C’est possible, pourvu qu’on achète une obligation émise par une organisation solvable, on peut simplement collecter ses paiements, puis récupérer son capital quand l’obligation arrive à échéance, quel que soit le climat qui règne sur les taux d’intérêt.  

Les détenteurs de fonds obligataires, eux, n’ont aucune garantie de se voir rembourser leur capital, et les intérêts qu’ils reçoivent de leurs fonds obligataires pourraient aussi fluctuer. La différence essentielle est qu’un gestionnaire de fonds obligataire, comme un gestionnaire de fonds d’actions, supervise une corbeille de titres dont la valeur doit être calculée chaque jour; cette valeur dépend du prix de chacun des titres dans le portefeuille à la fin de cette journée. Cela veut dire que la valeur du portefeuille pourrait changer même si le gestionnaire ne fait absolument rien; le gestionnaire peut aussi vendre des obligations avant leur échéance à un prix plus élevé ou plus bas que ce qu’il a payé.

Lors d’une période de chute des taux d’intérêt, qui normalement tend à rendre les obligations existantes aux coupons plus élevés plus attrayantes que les nouvelles obligations aux taux plus faibles, les détenteurs de fonds obligataires peuvent assister à une hausse de la valeur de leur capital, même s’ils subissent un déclin des revenus qu’ils empochaient. En revanche, une période de hausse des taux obligataires a le potentiel de déprimer le prix des obligations déjà existantes dans un portefeuille de fonds obligataires, même si le gestionnaire est en mesure de compenser certaines baisses de prix en les échangeant contre des obligations au rendement plus élevé. Une différence essentielle entre un fonds obligataire et une obligation individuelle détenue jusqu’à son échéance est donc qu’avec les fonds obligataires, il y a plus de chance qu’au moment de vendre, la valeur du capital soit différente, en mieux ou en pire, du montant initialement investi dans le fonds obligataire.

En un mot, c’est la raison pour laquelle tant d’investisseurs vantent ces temps-ci la valeur des obligations par rapport aux fonds obligataires. Compte tenu que les taux d’intérêt ont actuellement beaucoup plus de marge pour augmenter que pour diminuer, il y a de fortes chances que les obligations d’un portefeuille obligataire diminueront en valeur pendant le temps où vous détiendrez le fonds. Les détenteurs d’obligations individuelles n’auront pas à confronter ce problème. S’ils investissent 100 000 $ dans une obligation et que l’organisme émetteur honore sa dette, le montant qu’ils y mettent est le montant qu’ils en retirent.

En même temps, il est peu avisé de surestimer la sécurité qui vient avec l’investissement dans les obligations individuelles. Même si les acheteurs d’obligations individuelles peuvent éviter le risque lié aux taux d’intérêt en les détenant jusqu’à leur échéance, ils peuvent appeler le risque sur d’autres fonds. Voici quelques grands problèmes qu’il convient de garder à l’esprit.

La recherche est difficile

On entend souvent vanter la gestion professionnelle comme une vertu essentielle des fonds communs, et on peut croire que c’est encore plus important dans le secteur des obligations que dans celui des actions. La raison en est que, en plus d’évaluer la sensibilité des obligations aux taux d’intérêt, les gestionnaires de fonds obligataires passent également du temps à évaluer la solvabilité des émetteurs d’obligations ainsi que d’autres caractéristiques de l’obligation. La société se porte-t-elle bien, et par conséquent peut-on penser qu’elle honorera ses dettes? Et si la santé financière d’une société n’est pas au mieux, combien devrait-on toucher de rendement supplémentaire pour compenser le risque supplémentaire encouru en achetant ses obligations?

La plupart des plus grands gestionnaires obligataires ne se fient pas aveuglément aux agences de cotation pour savoir si un émetteur est solvable ou non, mais se retroussent plutôt les manches et évaluent par eux-mêmes la santé financière des sociétés. La plupart des plateformes de courtage fournissent aussi des informations comparatives de base sur les obligations, dont l’échéance et la qualité du crédit.

Il n’en reste pas moins que les acheteurs d’obligations individuelles peuvent avoir du mal à trouver des informations indépendantes fiables sur les obligations moins liquides émises par des entités plus petites et par des municipalités, et ils peuvent aussi trouver difficile d’évaluer les caractéristiques spécifiques d’une obligation particulière, comme par exemple si elle est rachetable et combien de revenu supplémentaire ils devraient recevoir si elle l’est. Et même s’ils s’en tiennent à des types d’obligations plus liquides, il se peut qu’ils n’aient ni le temps ni le désir de se livrer aux recherches requises pour composer un portefeuille bien diversifié de qualité élevée.

Le manque de diversification

Cela soulève une autre difficulté à laquelle se heurtent les détenteurs d’obligations individuelles et pas les détenteurs de fonds obligataires : celle de construire un portefeuille bien diversifié avec peu d’argent. Habituellement, les obligations sont émises avec une valeur nominale de 1 000 $, mais on peut être contraint d’acheter un ensemble de plusieurs obligations pour obtenir une tarification satisfaisante. Composer un portefeuille d’obligations individuelles présentant une diversification sectorielle raisonnable peut exiger une somme importante; 100 000 $ est la somme que l’on se renvoie souvent comme seuil minimum pour qu’un portefeuille d’obligations individuelles s’impose davantage qu’un fonds obligataire. En revanche, les investisseurs dans les fonds obligataires peuvent sans dépenser beaucoup d’argent avoir facilement accès à un portefeuille obligataire diversifié : obligations de sociétés, obligations gouvernementales, obligations adossées à des actifs et obligations émises à l’extérieur du Canada, réduisant ainsi les dégâts qu’un seul avoir peut causer à l’ensemble de leur portefeuille.

Les coûts transactionnels

Parallèlement, les acheteurs d’obligations individuelles, notamment ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent à investir, peuvent subir des coûts transactionnels élevés quand ils achètent et vendent des obligations individuelles; même les investisseurs qui achètent pour des milliers de dollars d’obligations peuvent faire face à des écarts acheteur/vendeur plus élevés que ce que les acheteurs institutionnels qui gèrent des millions pourraient payer. Ces écarts élevés entre le cours acheteur et le cours vendeur se produisent quand un acheteur d’obligations achète un titre qui se négocie déjà sur le marché; en guise de compensation pour avoir facilité la transaction, le courtier va majorer le prix de l’obligation au-dessus de celui auquel elle se négocie actuellement, et la racheter à un prix inférieur à sa valeur actuelle. Ces écarts acheteur/vendeur tendront à être plus élevés pour les petits investisseurs que pour les gros, et pourront donc rogner les rendements empochés par le petit investisseur obligataire. Donc, même si le gestionnaire de fonds communs fait payer des frais de gestion, il peut être en mesure de compenser ce montant par des frais transactionnels plus favorables.

Le manque de souplesse

Enfin, même si détenir une obligation jusqu’à l’échéance peut offrir une protection contre les taux d’intérêt, les acheteurs d’obligations individuelles y laissent quelque chose d’autre : la possibilité de les échanger contre des obligations à rendement plus important si elles deviennent disponibles. Même si les taux d’intérêt augmentent avant que leurs obligations n’arrivent à échéance, ils devront s’en tenir à leurs obligations à rendement moins élevé jusqu’à leur échéance s’ils veulent récupérer leur argent. La capacité d’échange contre des obligations à rendement plus élevé est un avantage que présentent les fonds obligataires qui n’est pas offert aux détenteurs d’obligations individuelles. Le document de recherche suivant de Vanguard (en anglais) fournit une illustration de la manière dont l’investisseur dans les fonds obligataires, même si le prix des obligations diminue alors que les taux augmentent, sera en mesure de récupérer au moins une partie de cette chute en obtenant des rendements plus élevés sur les obligations récemment achetées.

Quelques enseignements

Alors, quels types d’obligations individuelles peut-on acheter sans crainte, et quand devrait-on utiliser un fonds? Les petits investisseurs peuvent acheter sans crainte des obligations individuelles du gouvernement du Canada, des obligations du Trésor américain et des obligations de sociétés de haute qualité, mais ils devraient envisager un fonds s’ils évoluent dans les obligations étrangères et les obligations de sociétés de qualité inférieure. Et même les obligations à rendement réel, dont la qualité est élevée mais les transactions présentent certaines particularités, peuvent sans doute être mieux détenues dans un fonds qu’individuellement.