiellement parce que l’économie se porte bien. »

L’un des sous-secteurs privilégiés de Lee Goldman est le logement multifamilial. « Nous pensons que la réputation de ce sous-secteur a été injustement traitée du point de vue du marché », a-t-il déclaré. La principale participation récente de CI est le Canadian Apartment Properties REIT (CAP REIT), la plus grande société de placement immobilier multifamilial du Canada. Il s’agit de l’une des nombreuses sociétés de placement immobilier d’appartements qui figurent parmi les dix premières participations de CI.

Malgré les inquiétudes concernant l’impact de la hausse du chômage, Lee Goldman a déclaré que les loyers perçus par les FPI d’appartements ont été « presque normaux » et que les taux d’inoccupation n’ont augmenté que modestement. Les baisses de loyer et les mises en disponibilité d’espaces locatifs ont surtout touché les copropriétés privées dans les centres-villes, a-t-il ajouté, alors que les sociétés de placement immobilier sont surtout des sociétés opérant de propriétés en banlieue et à coûts plus abordables.

« Nous ne pensons vraiment pas que la valeur des sociétés de placement immobilier d’appartements ait subi une baisse à long terme, a déclaré Lee Goldman. Et nous pensons qu’une fois que les choses se seront rétablies, leur taux d’occupation augmentera et les loyers reviendront également. »

Parmi les nouveaux actifs résidentiels du fonds CI figure la récente introduction en Bourse du Flagship Communities REIT. Bien qu’elle soit basée à Toronto et cotée à la Bourse de Toronto, Flagship exploite des communautés de maisons préfabriquées situées aux États-Unis.

La gestion du fonds Starlight Global Real Estate Fund privilégie également le sous-secteur des appartements, dont la plus grande pondération est de 26 % du portefeuille. « Nous sommes de grands partisans du multifamilial », a déclaré Michelle Wearing, gestionnaire de portefeuille associée, immobilier mondial, de la société Starlight Investments Capital LP, basée à Toronto. Et ce, malgré les mauvaises nouvelles concernant l’augmentation du nombre de logements vacants dans les grandes villes, la baisse des loyers et le risque de défaut de paiement des loyers, ainsi que la réduction de la demande en raison de la baisse des niveaux d’immigration et des locataires étudiants.

« Malgré les gros titres négatifs évoquant des loyers en baisse de 20 à 30 %, et un bassin important de logements vacants, ce n’est vraiment pas ce que nous observons dans l’espace immobilier public », a déclaré Michelle Wearing. Elle a noté que CAP REIT a fait état de collectes de loyers « comparables à ce qui était observé au meilleur des années 90 ». Killam Apartment REIT, un autre holding de Starlight, a déclaré avoir reçu 99,9 % des loyers de ses appartements en 2020.

En revanche, les immeubles commerciaux – en particulier les centres commerciaux fermés qui ont été contraints de fermer – ont été durement touchés. Cela survient après que le secteur de l’immobilier commercial « a été mis à rude épreuve ces dernières années avec une offre excédentaire importante et un manque de demande, dû notamment à l’augmentation des achats en ligne », a signalé Michelle Wearing.

À cet égard, Lee Goldman de CI privilégie les FPI plus défensives, soit ceux dont les centres commerciaux bénéficient de la présence d’épiceries. Parmi ses 10 principaux actifs, on trouve la société Crombie REIT, basée à New Glasgow (N.-É.), dont les principaux locataires sont les supermarchés Sobeys.

Les pertes des centres commerciaux se sont traduites par des gains pour les fournisseurs d’entrepôts. « Beaucoup de détaillants, surtout en Amérique du Nord, n’avaient pas assez d’espace pour soutenir le rythme de leur chaîne d’approvisionnement », a déclaré Michelle Wearing, et avaient besoin de plus d’entrepôts industriels pour leur inventaire. Ce thème se reflète dans la participation de Starlight à la société Prologis Inc. basée à San Francisco, que Michelle Wearing a décrite comme le plus grand propriétaire industriel du monde. « C’est vraiment la meilleure façon que nous voyons de jouer dans le secteur de l’espace industriel et répondre à ce besoin de plus d’espace ».

Le volet géographique étendu propre au mandat du fonds Starlight lui permet de détenir des sociétés immobilières spécialisées telles que American Tower Corp. de Boston, qui possède des tours de téléphonie cellulaire, et Equinix Inc. de Redwood City, en Californie, le plus grand fournisseur mondial de centres de données. La possibilité d’investir à l’étranger permet, selon Michelle Wearing : « [De]  participer à un large éventail de secteurs différents et de catégories d’actifs de niche qui, au cours des deux dernières années, ont généré des rendements plus élevés que les bureaux ou les commerces traditionnels ».

Le sous-secteur des bureaux locatifs est probablement le plus grand point d’interrogation du secteur immobilier, estime Lee Goldman, bien que le recouvrement des loyers ne représente pas un problème important. La part d’incertitude tient davantage à l’impact à long terme de la pandémie sur la demande d’espaces de bureaux.

« Je pense que personne ne sait encore vraiment à quoi s’en tenir, a-t-il dit. Je pense que le consensus est qu’on verra apparaître certainement plus de flexibilité et peut-être un modèle hybride à l’avenir afin de répondre à la volonté des personnes qui désireront travailler quelques jours par semaine à partir de chez elles. »

L’autre sous-secteur qui a mal tourné au cours des derniers mois est celui du logement pour les personnes âgées, non pas à cause de la perception des loyers, mais en raison de l’augmentation des taux d’inoccupation. Les mesures de confinement ont mis fin aux visites et empêché de nouveaux résidents d’emménager. « Nous sommes toujours convaincus de la valeur à long terme des logements pour personnes âgées, a déclaré Lee Goldman. Mais les résultats seront probablement un peu mous au cours des deux prochains trimestres au moins. »

Barry Morrison, de la société torontoise Purpose Investments Inc., qui gère le fonds de revenu immobilier Purpose, partage ce point de vue. « Nous pensons que les sociétés de placement immobilier de bureau et de soins de santé resteront sous pression sur la base des bénéfices », a-t-il déclaré dans un commentaire de marché de février.

Barry Morrison, dont le fonds investit au Canada et aux États-Unis, s’attend toutefois à ce que les fournisseurs de centres de données et de tours de télécommunications continuent de réaliser des bénéfices importants. « Ce sont les secteurs qui ont prospéré pendant la mise sur pause de l’économie due à la COVID. »