Compte tenu de l’évolution incertaine de la politique tarifaire du président américain Donald Trump, ainsi que de son projet de réforme fiscale, les investisseurs devraient envisager de diversifier leurs portefeuilles, notamment en explorant des solutions alternatives. C’est la recommandation formulée par Bipan Rai, responsable de la stratégie des FNB et des produits de remplacement chez BMO Gestion mondiale d’actifs, lors du Forum sur les FNB et l’investissement tenu à Toronto le 26 mai dernier.
Au milieu de semaines de turbulences sur les marchés mondiaux provoquées par des messages commerciaux incohérents, Donald Trump a annoncé qu’il souhaitait signer le projet de loi fiscale d’ici le 4 juillet. Ce projet a récemment été adopté par la Chambre des représentants. Le Sénat devrait l’examiner au début du mois de juin.
L’article 899 du projet de loi permettrait au département du Trésor d’augmenter les retenues à la source sur les investisseurs étrangers provenant de pays ayant des « impôts étrangers injustes », ce qui rendrait plus coûteux les investissements dans les entreprises américaines.
La taxe canadienne sur les services numériques entrerait dans cette catégorie, ce qui mettrait en péril le taux de retenue actuel de 15 % que les investisseurs canadiens paient sur les dividendes provenant d’actions américaines. Ce taux pourrait augmenter de cinq points de pourcentage par an et atteindre 50 %.
Les entreprises chinoises cotées sur les bourses américaines via des certificats de dépôt américains (American depositary receipts) semblent également être dans le collimateur de Donald Trump. Les républicains se sont plaints des normes d’audit et ont exprimé la crainte que ces sociétés ne soient radiées de la liste.
Dans le même temps, les États-Unis alourdissent considérablement leur dette, prévient Bipan Rai. Les primes de terme pour les bons du Trésor augmentent, ce qui signifie que les investisseurs voient plus de risques dans les bons du Trésor à long terme.
Selon l’expert, l’amour de Donald Trump pour les droits de douane et sa vision « mercantiliste » du commerce comme un jeu à somme nulle auront un impact négatif sur les actions américaines à mesure que les investissements étrangers diminueront.
Ce phénomène est déjà visible dans les flux des fonds négociés en Bourse (FNB), qui montrent que les investisseurs se tournent vers les titres à revenu fixe à court terme et les marchés d’Europe, d’Australasie et d’Extrême-Orient, notamment l’Allemagne et le Japon.
Secteurs défensifs
Bipan Rai affirme qu’aux États-Unis, il préfère les actions de qualité dans les secteurs défensifs, notamment les biens de consommation de base, les soins de santé, les communications et les services publics. Au Canada, où un ralentissement est attendu au deuxième trimestre, il privilégie les FNB à faible volatilité et les secteurs de l’industrie, des services publics, de la finance et de la consommation de base.
Plutôt que d’opter pour un portefeuille traditionnel composé à 60 % d’actions et à 40 % d’obligations, Bipan Rai recommande de placer « au moins 10 % » d’un portefeuille dans des produits alternatifs.
« La structure de mon portefeuille est plus proche de 50/30/20, avec 20 % d’investissements alternatifs. »
L’expert apprécie deux investissements alternatifs en particulier : l’or et les infrastructures.
« L’or est un excellent actif de diversification, puisqu’il n’est pas corrélé aux actions et aux obligations. »
Les banques centrales du monde entier cherchent à se diversifier par rapport au dollar américain et achètent de l’or, rapporte Bipan Rai. S’il ne pense pas que le dollar américain perde son statut de réserve, il estime que les banques centrales peuvent réduire leurs avoirs en devises étrangères de 60 % à 45 %.
Infrastructures
La guerre commerciale a entraîné un changement complet de l’économie mondiale, les pays du monde entier cherchant à devenir moins dépendants du commerce, observe l’expert. Nombreux sont ceux qui se tournent vers les investissements dans les infrastructures.
Par exemple, le Premier ministre Mark Carney a fait campagne sur les investissements dans les infrastructures, et l’Allemagne a récemment créé un fonds d’infrastructure « massif » de 500 milliards d’euros, qui sera déployé sur 12 ans.
« N’oubliez pas ce que font les dépenses d’infrastructure, a-t-il souligné. Elles conduisent à la création d’emplois et, si elles sont effectuées au bon moment du cycle économique, le multiplicateur peut également être plus élevé. »
Selon l’importance de l’investissement et la période sur laquelle il est effectué, ce multiplicateur peut aller d’un et demi à trois et demi, calcule Bipan Raid.
En utilisant un multiplicateur de deux, « cela devrait conduire à une production de mille milliards de dollars au cours des dix prochaines années », estime-t-il.
« Vous augmentez l’économie d’un tiers au cours des dix prochaines années. C’est un environnement incroyable, incroyable pour l’investissement. Et vous feriez mieux de croire que les marchés en tiennent compte, a-t-il ajouté. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons vu les flux migrer des États-Unis vers des pays comme l’Europe. »
Pour les investisseurs, l’infrastructure est synonyme de diversification et d’un flux constant de revenus qui devrait durer « un certain temps », avance Bipan Rai. « C’est pourquoi je suis de plus en plus optimiste en ce qui concerne l’espace alternatif. »